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Critiques de Enrique Vila-Matas (137)
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Montevideo

Le narrateur de ce roman (2022), un double imaginaire de Enrique Vila-Matas, voyage à la recherche de clés qui l'empêchent d'écrire.

Ce voyage est mental, même s'il utilise des lieux et des événements réels. Il est littéraire, moderne et labyrinthique. Il nous emmène par les cases Paris, Cascais, Montevideo, Reykjavik, Bogotà et de nouveau Paris un peu comme un jeu de marelle à la Cortazar. Et justement le mystère de la Porte condamnée est au coeur du livre. Dans cette nouvelle de Julio Cortazar, située dans l'hôtel Cervantes de Montevideo, le protagoniste Petrone est réveillé toutes les nuits dans sa petite chambre 205 par les pleurs d'un enfant qu'il entend à travers une porte qui communiquait jadis avec la chambre voisine. Pourtant le gérant lui assure qu'il n'y a pas d'enfant à l'étage, ni même dans l'hôtel. le narrateur du roman se rend à Montevideo dans l'espoir de retrouver cette petite chambre et la porte condamnée derrière l'armoire, « l'endroit exact où le fantastique fait irruption dans l'histoire. ».

Cette (en)quête est un vrai labyrinthe que j'ai trouvé plaisant, pendant les deux tiers du livre puis un peu alambiqué ensuite. Ce que j'aime chez Vila-Matas c'est la légèreté et la liberté avec lesquelles il raconte. Son narrateur est libre. Il imagine, rêve, cauchemarde à l'intérieur de la littérature. Et il raconte avec virtuosité ses associations d'idées. Il fait dialoguer Mallarmé, l'hermétique et Miles Davis qui joue en tournant le dos au public. Il peut se trouver dans trois endroits différents : dans une chambre d'hôtel d'une exposition à Paris, mais aussi à Shanghai avec Marlene Dietrich et à Bogotá près de Gabo avec, dans les trois lieux une petite valise rouge qui se trouvait également à Montevideo. Outre Cortazar, il cite de très nombreux auteurs fort différents avec une prédilection pour les inventeurs, les créatifs, parmi lesquels mon préféré Antonio Tabucchi. Alors parfois on s'y perd un peu car les digressions sont nombreuses et sinueuses et à la fin ennuyeuses. Je n'ai pas non plus autant ri que dans Paris ne finit jamais ou Etrange façon de vivre, même s'il y a des passages fort amusants. A Cascais par exemple, le narrateur est empêché de dormir à cause des éclats de rire intempestifs de son voisin de chambre Jean-Pierre Léaud lui-même, pourtant sérieux comme un pape. Néanmoins j'ai passé un bon moment au pays de l'écriture.

Et bien évidemment je poursuivrai ma découverte de Enrique Vila-Matas.
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Paris ne finit jamais

Ce livre (2003) est un régal ! Ludique, drôle et tendre. Il traite de mémoire, de solitude et de création littéraire.



Il s'ouvre par une scène improbable. le narrateur, alter ego de l'auteur, participe à un concours de sosies d'Hemingway à Key West, en dépit du fait qu'il ne ressemble pas du tout à Hemingway. Après s'être bien ridiculisé, il fait un voyage à Paris avec son épouse et se consacre à passer en revue sur le mode ironique les deux années qu'il a vécues dans cette ville, en 74-75, au cours desquelles il fut non pas « très pauvre et très heureux «  comme Hemingway mais « très pauvre et très malheureux ». Ces notes qu'il a jetées machinalement sur son siège dans l'avion du retour et qu'il feint d'avoir oubliées, seront à l'origine de « Paris ne finit jamais », la triple conférence de deux heures qu'il aura l'honneur de prononcer dans un symposium à Barcelone consacré à l'ironie.



