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Citations de Emmanuelle Bayamack-Tam (292)


L'amour est faible, facilement terrassé, aussi prompt à s'éteindre qu'à naître. La haine, en revanche, prospère d'un rien et ne meurt jamais. Elle est comme les blattes et les méduses: coupez lui la lumière, elle s'en fout; privez la d'oxygène, elle siphonnera celui des autres, tronçonnez la, et cent autres haines naîtront d'un seul de ses morceaux.
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Jusqu'ici je n'avais pas compris que l'amour et la tolérance ne s'adressaient qu'aux bipolaires et aux électrosensibles blancs : je pensais que nous avions le cœur assez grand pour aimer tout le monde. Mais non. Les migrants peuvent bien traverser le Sinaï et s'y faire torturer, être mis en esclavage, se noyer en Méditerranée, mourir de froid dans un réacteur, se faire faucher par un train, happer par les flots tumultueux de la Roya : les sociétaires de Liberty House ne bougeront pas le petit doigt pour les secourir. Ils réservent leur sollicitude aux lapins, aux vaches, aux poulets, aux visions. Meat is murder, mais soixante-dix Syriens peuvent bien s'entasser dans un camion frigorifique et y trouver la mort, je ne sais pas quel crime et quelle carcasse les scandaliseront le plus.(...) Ils ne mangent plus de viande et ils ont peur de la jungle, mais ils tolèrent que sa loi s'exerce jusque dans leurs petits cœurs sensibles. (p314)
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Contrite ma grand-mère a battu en retraite, mais la leçon n'a pas porté et elle persiste à exhiber une anatomie osseuse et boucanée, dont il faut bien reconnaître qu'elle n'a rien d'obscène pour la simple raison qu'elle n'a plus rien d'humain. Il faut beaucoup d'imagination pour se figurer que ce pubis déplumé, ces téguments ocre, ces affaissements livides, ce réseaux veineux devenu serpentiforme jusque dans son aspect écailleux, ont appartenu non seulement à une femme mais à une des plus belles de sa génération. Et sa poitrine... Ayant toujours clamé que le soutien-gorge était la mort des seins, elle ne semble pas réaliser que les siens coulent désormais parallèlement à son thorax, mamelons en bout de course à trente centimètres de leur lieu de naissance et battant la breloque au moindre mouvement.

p15, éditions P.O.L
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Les romans me rendent extrêmement heureuse, d’un bonheur que j’ai du mal à définir et que mon père qualifierait sûrement d’égoïste. Car l’Humanité peut bien aller à sa perte, tant que j’aurai mes livres, je m’en soucierai somme toute assez peu. Cette vérité étant absolument inavouable au sein de ma grande famille altruiste, je la garde pour moi et j’avance dans mon projet de lecture de tous les romans du monde, sans méthode mais avec conviction. Des Souris et des hommes et L’Idiot comptent évidemment parmi mes objectifs, mais si Steinbeck me semble accessible, un œil jeté à Dostoïevski m’a plongée dans la consternation, et je ne suis pas certaine d’être assez intelligente un jour pour pouvoir côtoyer les Épantchine avec profit. Sans parler des Rogojine et des Ivolguine.
En attendant ce jour improbable, je fréquente assidûment vampires adolescents, sorciers amoureux, pirates borgnes, naufragés plus ou moins volontaires, tueurs en série et détectives en herbe – m’attirant les commentaires perplexes de mon père :
– On dirait que la réalité ne te suffit pas…
C’est exactement ça, ou plutôt c’est l’inverse : la réalité est suffisamment terrifiante pour m’inspirer le désir fou de la quitter. Mon père et ses disciples ont beau avoir déclaré la guerre à la guerre, je vois bien qu’elle fait rage partout, à commencer par le cœur des hommes, et en attendant la nouvelle ère que nous appelons de nos vœux, j’aime autant qu’on me laisse m’immerger tranquillement dans la fiction : les forces du mal s’y déchaînent aussi, mais ce déchaînement n’a jamais tué personne.
