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Critiques de Emmanuel Bove (150)
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Le Pressentiment

Voulant quitter le monde aisé auquel il appartient, Charles s'en va vivre dans un quartier populaire. Un livre bien triste, même déprimant ou il ne s'y passe pas grand chose, une lecture bien décevante à éviter si vous le pouvez.
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Le Pressentiment

J'avais lu à plusieurs reprises tout le bien que certains trouvaient à l'écriture d'Emmanuel Bove. Auteur plutôt oublié aujourd'hui.

C'est donc avec curiosité et gourmandise que je me suis "jeté sur Le pressentiment (qui n'avait rejoint ma très grande PAL que depuis peu).

Et c'est peu dire que j'ai été séduit, conquis.

Probablement peut-on dire que son style est simple, fluide. Probablement peut-on dire que l'histoire du Pressentiment est-elle aussi simple.

Mais Emmanuel Bove nous fait vivre au plus profond du coeur de son non-héros.

Nous comprenons la soif simple de dépouillement de Charles Benesteau, son abandon d'une vie bourgeoise, codifiée, respectée. Son choix de trouver son idéal.

Nous ressentons son malaise à le voir la proie des "petites gens" pas plus indulgents, pas plus simples que son londe d'avant.

Un livre d'une profonde sensibilité et une trsè belle découverte.
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Le Pressentiment

Nous sommes en 1931, à Paris. Voilà un an, Charles Benesteau, avocat, a tout quitté, sa femme, ses enfants, ses amis, son grand appartement du boulevard de Clichy, son travail. Pourquoi ? « Il trouvait le monde méchant. Personne n’était capable d’un mouvement de générosité. Il ne voyait autour de lui que des gens agissant comme s’ils devaient vivre éternellement, injustes, avares, flattant ceux qui pouvaient les servir, ignorant les autres. Il se demandait si vraiment, dans ces conditions, la vie valait la peine d’être vécue et si le bonheur n’était pas plutôt la solitude que ces misérables efforts qu’il lui fallait faire pour tromper son entourage ». Il vit désormais seul dans un trois-pièces rue de Vanves, dans un quartier populaire et sinistre près de la gare Montparnasse. Il consacre son temps à lire, se balader et écrire ses mémoires.



« En rompant avec le passé, il s’était imaginé qu’aucun de ses gestes aurait de conséquences, qu’il serait libre, qu’il n’avait plus jamais de comptes à rendre. Or, il s’apercevait à présent qu’il lui était impossible de ne pas se singulariser, où qu’il se trouvât. » Loin de trouver l’effacement auquel il aspire, Charles Benesteau devient bientôt le « Monsieur » du quartier, objet de toutes les attentions. Un jour, un jeune ouvrier vient lui demander un conseil car il veut divorcer de sa femme qui le trompe. En l’aidant, Charles Benesteau met le doigt dans l’engrenage : sa vie ne sera plus désormais que demandes, intrusions, soupçons et calomnie.



C’est que le monde des « petites gens » n’est pas plus reluisant que celui des bourgeois que Charles cherche tant à fuir. On y est aussi envieux, avide, calculateur, hypocrite et ingrat. « Il n’y a rien de plus trompeur que la bonne intention, car elle donne l’illusion d’être le bien lui-même. » Charles pensait qu’il aurait une nouvelle vie, qu’il se fondrait dans le décor, « qu’il serait une fourmi dans une fourmilière », alors la réalité est bien cruelle. Celle-ci se rappelle à lui également sous la forme de ses frères et sœur, ou de son ex-femme, qui ne cessent de le solliciter pour le ramener à son existence antérieure et qui ne lui pardonnent pas, plus que de les avoir fuis, d’être venu s’installer dans ce quartier misérable.