Les 110 notes soit-disantes éphémères qui suivent sont écrites sur le ton de la conversation avec des digressions sur le présent du narrateur dont on sait depuis l'ouverture qu'il est un imposteur grotesque à la mémoire défaillante. Au récit auto-parodique de souvenirs personnels drôles et mélancoliques, se mêlent la littérature (française surtout) et sa parodie.



Et nous voilà à Paris, période post-soixante-huitarde. le jeune écrivain barcelonais plein d'ambition s'est exilé pour composer « La lecture assassine ». Il est entièrement vêtu de noir, porte une barbe noire, fume la pipe et promène un regard tourmenté comme un vrai poète maudit. Et il veut aussi car c'est la mode, se faire passer pour un jeune Situationniste. Il loge dans une chambre de bonne que lui loue Marguerite Duras et dans laquelle des célébrités sont passées avant lui. Il ne la comprend pas bien Marguerite Duras car elle parle constamment un « français supérieur » et lui donne des conseils d'écriture sibyllins. Il faut dire que l'écrivain en herbe à l'ambition de tuer le lecteur et Duras est sublimement stupéfaite. Au fil du texte, Marguerite Duras réapparaîtra de manière saugrenue dans des scènes formidables. le jeune apprenti se fraye un chemin à Saint-Germain-des Prés, se faufile au Flore haut lieu de tradition apatride et dans d'autres cafés emblématiques avec quelques exilés hispaniques et latino-américains. Il nous fait entrer dans des caves mystérieuses où des illustres tiennent des conférences, à moins qu'il ne s'agissent d'imposteurs ou de travestis. Il brosse le portrait de figures haut-en-couleurs, il décrit avec un humour tordant le petit monde gravitant autour de Marguerite qui vient de tourner Indiana Song. Il nourrit sa mémoire de tout ce petit monde en pique-assiette littéraire astucieux. En même temps seul dans sa mansarde à lui, face au portrait de Virginia Woolf le jeune écrivain est en proie aux doutes et erre au milieu de ses obsessions littéraires.

Au terme de son séjour parisien il ignore encore s'il est devenu l'écrivain qu'il voulait être. Il retourne cependant à Barcelone en sachant désormais taper à la machine convenablement et, nanti de l'ultime et précieux conseil de Marguerite qu'elle tient de Queneau, il pressent comment il doit pratiquer son métier.



J'ai lu ce livre plein d'originalité et de fantaisie d'une traite en riant souvent. J'en lirai d'autres car Paris ne finit jamais.
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Etrange façon de vivre

« Depuis que Dieu n'existe plus, depuis que nous ne croyons plus que quelqu'un nous observe, notre vie manque de finalité. »



Le roman (1997) nous raconte la folle journée d'un écrivain médiocre qui ne peut pas se regarder dans le miroir. Et pas seulement à cause de son grand nez. le narrateur qu'on surnomme Cyrano est un écrivain à succès : il arpente depuis des années la rue Durban pour espionner ses plus misérables habitants afin d'en faire les protagonistes de sa trilogie réaliste en cours. Il est marié à Carmina et père de Bruno, un enfant qualifié d« horrible » Mais ce jour là, tout déraille. Rosita sa maîtresse et belle-soeur menace de le plaquer après sa conférence rue Verdi qui a lieu le soir même. Au lieu de préparer son discours habituel sur la « Structure mythique du héros », il décide de l'éblouir en se lançant dans un discours sur l'espionnage dans le travail d'écrivain, thème ô combien plus alléchant. Et de se remémorer divers épisodes de sa vie d'espion, interrompus par la réalité banale, triviale, parfois dramatique et sa réflexion personnelle, comme dans la vraie vie ou comme dans un roman moderne. Les frontières entre réalité et imagination, s'estompent peu à peu. Celles entre auteur, narrateur et personnages aussi.



