AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Erich Maria Remarque (694)


J’éprouvais dans mes veines un léger frémissement. Soudain je ne pouvais pas imaginer que je puisse jamais retourner en Allemagne. Je savais que je ne voulais que ça. Je voulais revenir pour rechercher les assassins de mon père ; pas pour vivre à nouveau là-bas. Je sentis alors, dans l’instant, que je n’en étais pas capable non plus. Il y aurait toujours cette double vision, de l’inoffensif petit bourgeois et de l’exécuteur obéissant. Je sentis que je ne pourrais jamais plus les séparer.

p. 265
Commenter  J’apprécie          380
La vie ici, à la frontière de la mort, a une ligne d'une simplicité extraordinaire ; elle se limite au strict nécessaire, tout le reste est enveloppé d'un sommeil profond ; c'est à la fois notre primitivité et notre salut ; si nous étions plus différenciés, il y a longtemps que nous serions devenus fous, que nous aurions déserté ou serions morts. C'est comme s'il s'agissait d'une expédition aux régions polaires. Toute manifestation de la vie ne doit servir qu'à maintenir l'existence et doit forcément s'orienter dans ce sens. Tout le reste est banni, parce que ce serait gaspiller de l'énergie. C'est le seul moyen de nous sauver.
Commenter  J’apprécie          380
J'ai couru longtemps, partout et partout, j'ai frappé à toutes les portes de ma jeunesse, avec la volonté d'y rentrer. Je pensais qu'elle serait obligée de m'accueillir à nouveau, parce que je suis encore bien jeune et que j'aurais tant aimé oublier... Mais elle se dérobait devant moi, comme un mirage, elle se disloquait sans bruit, elle s'effritait comme de l'amadou, dès que je l'effleurais, et je ne pouvais pas comprendre ... Tout de même, ici, quelque chose aurait dû survivre ! ... J'ai essayé, sans trêve, au point que j'en suis devenu ridicule et triste. Et je me rends compte maintenant qu'une guerre sourde et silencieuse a ravagé aussi le pays du souvenir et qu'il serait insensé de ma part de chercher encore ...
Entre ma jeunesse et moi, le temps est comme un large abîme ; il est impossible de revenir en arrière ; il n'y a pas d'autre issue que de marcher de l'avant, et vers n'importe quoi puisque je n'ai pas encore de but.
Commenter  J’apprécie          362
Avec nos yeux jeunes et bien éveillés, nous avons vu que la notion classique de la patrie, telle que nous l'avaient inculquée nos maîtres, aboutissait ici, pour le moment, à un dépouillement de la personnalité qu'on n'aurait jamais osé demander aux plus humbles domestiques. Saluer, se tenir au garde-à-vous, marcher au pas de parade, présenter les armes, faire demi-tour à droite ou à gauche, claquer les talons, recevoir des injures et être en butte à mille chicanes, certes, nous avions envisagé notre mission sous un jour différent et nous trouvions que l'on nous préparait à devenir des héros comme on dresse des chevaux de cirque.
Commenter  J’apprécie          360
Franz Kemmerich, au bain, avait l'air petit et mince comme un enfant et voici que maintenant il est là étendu, et pourquoi cela ? On devrait conduire le monde entier devant ce lit en disant : "Voici Franz Kemmerich, âgé de dix-neuf ans et demi, il ne veut pas mourir, ne le laissez pas mourir"
Commenter  J’apprécie          340
Je suis jeune, j'ai vingt ans; mais je ne connais de la vie que le désespoir, l'angoisse, la mort et l'enchainement de l'existence la plus superficielle et la plus insensée à un abîme de souffrances. Je vois que les peuples sont poussées l'un contre l'autre et se tuent sans rien dire, sans rien savoir, follement, docilement, innocemment.
Je vois que les cerveaux les plus intelligents de l'univers inventent des paroles et des armes pour que tout cela se fassent d'une manière encore plus raffinée et dure encore plus longtemps.
Et tous les hommes de mon âge, ici et de l'autre coté, dans le monde entier, le voient comme moi; c'est la vie de ma génération comme c'est la mienne.
que feront nos pères si, un jour, nous nous levons et nous nous présentons devant eux pour réclamer des comptes? Qu'attendent-ils de nous lorsque viendra l'époque où la guerre sera finie? Pendant des années nous n'avons été occupés qu'à tuer; ç'a été là notre première profession dans l'existence. Notre science de la vie se réduit à la mort. Qu'arrivera-t-il donc après cela?