Charles Benesteau se demande d’ailleurs s’il en fait assez pour rompre avec son passé. « Le pressentiment » est le récit sensible et émouvant d’un homme ordinaire à qui toute quiétude est refusée. Le style est sans fioriture, simple, descriptif et linéaire, monocorde presque, mais n’en fait que mieux ressortir la violence des rapports humains cachée derrière les mots. Un style qui n’est pas sans rappeler celui de Simenon. Emmanuel Bove a aussi l'art, comme Simenon, de révéler les bassesses de la nature humaine. On a le pressentiment, grandissant au fil des pages, que le malheur va frapper, que les espérances de Charles Benesteau sont vouées à l’échec. Et la certitude, une fois le livre refermé, d'avoir lu un grand texte au réalisme noir.


Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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Le Pressentiment

Très bien écrit, histoire pas mal.
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Le Pressentiment

C'est l'histoire d'un ancien type bien qui en a marre de sa vie de vitrine et qui se dit, tiens, si je coupais les ponts avec tous les saligauds qui entretiennent l'apparence ? A partir de là, il vit seul et programme cette vie qui lui reviendra lorsqu'il qu'il se sera débarrassé de sa richesse. Mais il doute de lui : « Il était parti parce que son entourage lui était devenu insupportable. Il avait cru montrer ainsi qu'il était un homme différent. L'était-il vraiment ? N'était-il pas tout simplement un égoïste ? »





Il peut être étrange de se reconnaît comme égoïste lorsque, d'un point de vue extérieur, les autres ont l'impression que la réussite est sacrifiée au profit d'un motif plus noble qui contraint à se reclure loin du monde. Tout se passe comme si Charles avait compris qu'il abritait le germe d'une maladie mortelle et qu'il devait vite transformer sa manière de vivre pour se retrouver en adéquation avec ce qui prenait de lui de l'ampleur - sous la forme du pressentiment, dirons-nous après coup, quand tout apparaîtra dans l'évidence. En quelque sorte, il passe le flambeau, la torche vive, cette illusion du faux bonheur, pour se garder le secret du vrai bonheur à lui tout seul. Il se donne l'impression d'être égoïste à cause de ça. Il laisse les autres seuls dans leur cambouis, sans leur dire ce que lui a compris. « Pour eux, ce qu'il avait fait était extraordinaire, alors que pour lui, c'était si simple ».

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Le Pressentiment

Il y a une certaine condescendance à prétendre que la pauvreté est une vertu. Et une incroyable naïveté, si ce n’est de l’ignorance, à croire que les classes défavorisées sont plus solidaires que les autres strates de la société. C’est ce que Charles Benesteau va apprendre à ses dépens, alors qu’il vient d’atteindre la cinquantaine. Lui, issu d’un milieu bourgeois, étriqué et conventionnel, il va envoyer paître son travail (il est avocat), sa famille et ses amis (plutôt des connaissances). Et pour ce faire, il quitte tout pour s’installer seul, ailleurs, pour écrire ses mémoires et lire. Mais la vie va le confronter à la misère d’un couple dont il recueille, pour quelques temps, la fille. Subitement, lui qui se voulait discret, devient le centre des commérages malveillants du quartier. Il découvre que la bêtise et la méchanceté sont une question de nature humaine, et non de classe sociale. Oui, une concierge peut être médisante, jalouse et injuste. Mais une professeure de français, éduquée et aisée, peut l’être tout autant. Cette expérience l’usera et il se laissera mourir, déterminé à quitter ce monde si décevant en laissant (peut-être) un souvenir à quelqu’un. Il est troublant de lire la description de cette agonie quand on sait qu’Emmanuel Bove était lui-même de santé fragile et mourut d’une maladie infectieuse.