Le fait est que le lecteur espionne ce curieux personnage en jubilant. On se demande bien évidemment s'il va partir avec Rosita ou rester avec Carmina et son enfant. Bruno est d'ailleurs le seul personnage de sa famille qui n'espionne pas (c'est pourquoi il semble cinglé). Cyrano se souvient qu' enfant, ses parents l'ont envoyé espionner Dali à Cadaques. Sa mère voulait savoir si dans la vie ordinaire, le génie était un génie. Ce qui nous vaut une des scènes les plus bidonnantes du livre. Plus tard, à Antibes, il a sonné chez Graham Green son idole. Il a rencontré aussi dans le train un ex-agent double véritable, tout droit sorti d'un roman de John le Carré. Il envisage de se servir de son témoignage à la conférence mais doute de la pertinence de la raconter tout en nous la racontant bien évidemment. Et il note la ressemblance physique avec un soupçon d'imagination entre l'agent-double et lui. le souvenir plus ou moins bidon est transformé sous nos yeux en littérature sous la pression de la belle Rosita-Shéhérazade. Mille et une allusions à la littérature sont utilisées par l'écrivain Cyrano et son double malicieux, Vila-Matas. Je vous laisse le plaisir de les identifier.



Je poursuivrai ma découverte de Vila-Matas avec gourmandise.





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Montevideo

Abandonné page 55 : le livre me tombe des mains faute d'une ligne narrative continue! Les points de vue s'enchaînent sans réellement faire sens. Le lecteur semble superflu et même devenir un intrus! Je pense que ce n'est pas du tout le genre de littérature de fiction qui me correspond.
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Docteur Pasavento

Si vous consultez Docteur Pasavento vous ne serez probablement pas plus avancé. Le diagnostic à propos de cet étrange objet-livre, c'est vous qui le ferez. Et ce ne sera pas facile. J'avais prévu le danger en achetant ce roman-récit-essai du Catalan Enrique Vila-Matas et je m'attendais à une lecture un peu laborieuse. Ce fut le cas mais ce fut un cas intéressant.



Le narrateur de cette histoire, plus ou moins l'auteur lui-même, a une obsession, disparaitre aux yeux du monde. Il est écrivain, quel joli pseudo que Pasavento, qui semble libre comme l'air. Mais il a une autre identité, Dr. Ingravallo, et une troisième parfois. Un zeste labyrinthique, ce bouquin, mais le voyage, avec ses ses hésitations et ses vertiges, vaut sacrément le coup. Entre Naples, Paris où il réside dans la rue Vaneau qui vit passer Gide et Emmanuel Bove, quelques retours à Barcelone, et surtout les Alpes suisses où le poète Robert Walser, idole de Pasavento, trouva la mort dans la neige, un jour de Noël.



Docteur Pasavento est une aventure de lecture qui vous oblige à flâner, qui vous égare dans le temps et l'espace. Très souvent on ne sait plus très bien où l'on en est. Je n'ai jamais dépassé la dose homéopathique de vingt pages à la fois. L'équilibre du lecteur est alors fragile avec de (trop) nombreuses références littéraires. Walser fut interné les vingt-cinq dernières années de sa vie. On croise beaucoup de psychiatres, compagnie dangereuse de voleurs d'identité. Les ombres de Lobo Antunes le Portugais, celles de Salinger et plus encore Pynchon,ces grands pseudo-disparus, contre lesquelles je me suis parfois cassé les dents, vont et viennent au long du voyage.



Rien n'est clair dans ce livre. La raison n'est pas de mise et si l'on s'énerve un peu parfois, c'est de comprendre enfin qu'on ne comprendra pas. Et si l'on s'enthousiame aussi c'est de ne pas s'ennuyer devant tous ces cas "pathologiques" qu'on finit par aimer. Allez comprendre. Nous sommes dans le haut vol littéraire et il faut attacher nos ceintures.
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Bartleby et Compagnie

Attirée, voire captivée par les écrivains du renoncement, parmi lesquels Rimbaud et Walser que j'affectionne particulièrement, j'ai plongé avec délice dans le facétieux "roman" Bartleby et compagnie.