(p.22-23)
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Je transpire. C’est ce qui arrive fréquemment aux petites filles quand elles sont grosses et noires – et nous touchons là au principal motif de déception de mes parents, même si la tête sur le billot ils n’en conviendraient pas : je suis noire. Des gens plus avertis s’en seraient aperçus tout de suite, mais voilà, au moment de mon adoption, j’étais plutôt d’une pâleur olivâtre due au confinement hivernal. Comme par ailleurs j’ai toujours eu des taches de rousseur, je pouvais tout à fait passer pour blanche. Si vous ajoutez à ça le tressage quotidien de ma chevelure par une éducatrice capverdienne, vous comprendrez pourquoi mes parents sont aujourd’hui estomaqués par ma métamorphose, ce vilain tour de passe-passe qui a transformé leur miniature ivoirine en une créature boulotte, basanée et crépue.
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Au moment où je m'apprête à quitter son bureau, Mme Toretti me cloue sur le seuil avec une dernière question perfide :
- Farah, au fait : vous êtes une fille ou un garçon? Parce que si j'en crois l'état civil, vous êtes une fille, mais bon, à vous voir, ce n'est pas si clair..
Crétine. Je suis ce que tu ne t'autoriseras jamais à être : une fille aux muscle d'acier, un garçon qui n'a pas peur de sa fragilité, une chimère dotée d'ovaires et de testicules d'opérette, une entité inassignable, un esprit libre, un être humain intact.
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Les minces doivent leur minceur à cette folie obsessionnelle. Pour maigrir, il faut penser constamment à la nourriture. Et constamment à soi. Les minces doivent leur minceur à leur égocentrisme forcené, à leur mesquinerie chipoteuse et chiche. Désormais, je hais la nourriture, je hais les gens et je me hais moi-même.
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Ils sont vieux. J'arrive trop tard dans leur vie. Ils ne savent plus cacher leurs émotions, réguler leurs humeurs, tenir leur langue. J'arrive après la dissimulation, la pudeur, le self-control. Il leur reste les bonnes manières, mais c'est tout juste et sa condition que rien ne soit préalablement venu perturber la monotonie sécuritaire de leur emploi du temps.
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Je jouis aussi, enfin, mais Sven ferait mieux d'avoir le triomphe modeste parce que c'est la pensée de Charonne, ses cuisses dorées, ses seins explosifs, son échine grasse, ses yeux un peu battus, qui ont fait fondre ma chatte sur le ventre trop plat de mon amant. Tu marches sur des morts,Beauté, dont tu te moques... Moi aussi, je vais marcher sur les morts, piétiner les vivants, être Patti Smith ou rien.
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Je sais ce qu'aimer veut dire, je l'ai appris en même temps que j'apprenais tout le reste : identifier une constellation, reconnaître un cèpe d'un bolet, grimper à la cime d'un cèdre, traire une vache rétive, robinsonner dans une bibliothèque - mais aussi, masser des membres arthritiques, coiffer des cheveux clairsemés, pousser un fauteuil dans des ornières boueuses, savonner le corps dru d'un petit garçon, rassurer une mère trop fragile, faire des courriers pour un père illettré, piquer une junkie entre les orteils, seconder dans sa cuisine une gouvernante inflexible, suivre la lettre c'est prescriptions d'airain, puis courir dans l'herbe mouillée pour rejoindre mon amant et me donner à lui.
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Les faibles s'accommodent très bien de la défaillance des autres, au moins dans un premier temps, parce qu'elle les conforte dans leur existence végétative. Ils ne savent pas à quel point leur simple fonctionnement est tributaire de la beauté exubérante et de la force inépuisable de ceux qui ont choisi de plonger dans le tourbillon de la vie.