Et que deviendrons-nous?
Commenter  J’apprécie          340
Ludwig, dont le cousin est tombé dans le secteur, se mouche d'un revers de main et tourne les talons. Nous le suivons lentement, nous arrêtant plusieurs fois encore pour regarder alentour.
Et alors, immobiles, nous nous rendons compte soudain que tout ça, là devant, cet enfer d'horreur, ce coin de terre martyrisé, crevé d'entonnoirs est attaché au plus intime de notre être ; on dirait presque - malédiction ! si seulement cette absurdité qui nous dégoûte à vomir n'était pas en jeu ! - on dirait presque que ce coin de terre nous est devenu familier comme une patrie douloureuse et tourmentée et que nous lui appartenons - simplement.
Commenter  J’apprécie          338
Aujourd'hui, nous ne passerions dans le paysage de notre jeunesse que comme des voyageurs. Nous sommes consumés par les faits, nous savons distinguer les nuances, comme des marchands, et reconnaître les nécessités, comme des bouchers. Nous ne sommes plus insouciants, nous sommes d'une indifférence terrible. Nous serions là, mais vivrions-nous ?
Commenter  J’apprécie          330
Je me rappelle encore comment, au début, étant recrues, nous étions gênés à la caserne lorsque nous devions utiliser les latrines communes. Il n'y a aucune porte et vingt hommes sont assis là, à côté l'un de l'autre, comme dans le train. D'un seul coup d'œil, on peut les passer en revue : c'est que précisément le soldat doit être soumis à une surveillance constante.
Commenter  J’apprécie          320
En vérité, nous avons connu tout ce qu'une cour de caserne peut renfermer de gentillesse et souvent nous avons hurlé de rage. Plus d'un de nous en a été malade et même Wolf est mort d'une pneumonie, mais nous nous serions crus ridicules si nous avions capitulé.
Nous devînmes durs, méfiants, impitoyables, vindicatifs, brutes, et ce fut une bonne chose, car justement ces qualités là nous manquaient. Si l'on nous eût envoyés dans les tranchées sans cette période de formation, la plupart d'entre-nous seraient sans doute devenus fous. Mais, comme ça, nous étions préparés à ce qui nous attendait.
Commenter  J’apprécie          320
La journée s'annonçait splendide. Le soleil n'était pas levé encore, mais déjà les senteurs marines se faisaient plus intenses. Des chats rôdaient, et quelques fenêtres exhalaient le parfum du café, mêlé à l'odeur de la nuit et du sommeil. Toutes les lumières étaient éteintes. Un chariot invisible passa avec fracas, à quelques rues de là. Les barques de pêcheurs fleurissaient comme des nénuphars jaunes et rouges sur les eaux mouvantes du Tage. Au loin, dans sa pâleur silencieuse, reposait le bateau, l'Arche du dernier espoir. Nous nous en rapprochions, en descendant pas à pas.
Commenter  J’apprécie          310
- Le bonheur, dit Schwarz, le bonheur vu avec quelque recul, se rétrécit comme un mauvais tissu au lavage.
Commenter  J’apprécie          300
Ils auraient dû être pour nos dix-huit ans des médiateurs et des guides nous conduisant à la maturité, nous ouvrant le monde du travail, du devoir, de la culture et du progrès – préparant l'avenir. Parfois, nous nous moquions d'eux et nous leur jouions de petites niches, mais au fond nous avions foi en eux. La notion d'une autorité, dont ils étaient les représentants, comportait à nos yeux, une perspicacité plus grande et un savoir plus humain. Or, le premier mort que nous vîmes anéantit cette croyance. Nous dûmes reconnaître que notre âge était plus honnête que le leur. Ils ne l'emportaient sur nous que par la phrase et l'habileté. Le premier bombardement nous montra notre erreur et fit écrouler la conception des choses qu'ils nous avaient inculquée.

Ils écrivaient, ils parlaient encore, et nous, nous voyions des ambulances et des mourants ; tandis que servir l'Etat était pour eux la valeur suprême, nous savions déjà que la peur de la mort est la plus forte. Malgré cela, nous ne devînmes ni émeutiers, ni déserteurs, ni lâches (tous ces mots-là leur venaient si vite à la bouche !) ; nous aimions notre patrie tout autant qu'eux et lors de chaque attaque nous allions courageusement de l'avant ; mais déjà nous avions appris à faire des distinctions, nous avions tout d'un coup commencé de voir et nous voyions que de leur univers rien ne restait debout. Nous nous trouvâmes soudain épouvantablement seuls - et c'est tout seuls qu'il nous fallait nous tirer d'affaire.