S'agit-il vraiment d'un roman ? Il nous narre, à la première personne, l'histoire de Marcelo, modeste employé de bureau, bossu, malheureux avec les femmes, auteur, il y a plus de vingt ans, d'un unique roman, qui se lance dans des recherches sur les écrivains ayant fait le choix d'arrêter d'écrire, de renoncer à l'écriture, marchant sur les traces de Herman Melville après les échecs de ses livres, et de son héros Bartleby, clerc de notaire qui "préférait ne pas" (I would prefer not to) exécuter les travaux d'écriture demandés.

Les recherches de Marcelo sur ces écrivains, les "bartleby" comme ils les appellent, prennent la forme de 86 notes de bas de pages, censées accompagner un livre dont le projet ne se concrétise pas.

Nous sommes confrontés à la subtile construction d'un livre à tiroirs, écrit par Vila-Matas se projetant dans le personnage d'un confrère en échec qui se passionne pour Melville et sa fameuse créature, son reflet Bartleby. Un fascinant jeu de miroirs nous est ainsi offert.

Les écrivains ont plusieurs façons de renoncer. Certains cessent d'écrire après un ou plusieurs ouvrages ou ne les achèvent pas, d'autres n'écrivent aucun des livres qu'ils auraient pu écrire, d'autres encore disparaissent, s'évanouissent dans la nature, s'invisibilisent, tels J.D.Salinger, T.Pynchon ou B.Traven.

Marcelo passe en revue l'ensemble des raisons qui conduisent les "Ecrivains négatifs" à agir de la sorte. Il y a ceux qui estiment qu'ils n'ont plus rien à dire, ceux qui deviennent fous et terminent à l'asile, comme Walser, ceux qui sont envahis par leurs hallucinations, comme Rimbaud. "Ils ont sur la pupille une vision terrible qui ne les quitte jamais" disait Victor Hugo.

Certains sont paralysés devant la dimension d'absolu de toute création. D'autres considèrent qu'ils ne peuvent écrire car ils ne sont personne, dépourvus en tant que poètes d'êtres en soi, ou que tout a été dit et qu'ils n'ont rien de nouveau à proposer.

Nombreux sont les artistes qui estiment que les mots ne suffisent pas à exprimer ce qu'ils ont à dire, ou à traduire leurs visions. Selon von Hofmannsthal, les mots forment à eux-mêmes un monde et ne disent pas la vie. La parole a failli et le langage ne sait désormais nommer, ni dompter le flux convulsif des choses.

Vila-Matas fait preuve d'une grande érudition et d'un solide sens de l'humour. A l'instar de Pessoa dont la personnalité se démultipliait grâce à ses personnages hétéronymes, il crée quantité d'auteurs fictifs à qui il prête des propos et des positions sur la création littéraire et le refus d'écrire.

Au travers de ses petites notes de bas de page au ton souvent badin et humoristique, Vila-Matas nous invite à interroger la relation que les romanciers et les poètes entretiennent avec les mots et le langage, ainsi que les différentes raisons qui peuvent les amener à y mettre fin, privilégiant ainsi la vie au détriment de l'art.





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Montevideo

Au fil de des conférences qu'il donne un peu partout dans le monde, on suit un personnage d'une grande culture, ayant une connaissance pointue du monde littéraire et des difficultés de création et que l'on devine bien sûr être très proche de l'auteur. Cependant, cette "marelle" mondiale est restée assez vaine pour moi, attiré par la quatrième de couverture (je ne connaissais pas l'auteur) et l'attraction qu'exerce aussi sur moi cette ville de Montevideo. Au final, cette lecture n'a pas été qu'une "façon de perdre" mon temps : elle m'a fait relire avec plaisir Julio Cortázar!
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Montevideo

QCM :

- 1) Onanisme littéraire

- 2) Et que je suis cultivé et que je le prouve

- 3) Clin d’œil à la criticature (qui a généreusement renvoyé l’ascenseur, toutes écuries confondues, comme quoi les corporations n’ont pas été abolies ni le copinage)

- 4 ) Support de cours pour étudiant en lettres

- 5 ) Rien

On peut cocher plusieurs cases. Les niaiseux intellos vont se pâmer. Plus c’est abscons comme la lune plus ça plait, forcément !!