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A la Treizième Heure, le baptême est aussi un couronnement. Nous l’administrons en grande pompe et selon nos propres rituels. Au jour dit, le catéchumène se présente à jeun, pour passer une ou deux heures dans une tente de sudation. Il est ensuite minutieusement lavé par son parrain et sa marraine, puis revêtu d’un yukata en lin bleu. Mes frères et sœurs ont choisi cette couleur à l’unanimité, à une époque où j’étais trop jeune pour que mon avis soit de quelque poids – et c’est dommage, car j’aurais évidemment voté pour une couleur flamboyante.
Sur les cent-dix-sept personnes que j’ai sondées à ce jour, soixante-dix-huit ont désigné le bleu comme leur couleur préférée, et il faut savoir que cette prédilection se retrouve à travers tout le monde occidental. Le bleu, c’est le consensus mou : on s’entend pour promouvoir une couleur pas dérangeante. Sauf que précisément ça me dérange, comme me dérangent toutes les acceptations faibles et pas réfléchies. Faites le test avec les fleurs, les fruits ou les animaux, et si vous ne le faites pas, sachez que moi je l’ai fait, dans ma rage de mettre mes semblables en fiches et en diagrammes – avec des résultats si prévisibles et si décourageants que j’ai bien failli renoncer pour toujours aux sondages d’opinion. Sans doute faut-il choisir entre aimer les hommes ou les connaître.
(pp.111-112)
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Oui, j’ai pris des épaules et perdu des nichons : le doute n’est plus permis quant à ma virilisation galopante, syndrome de Rokitanski ou pas. Je suis une erreur de la nature, un complexe de symptômes qui vont rendre ma vie très difficile sans pour autant trouver d’explication et encore moins de cure adéquate. Plus le temps passe, plus je m’éloigne du positionnement que je visais en matière de féminité : ayant toujours eu conscience de la faiblesse de mes atouts, j’ambitionnais juste d’être une bonne copine, une fille aux joues fraîches et au charme franc, bien loin des artifices frelatés de la plupart des meufs. Hélas, je n’aurai même pas droit à ce créneau modeste : en fait de niche, il me reste celle des transgenres, des shemales, ou du troisième sexe. Je n’ai rien contre, mais ce n’était pas mon idée, et j’en reviens toujours à la question qui a failli nous envoyer dans le fossé, Arcady et moi : qui suis-je ?
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Je l'aimais. Elle était bête, égoïste et méchante, , mais si on n'aimait que les gens qui le méritent, la vie serait une distribution de prix très ennuyeuse.
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- Elle voulait t'appeler Anastasia.
- Beurk, je préfère encore Kimberly.
Ma mère en crache presque sa bouchée de farce :
- T'avais pas ton mot à dire, je te rappelle! C'est les parents qui choisissent le prénom des enfants!
- Ouais, ben c'est un abus de pouvoir parfaitement inique vu que c'est les enfants qui doivent se taper un prénom de merde toute leur vie!
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Je bombe le torse, je prends un air dur, certaine de pouvoir duper toute la plage sur mon identité sexuelle, avec mes cheveux courts et mon boxer de lycra bleu marine.
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L'épidémie est mondiale, elle n'a rien à voir avec le virus : elle a à voir avec la facilité qu'il y a à céder à la haine, à y répondre et à la répandre. La haine est un réflexe machinal là où l'amour demande de l'engagement et de la réflexion.
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Cela dit : je ne connais aucun adulte qui s'imagine faire son âge : tous sont convaincus qu'on leur donne dix ans de moins. (p.151)
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Emmanuelle Bayamack-Tam
car à 6 ans, Djilali donnait l'impression de ne jamais avoir été traverssé par une pensée mesquine ou un réflexe de dissimulation. Tendre, lumineux, il allait spontanément vers les adultes, posait sa petite main dans leur giron, et levait vers eux ses yeux confiants, jamais rebuté par leurs nez bulbeux ou leurs fanons flétris, jamais découragé par leur indifférence, leur impatience ou leur incohérence.
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Arcady a toujours dit qu’on était l’un ou l’autre : chien délirant de joie à la moindre faveur ou chat persuadé que tout lui était dû. Faites le test avec vos proches et vous verrez que ça marche très bien
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