La description de milieux sociaux à travers des archétypes féminins est une idée très intéressante. Ainsi la femme la plus sincère avec Benesteau est la femme adultère, celle qui trompe un mari alcoolique et violent. Alors que celles qui se disent « convenables » sont soit des harpies, soit des harengères. Tous les hommes sont plutôt mous de caractère. Tout ce petit monde mesquin évolue dans un décor souvent décrit en quelques phrases explicites, au cœur d’un Paris à jamais disparu (l’action se déroule dans les années 1930). Il y a dans ce style épuré les prémices des romans de Georges Simenon, à la même époque, genre « les Fiançailles de M. Hire ». En effet, Emmanuel Bove nous propose, en réalité, une intrigue plutôt simple, mais avec un décor et des personnages forts. Une intrigue dont le héros est attachant d’humanité, obligé d’aller au bout de lui-même, de sa logique en dépit des autres protagonistes.
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Le Pressentiment

Benesteau se sent en butte avec son entourage, des caractères compliqués de narcissisme et de cupidité. Il souhaite changer de vie sans le faire réellement ― il cesse mollement de fréquenter sa femme et sa famille, déménage dans une autre rue, dans un quartier moins favorisé ― il cherche à se différencier des autres, par la simplicité, par une philanthropie qui n'en est pas une car il ne veut pas être "spécial". Les difficultés reviennent assez vite, plus nombreuses, même. Si le sens de cette retraite manquée s'éclaire à la fin du récit, celui-ci me semble beaucoup moins réussi que l'idée sur laquelle il se construit ; assez platement, assez mollement, presque à l'image de son personnage pour ainsi dire. Comme en roue libre.
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Le Pressentiment

Paris, 1927. Charles Benesteau, avocat réputé, fils d’industriels, décide du jour au lendemain de tout quitter : son épouse et son fils adolescent, son travail, son bel appartement. Il ne veut plus aucun lien avec sa famille.



Il s’installe Rue de Vanves dans un petit appartement d’un immeuble avec concierge. Le quartier est plutôt populaire. Charles n’a pas vraiment choisi, il a pris le premier appartement qu’il a pu trouver.



Il aspire à la tranquillité pour écrire le journal de sa vie et à un train de vie beaucoup plus modeste. Un peu idéaliste, il est persuadé que les habitants de son nouveau quartier, essentiellement des ouvriers, sont plus authentiques que les personnes qu’il a fréquentées tout au long de sa vie.



L’expérience va lui faire quelque peu changer d’avis.



Publié en 1935, ce court roman de 150 pages est d’une incroyable modernité. Emmanuel Bove (1898-1945) est tombé dans l’oubli après la seconde guerre mondiale, il mérite vraiment d’être redécouvert. « Le pressentiment » a été adapté au cinéma par J.P Darroussin en 2006.



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Le Pressentiment

L'avocat Charles Benesteau quitte sa famille et son milieu bourgeois, pour vivre seul dans un quartier populaire où il pense rencontrer des gens plus sincères que dans son environnement précédent. Mais ce n'est pas le cas. Tous se méfient de lui, ,famille et ses anciens amis. Il est même suspect aux yeux de ses nouveaux voisins. L'intrigue fait du héros un homme d'une grande humanité

Le style simple fait ressortir la violence des rapports humains. "Le pressentiment"grandi au fil des pages, et que, le malheur va frapper.





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Le Pressentiment

Une belle découverte, ce petit roman de 1935. Eh bien, ce qu'il décrit est moins beau : c'est la triste histoire de Charles Benesteau, descendant d'une famille importante, qui décide de rompre avec son milieu bourgeois. Cela suscite bien sûr le ressentiment de sa famille et de ses amis, mais aussi des personnes de rang inférieur parmi lesquelles il est venu vivre. Sa bonhomie et sa naïveté sont brutalement exploitées de toutes les manières possibles, jusqu'à le détruire.