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Montevideo

Entre l’Europe et l’Amérique du Sud, une facétieuse dérive urbaine et littéraire.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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Montevideo

Comment résumerais-tu "Montevideo"? En ne le résumant pas.

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Le roman d'Enrique Vila-Matas est un texte tentaculaire, tourbillonnant et déroutant. Digne représentant de l' autoficción (oui, désolée je mets le terme en espagnol, j'estime que les francophones ne sont pas vraiment à la hauteur), il mêle le vrai et le faux avec finesse et astuce, faisant même dire à Madeleine Moore (dont malheureusement le livre "Concession française" n'existe pas) "[elle] n'existe pas parce que tout est autofictionnel puisque tout ce qui s'écrit vient toujours de soi, même la Bible est de l'autofiction, parce qu'elle commence par quelqu'un qui a créé quelque chose". Il interroge la création, la posture de l'artiste et la réception dans ce récit itinérant où l'œuvre de Cortázar est un guide, peu fiable mais constant.

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Je ne vais pas mentir, je crois que plein de choses m'ont échappé... Je maîtrise mal les références à la génération perdue (il faudrait que j'exhume Wolfe de ma pal) et j'ai eu du mal à me concentrer sur les pages à propos d'araignée. Néanmoins, je ne regrette aucunement le voyage au côté de l'auteur barcelonnais et je ne peux que vous conseiller d'attraper votre valise et de partir pour Montevideo...
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Montevideo

Dans ce roman qu'il est difficile de qualifier, Enrique Vila-Matas essaie de résoudre l'énigme de l'art d'écrire. Le narrateur est un écrivain qui ne parvient pas à écrire. Il reste, néanmoins, un homme engagé. L'auteur approfondit, page après page, la réflexion sur le sens de l'écriture.

Néanmoins, ce roman foisonnant m'a un peu perdue...je ne suis pas parvenue à bien comprendre le sens de ce roman.

Bref, petite déception pour ce roman.
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Montevideo

Nabokov a dit : "La meilleure partie de la biographie d'un écrivain n'est pas la chronique de ses aventures mais l'histoire de son style." et Flaubert: " Dans ma pauvre vie si plane et si tranquille, les phrases sont des aventures." Ces 2 phrases résument merveilleusement bien l’œuvre de Vila-Matas qui vit sa vie à travers ses histoires, à tel point, qu'ici la chambre 205 d'un hôtel de Montevideo, fréquenté dans le passé par Cortazar, est l'espace où son narrateur (lui ressemblant étrangement!) croit vivre et surtout écrire depuis longtemps malgré le road-trip littéraire (Paris, Bogota, Cascaïs, St Gall, Barcelone, Montevideo) conté dans ce livre pour surmonter son blocage d'écrivain.

Comme toujours chez Vila-Matas, l'important n'est pas la destination mais le voyage qu'il nous fait faire, avec ses mots et ses anecdotes littéraires érudites sur Melville, Kafka, Cortazar, Fresan, Mallarmé ou Dumas...

J'aime sa folie, l'absurde de ses aventures, son humour, son érudition et son style incomparable qui m' ont, ici, fait voyager dans un espace conceptuel dans lequel il cherche à conjurer le syndrome Rimbaud ou trouver la recette magique permettant à continuer d'écrire...
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Bartleby et Compagnie

Comme toujours avec Vila-Matas, ce roman est l'occasion de causer littérature, de manière originale, foisonnante, amusante et amoureuse. L'auteur espagnol s'inspire ici du fameux leitmotiv du personnage de Melville « I would prefer not to » pour nous parler des écrivains qui décident un jour de ne plus écrire. Et, il n'y a parfois qu'un pas entre ce silence littéraire et le désir de disparaître, comme chez Robert Walser la figure dominante de Docteur Pasavento, un autre roman de Vila-Matas.