(Page 17/18 - Livre de poche)
Commenter  J’apprécie          301
Mes mains deviennent froides et ma peau frissonne. Pourtant, la nuit est chaude, seulement le brouillard est frais, ce brouillard sinistre qui rampe autour des morts devant nous et suce la dernière goutte de vie cachée. Demain ils seront livides et leur sang sera noir et coagulé.
Les fusées lumineuses montent toujours dans le ciel et projettent leur éclat impitoyable au-dessus du paysage pétrifié qui est plein de cratères et d'une froide lumière, comme un astre lunaire. Le sang qui coule sous ma peau porte l'inquiétude et la frayeur dans mes pensées. Elles s'affaiblissent et tremblent ; elles veulent de la chaleur et de la vie. Elles ne peuvent pas résister sans consolation et sans illusions ; elles s'embrouillent devant l'image nue du désespoir.
Commenter  J’apprécie          290
" La guerre a fait de nous des propres à rien"
Il a raison, nous ne faisons plus partie de la jeunesse.
Nous ne voulons plus prendre d'assaut l'univers. Nous sommes des fuyards.
Nous avions dix huit ans et nous commencions à aimer le monde et l'existence;
Voilà qu'il nous a fallu faire feu là-dessus. Le premier obus qui est tombé nous a frappés au cœur. Nous n'avons plus aucun goût pour l'effort, l'activité et le progrès. Nous n'y croyons plus ; nous ne croyons qu'à la guerre.
Commenter  J’apprécie          290
C'est une chose étrange que le spectacle de nos ennemis vus de si près. Ils ont des visages qui font réfléchir, de bons visages de paysans, un front large, un nez large, des lèvres épaisses, de grosses mains, des cheveux laineux. On ferait bien de les employer à labourer, à faucher et à cueillir des pommes. Ils ont l'air encore plus bonasses que nos paysans frisons.
Commenter  J’apprécie          290
Jamais le monde n'apparaît plus beau qu'à l'instant où l'on va être incarcéré. C'est le moment de l'adieu. Si seulement nous étions toujours conscients de cette beauté! Peut-être le temps nous en manquerait-il. Et la sérénité.
Commenter  J’apprécie          280
Lisbonne, de jour, a quelque chose de naïvement théâtral, qui ensorcelle et qui captive; la nuit, avec ses terrasses, elle ressemble à un décor de féerie. C'est une cité de rêve dans sa robe d'apparat, qui, semblable à une jolie femme, descend posément, parée de mille diamants, vers son amant nocturne.
Commenter  J’apprécie          270
Je suis jeune, j'ai vingt ans ; mais je ne connais de la vie que le désespoir, l'angoisse, la mort et l'enchaînement de l'existence la plus superficielle et la plus insensée à un abîme de souffrances. Je vois que les peuples sont poussés l'un contre l'autre et se tuent sans rien dire, sans rien savoir, follement, docilement, innocemment. Je voix que les cerveaux les plus intelligents de l'univers inventent des paroles et des armes pour que tout cela se fasse d'une manière encore plus raffinée et dure encore plus longtemps. Et tous les hommes de mon âge, ici et de l'autre côté, dans le monde entier, le voient comme moi ; c'est la vie de ma génération, comme c'est la mienne. Que feront nos pères si, un jour, nous nous levons et nous nous présentons devant eux pour réclamer des comptes ? Qu'attendent-ils de nous lorsque viendra l'époque où la guerre sera finie ? Pendant des années nous n'avons été occupés qu'à tuer ; ç'a été là notre première profession dans l'existence. Notre science de la vie se réduit à la mort. Qu'arrivera-t-il donc après cela ? Et que deviendront-nous ?
Commenter  J’apprécie          260
- Que vous êtes donc bizarres, vous tous, jeunes gens d'aujourd'hui! Vous haïssez le passé, vous méprisez le présent, et l'avenir vous est indifférent. Cela ne peut mener à une bonne fin!
Commenter  J’apprécie          260



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Erich Maria Remarque Voir plus

Quiz Voir plus

A l'ouest rien de nouveau

de quel guerre parle t'il ?

Première Guerre Mondiale
Seconde Guerre Mondiale

10 questions
2057 lecteurs ont répondu
Thème : À l'ouest rien de nouveau de Erich Maria RemarqueCréer un quiz sur cet auteur

{* *}