La topographie précise dans laquelle Charles évolue, le quartier parisien de Montparnasse, rappelle forcément Patrick Modiano. Mais l’objectif de Bove était clairement différent. Il expose inexorablement la méchanceté de la plupart des gens, leur hypocrisie et leur tricherie aux dépens des autres. En ce sens, cette histoire s’inscrit clairement dans la tradition naturaliste. Ce qui est unique chez Bove, c'est qu'il incarne dans Charles un homme « inadapté », un homme incompris, qui ne parvient pas à prendre un nouveau départ et à être reconnu pour ce qu'il est vraiment : « En rompant avec le passé, il s’était imaginé qu’aucun de ses gestes n’aurait de conséquences, qu’il serait libre, qu’il n’aurait plus jamais de comptes à rendre. Or, il s’apercevait à présent qu’il lui était impossible de ne pas se singulariser, où qu’il se trouvât. Chacun de ses actes continuait d’être l’objet d’un examen. » À cet égard, Bove me rappelle l'écrivain italien contemporain Luigi Pirandello, ils ont tous deux souligné le tissu social atroce dans lequel nous vivons.
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Le Pressentiment

Emanuel Bove écrit avec une fluidité très agréable, peut-être est-elle destinée à nous faire accepter la méchanceté du monde dont on ne peut que partager, à sa lecture, la déception.



La situation semble désespérée, Charles renonce à son milieu en espérant par son acte, trouvé la bonté. Comme s'il s'était simplement trompé d'adresse en naissant de bonne famille, épousant Arlette et devenant avocat. Tout le livre n'est que déconvenue devant la calomnie, les petits jeux, les manipulations et les esprits obtus que pauvres. Au fur et à mesure de la lecture, on se fait à l'idée qu'aucune fuite ne sera possible pour Charles, ni pour personne.



On l'a compris, il faut un bon moral pour entamer "Le pressentiment". Toutefois, la lecture est très agréable et on se prend d'affection pour cet être sincère, dont la naïveté nous concerne tous quelque peu.
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Le remord

à découvrir... une écriture poétique, une qualité littéraire indéniable.
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Le remord

Dommage, tout de même, cette coquille, qui défigure cette bonne édition, sur la couverture...
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Mes amis

Si vous vous sentez déprimé, pas très en forme, surtout ne plongez pas dans ce livre....

Ça transpire le désespoir à chaque phrase. J'avais envie de secouer le narrateur, ce Victor Baton, qui semble se complaire dans son malheur et qui en a perdu toutes les conventions sociales.

Les phrases courtes, on un effet terrible.



J'ai écouté ce livre d'après l'enregistrement de audiocité : et j'ai trouvé le ton donné parfaitement juste et tout à fait en phase avec le texte.
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Mes amis

Mes amis est le premier roman d'Emmanuel Bove. Le roman connut un beau succés au moment de sa parution en 1924 avant de tomber dans l'oubli avec son auteur, mort praméturément en 1945. Il raconte la quête de Victor Bâton. Bénéficiant d'une maigre pension de guerre, il ne travaille plus et erre dans la ville de Montrouge portant un regard sans complaisance sur lui-même et sur le monde qui l'entoure. Pourtant, il clame son envie de se faire des amis : "La solitude me pèse. J'aimerais à avoir un ami, un véritable ami, ou bien une maîtresse à qui je confierais mes peines. Quand on erre, toute une journée, sans parler, on se sent las, le soir dans sa chambre." p. 50



Malheureusement, il va gâcher tous les balbutiements de relations qui pourront s'ébaucher entre lui et les autres, comme si finalement, il préférait sa solitude aux autres, préférant se plaindre, être plaint et se croire victime de l'injustice des autres, plutôt que d'assumer une véritable relation, qu'elle soit amicale, amoureuse ou professionnelle. Victor Bâton est un personnage qui se fait d'abord une idée des choses et voit selon son idée, selon le sentiment que lui inspire cette idée. Il souffre d'un trop plein d'imagination.



"Un homme comme moi, qui ne travaille pas, qui ne veut pas travailler, sera toujours détesté.