J'ai retrouvé la plume de Vila-Matas avec beaucoup de plaisir, comme si j'écoutais un vieil ami particulièrement érudit, mais jamais hautain, me raconter ses petites histoires. Cela dit, j'ai préféré Docteur Pasavento, où les aventures du narrateur étaient plus élaborées tout en restant intimement entrelacées aux nombreuses références littéraires. Bartleby et compagnie se lit plutôt comme une succession d'anecdotes. Plusieurs sont savoureuses et je crois que ma préférée est celle sur Thomas Pynchon, auteur qui s'est bien moqué de ceux qui pensaient pouvoir le débusquer.

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Montevideo

J’ai pensé à beaucoup de choses en lisant ce bouquin.

Un petit souvenir de la Maison des Feuilles, d’abord : même si ça n’a rien à voir, il y a un côté labyrinthique autour de l’idée d’une simple porte, ou d’une chambre. Virginia Woolf, aussi, et son Une chambre à soi, et la question "qu’est-ce qui se passerait si on enfermait un vieil écrivain dans une chambre ? il divaguerait dans ses élucubrations". L’ombre du vent, de Ruiz Zafon, et cette quête autour d’un texte d’un écrivain disparu.

Mais l’image qui dominait, c’était peut-être celle d’une vieille gloire du show-biz sur le plateau de Michel Drucker, en train de raconter en vrac des bribes de sa vie tout en énumérant des noms d’œuvres ou d’artistes qui lui sont aussi proches qu’ils peuvent m’être inconnus. Et avec cette image, l’impression d’être à l’écart du texte. Que ce bouquin n’est pas pour moi, mais qu’il s’adresse plutôt à des initiés, des gens qui connaissent déjà un peu l’auteur, son univers, ses références, son style. Il y a pourtant des réflexions qui me parlent, dedans (même si ça parle à l’auteur en moi bien plus qu’au lecteur) : la mise en abîme de la narration, du lien entre réalité et fiction. Ça m’a poussé à choisir ce livre, mais c’était insuffisant pour m’embarquer vraiment entre ses pages, me faire décrocher de ma réalité.

Dans son questionnaire de Bolaño, Vila-Matas explique : "J’essaie de m’amuser en écrivant (ce qui m’est arrivé avec mon dernier livre, Montevideo), et je sais que si j’y parviens – j’y parviens toujours ces derniers temps – je transmettrai sûrement ce côté divertissant à mes lecteurs." Et dans Montevideo, un ami du narrateur explique : "Dans un bon roman, dit-il, il n’y a rien à ajouter de la part de son auteur, rien à raconter, […] parce que l’écriture elle-même du roman est déjà une explication de quelque chose qui s’est passé dans la vie ou l’esprit du narrateur, quelque chose qui exige d’être mis en mots et finit par donner une forme au livre".

En lisant ça, moi, j’ai l’impression que Montevideo est un roman où l’auteur s’est amusé tout seul sans se préoccuper du lecteur. "Voilà, j’ai écrit ça, c’était très amusant, ça correspond à mon vécu, maintenant démerdez-vous avec !".
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Montevideo

L’insolite Enrique Vila-Matas nous parle dans son dernier livre comme toujours, Littérature. Son narrateur, euh…presque son alter-ego, d’un humour cynique s’amuse en digressions interminables à se mettre dans la peau d’un auteur médiocre en panne d’écriture. La médiocrité ( fausse médiocrité , claro 😊) est chez lui l’arme la plus simple pour ne pas prendre trop au sérieux la littérature, ce qui, selon lui , a toujours été la meilleure manière de la prendre vraiment au sérieux.



Matas dont je viens de lire son troisième livre m’amuse beaucoup. Son narrateur sur les traces des écrivains aimés, à la recherche de citations, d’anecdotes vécues par d’autres, dans des lieux marquants de la vie littéraire et de la fiction ,semble nous développer des réflexions profondes sur le difficile compagnonnage de l’écrivain avec ses œuvres présentes et surtout futurs, qui verront où ne verront jamais le jour. Or avec une ironie distante, un brin pessimiste, retournant ses propres réflexions en dérision, il nous prend souvent au dépourvu . Sa satire sur les intellos cyniques, dont le langage soit disant codé, littéraire et n’ouvert qu’aux initiés, ou sur « Le Souffle », cette inspiration qui leur tombe de nulle part et leur permet en tant qu’écrivain de pondre des petit-chefs-d’œuvre littéraires est jubilatoire.



“Le métier d’écrivain est un métier assez misérable mais il est en plus peuplé de sots qui ne se rendent pas compte de sa fragilité immense, de son aspect éphémère”, Roberto Boleno ,

“Le secret d’ennuyer est celui de tout dire.”, Voltaire,

“Dans ma pauvre vie si plane et si tranquille, les phrases sont des aventures.”, Flaubert,…..

Et concluant,

“La seule chose que nous savons est que nous ne savons rien.” , Enrique Vila-Matas 😊,



Et Montevideo dans tout cela ?

« Pendant des années, j’ai pratiqué une sorte de saudade secrète, une étrange nostalgie d’outre-mer, mélancolie d’un lieu que je n’avais pas connu, dont il ne m’était pas clair que je pourrais y faire un voyage un jour. Ce lieu, c’était Montevideo…. Montevideo était une ville mais aussi un état d’âme, une manière de vivre en paix en dehors du centre convulsif du monde, un rythme ancien aux pieds nus.’

Alors qu’au début du livre en février 1974, le narrateur débarque à Paris dans l’intention anachronique de devenir un écrivain nord américain des années 1920, style “génération perdue”, invité à Montevideo pour un colloque il change de cap. Dans cette ville où il n’y est jamais allé, qu’il n’a que rêvé à travers la nouvelle fantastique de Julio Cortazar, « La Porte condamnée » , l’ambition de voir le croisement du réel et du fictif va lui faire perdre pied dans la fiction, le glissant dans la peau d’un personnage de fiction. Sur le thème du double fond et du fantastique, le voilà converti en écrivain sud américain à Montevideo. Permettant à l’imaginaire de se déplacer dans le temps et l’espace et au glissement de frontières entre réel et fictif, voilà où mène la folie de La Littérature ! Et malgré sa panne d’écriture et son héroïque recherche pour la quitter à jamais, il s’en rend compte que son dilemme est qu’il vit pour écrire même s’il n’écrit pas 😁! « …le grand mystère de l’univers était qu’il y eût un mystère de l’univers. », lui disait sa mère ,et si le mystère n’était que ce « modeste, un humble et très simple interrupteur » comme dans la nouvelle de Cortazar,” au lieu exact où le fantastique faisait irruption “?



« Au bout de la jetée, dans la rafale, je n'oublierais jamais, où tout m'est devenu clair. La vision, enfin. »

Samuel Beckett

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Cette brume insensée

Cette brume insensée est l’avant-dernier opus d’Enrique Vila-Matas, paru en 2019 en langue originale, il est traduit dès 2020 en français.



Le narrateur, Simon Schneider, est un personnage de grande culture, mais qui semble un raté total, selon les normes en vigueur. Il survit tant bien que mal dans une masure sur le point de s’écrouler, de travaux littéraires. Il officie par exemple comme « traducteur préalable », celui qui défriche les difficultés des traductions pour ceux qui vont mettre leur nom sur la couverture. Mais sa principale passion et source de revenus, sont les citations. Il les collectionne de manière compulsive, et se fait payer pour en offrir un choix à son frère, Rainer, devenu Bros. Ce dernier, après quelques écrits ratés en Espagne, a émigré aux USA où il a commis quelques romans devenus cultes, et qui ont donné lieu à des tirages importants, en faisant une star de leur auteur. A l’instar de Pynchon et Salinger, il se cache, et personne n’arrive à le rencontrer. Suite au décès de leur père, Bros convoque Simon à un rendez-vous à Barcelone, en plein referendum pour l’indépendance de la Catalogne.