J'étais, dans cette maison d'ouvrier, le fou, qu'au fond, tous auraient voulu être. J'étais celui qui se privait de viande, de cinéma, de laine, pour être libre. J'étais celui qui, sans le vouloir, rappelait chaque jour aux gens leur condition misérable." p. 168



Avec ce roman où il ne se passe rien, Emmanuel Bove bouleversa la littérature française : son écriture, alliant subtilement densité du style et simplicité formelle, se double d'une ironie mordante qui a traversé les années. Il a renouvelé la pratique du roman psychologique de l'époque en cernant la vérité de tous les jours, S'il revient au devant de la scène actuellement, selon François Ouellet, c'est à cause de :



"Le narcissisme individualiste de notre société, profondément viciée par la perte des certitudes et une valorisation des rapports égalitaires au profit d'une posture victimaire s'exerçant au détriment de la responsabilité citoyenne. (...) Anti-héros postmoderne, qui rachète sa défaite, son impuissance à vivre, par sa grandeur d'âme et la beauté de sa solitude, Bâton luit comme une étoile au firmament des névrosés fin de millénaire."

Ce que j'ai moins aimé : j'ai toujours quelques difficultés avec les anti-héros en littérature ...


Lien : http://www.lecturissime.com/..
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Mes amis

Le premier roman d'Emmanuel Bove, paru en 1924, n'a étonnamment pas pris une ride, et conserve une force exceptionnelle. A quoi peut-on attribuer ce tour de force ? A une écriture minimaliste mais néanmoins féroce de précision et de retenue, qui en dit bien plus par ses silences que par de long discours ? A l'histoire intemporelle d'un homme empreint d'une grande solitude, qui en ne cherchant que des "amis" tente d'échapper à sa propre folie narcissique ? Bove, derrière de fausses banalités, laissera quelques savoureux aphorismes à ses lecteurs et un étrange sentiment d'étourdissement.
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Mes amis

C'est la vie, la solitude et les pensées d'un SDF des années 20, un rescapé des tranchées, son désir de richesse, avoir une maîtresse, des amis, quelqu'un qui s'intéresse à lui.



'Comment se faire des amis quand on est pauvre' C'est criant de vérité.



"Moi aussi, ce jour-là, j’aurais suivi une femme avec plaisir. Je ne l’ai pas fait parce que je voulais lui louer une chambre.

Il n’a pas deviné que dans mon cœur il y avait des trésors de tendresse. Il a préféré satisfaire un désir."



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Mes amis

Celui qui a précédé Sartre et Camus, et qui aurait dû être reconnu comme le véritable inventeur du roman moderne. Incontournable.
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Mes amis

Emmanuel Bove jouit d'une réputation d'écrivain sous-estimé, cité par Beckett.

Avec "Mes amis", il a écrit un court roman étonnant, à l'écriture ciselée, précise, qui raconte les états d'âme d'un homme, Victor Bâton, vivant seul dans le Paris de l'entre-deux guerres.

Ce personnage cherche à enrayer la logique de solitude dans laquelle il s'est - on ne sait comment - enfermé. La moindre rencontre nourrit chez lui des attentes disproportionnées. À chaque fois, sa maladresse et son émotivité ne manque pas de fausser toute probabilité de réussite. le pauvre homme navigue donc d'échec en échec. Et quand il tient sa chance, il la gâche.

On reste fasciné de bout en bout par la lente agonie dans laquelle Victor s'étourdit. Plus il réclame de l'amour, plus il s'en éloigne. Il se montre tour à tour pitoyable, sympathique ou agaçant.

Les mots de Bove sont justes, son sens du détail fait mouche.

"Mes amis" est un livre sensible, mélancolique, emprunt d'une certaine douceur. Un livre original, qui n'a pas pris une ride, une belle découverte.



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Mes amis

Le titre du roman d'Emmanuel Bove est trompeur, car ce n'est pas tant des amis de son héros qu'il est ici question, que de ses tentatives désespérées -et il faut bien le dire, souvent pitoyables- pour s'en faire...



Cette lecture m'a rappelé celle de "La faim" de Knut Hamsun... bien que Victor Baton, le personnage de "Mes amis", ne soit pas en manque de nourriture comme le malheureux héros de l'auteur norvégien, mais de relations humaines, le parcours des deux hommes est plombé du même écrasant sentiment de misère médiocre. De même, il y a dans les deux œuvres une sorte de répétition cyclique, et systématiquement vouée à l'échec, des situations dans lesquelles leur quête place les deux narrateurs.