C’est un livre fascinant, amusant par moments, angoissant parfois, et qui l’air de rien posent un certain nombre de questions sur la littérature, et notre rapport au monde. Le monde de Simon, construit sur la littérature, semble s’effilocher, se dissoudre, les gens disparaissent, sa maison est prête à s’écrouler. Cela paraît en opposition avec le monde de succès de Bros, riche et célèbre, vivant au centre, à New York. Mais le monde de Bros ne paraît pas plus solide : personne n’a de contacts ni de certitudes sur ce qu’il est, la qualité réelle de ses ouvrages questionne. D’autant plus qu’il se présente comme Pynchon, enfin un des Pynchon, groupe d’auteurs qui écrivent à tour de rôle des livres sous ce nom. Simon laisse entendre que ce sont les citations et suggestions qu’il fait à son frère qui sont le matériel essentiel des ouvrages de Bros, qui en eux-mêmes sont en réalité assez creux ; ce sont les interprétations qu’on en fait qui construisent le sens pas forcément intrinsèquement présent. Entre des livres morts, dans lesquels Simon va chercher des extraits, et les livres de Bros qui se construisent à partir de ces extraits, et qui d’une certaines manières ne sont pas vivants, puisqu’ils sont bâtis sur des dépouilles, sans véritables transmutation, résurrection, la littérature ne semble plus pouvoir exister. Simon et Bros, opposés, mais tous les deux dans une sorte d’impasse, comme les deux faces d’une même pièce, semblent incapables de donner un nouvel élan au monde, aux mots.



Le paradoxe de ce roman, au combien brillant, est de nous donner à lire une fiction très prenante sur la thématique de la disparition, de l’impossibilité de la fiction. Vila-Matas n’est certes pas le premier à le faire, mais son livre est vraiment très réussi, et malgré son propos il nous laisse sur la sensation que la littérature a encore de beaux jours devant elle.
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Montevideo

Un Vila-Matas du meilleur cru, un délicieux dédale érudit, une prodigieuse incantation littéraire : Montevideo est tout cela.
Lien : https://www.transfuge.fr/202..
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Montevideo

Que cherche le narrateur à Montevideo, roman ou réalité ? On serait en peine de donner une réponse. On comprend, en tout cas, que le centre du monde s’est déplacé, et avec lui le rêve de Vila-Matas.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Montevideo

Le romancier espagnol prend pour narrateur un écrivain qui multiplie les références aux textes qu’il a lus, aux auteurs qu’il a rencontrés et suit à la trace, au fil de voyages littéraires à Barcelone, Paris, Cascais, Saint-Gall.
Lien : https://www.nouvelobs.com/bi..
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Montevideo

Nos spectraux univers mentaux, leur fluidité et perméabilité, leurs portes de sortie aussi qui fascinent et interroge dans cet hommage rieur et sensible aux grands écrivains et aux mystères du monde qu’ils laissent perdurer. Tout à ce mélange entre fiction et réalité, ce que l’on pense Soi et ce que les autres ont écrit, dans la révélation des obsessions, et leurs contaminations, qui dessinerait une biographie de son style, Enrique Vila-Matas poursuit sa spéculation sur le roman, sur son renoncement et sur comment nos imaginaires nous rattrape, nous élèvent. À travers ses évocations de Walser, Cortázar, Tabbuchi, Melville et Fresan et tant d’autres, réels ou imaginaires d’ailleurs, Montevideo invente à nouveau la possibilité, le réel, du roman.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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