Victor Baton nous cueille au réveil -le sien, s'entend-, déjà prolixe en détails d'un prosaïsme crasse quant à son apparence physique -ses dents grasses, ses paupières au coin desquelles ont séché des larmes...- et la triste décrépitude de sa chambre grise. En poursuivant par l'évocation de son voisinage, au gré de phrases brèves et percutantes alliant considérations à la spontanéité désarmante, drôle, et descriptions d'une froideur clinique, il nous donne le ton de ce qui va suivre...

"Chaque matin, ma voisine chante sans paroles en déplaçant les meubles. Sa voix est amortie par le mur. J'ai l'impression de me trouver derrière un phonographe.

Souvent, je la croise dans l'escalier. Elle est crémière. A neuf heures, elle vient faire son ménage. Des gouttes de lait tachent le feutre de ses pantoufles.

J'aime les femmes en pantoufles : les jambes n'ont pas l'air défendues.

En été, on distingue ses tétons et les épaulettes de sa chemise, sous le corsage. Je lui ai dit que je l'aimais. Elle a ri, sans doute parce que j'ai mauvaise mine et que je suis pauvre. Elle préfère les hommes qui portent un uniforme."

Le narrateur, lui, ne porte pas d'uniforme. Réformé, il vivote sur sa maigre pension d'invalide de guerre, et suscite le mépris de ses voisins qui le considère comme un fainéant. C'est que l'invalidité de Victor, partielle, ne l'empêche pas vraiment de travailler. Seulement, l'ennui et le sentiment aigu de sa pauvreté l'engluent dans une volonté d'inertie que viennent conforter les déboires qu'il subit à chaque tentative pour s'intégrer dans la société des hommes.



"Mes amis" relate la succession des mésaventures que provoque ses emballements pour des inconnus dont il espère devenir proche. Il s'applique à le leur faire comprendre avec une promptitude qui révèle son désespoir. Obnubilé par ses efforts pour se montrer sous son meilleur jour, en vu d'un résultat qui l'obsède tout autant, il fait preuve de maladresse, manque de naturel, et finit par susciter le mépris ou la pitié. Ce désir éperdu de séduire l'autre, mêlé à sa gêne permanente quant à l'image qu'il renvoie, altèrent par ailleurs sa lucidité, et le fourvoie quant aux intentions d'autrui. Il n'attire ainsi que des profiteurs, qui le fréquentent le temps d'avoir obtenu quelque gain souvent dérisoire, ou des philanthropes qui l'apprécient non pour sa personne, mais pour sa pauvreté, et la possibilité qui leur est ainsi offerte de s'auto glorifier en se montrant charitable...



Victor oscille ainsi entre espoirs et désillusions, alternant les périodes où, fantasmant sa vie, il s'imagine riche et bien vêtu, vivant avec une actrice célèbre, et celles où, submergé par la solitude et le désespoir, il est de nouveau écrasé par les sentiment d'infériorité et de découragement suscitée par son apparence miteuse et ses expériences malheureuses.

Le vide de sa vie s'exprime alors par son attachement à d'insignifiants détails, qu'il évoque comme s'il s'agissait d'événements importants, et sa souffrance par l'amertume avec laquelle il considère le monde qui l'entoure, donnant l'impression de voir la laideur, la misère, la détresse avec une acuité accrue.



Emmanuel Bove décrit avec ce roman la chute inaudible, invisible (parce qu'on ne veut pas la voir) de ceux que leur condition sociale rejette aux limites de la communauté. C'est une chute sans flamboyance, et, à l'image d'un système fondé sur les valeurs de l'argent et de la notabilité, mesquine.



Mais ne vous y trompez pas : en dépit de son propos pessimiste, "Mes amis" offre l'occasion d'une lecture que son rythme enlevé et son ironie mordante rendent très plaisante !


Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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