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Citations de Erich Maria Remarque (694)


Cette terre contient des millions de francs en métal ; et aussi les larmes, le sang et le martyre de millions d'hommes.
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C'était pendant l'été 1917. Notre compagnie se trouvait dans les Flandres et nous avions eu quelques jours de permission inespérés pour Ostende... Meyer, Holthoff, Breyer, Lütgens, moi et encore quelques autres. La plupart d'entre nous ne connaissaient pas la mer, et ces quelques jours, cette pause presque inconcevable entre la mort et la mort, cela avait été un sauvage don de soi au soleil, au sable et à la mer. Nous demeurions tout le jour sur la plage, offrant nos corps nus au soleil... car être nus, ne pas être chargé des armes et de l'uniforme, cela représentait déjà la paix. Nous nous déchaînions à travers la plage et retournions toujours à la mer, nous sentions nos membres, notre respiration, nos mouvements avec toute l'intensité que les choses de la vie avaient en ce temps-là. Nous oubliâmes tout durant ces heures - nous voulions tout oublier. Mais le soir, dans le crépuscule, lorsque le soleil était couché, lorsque les ombres grises venaient de l'horizon en courant sur la mer livide, alors un autre son se mêlait lentement au bruit du ressac... il augmentait et finissait par le couvrir comme une sourde menace : le tonnerre des canons du front. Il arrivait alors qu'un blême silence interrompît les entretiens, les têtes se dressaient pour écouter, et sur les visages des adolescents fatigués par le jeu surgissait brusquement le masque dur du soldat, encore animé pour un instant par un étonnement, une mélancolie dans lesquels il y avait tout ce qui ne s'exprimait jamais : le courage et l'amertume, et le désir de vivre, la volonté de faire son devoir, le désespoir, l'espérance et l'angoisse mystérieuse de ceux qui sont marqués pour mourir jeunes. Quelques jours plus tard, ce fut la grande offensive, et dès le 3 juin la compagnie ne comptait plus que trente-deux hommes, et Meyer, Holthoff et Lütgens étaient morts.
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Je vois que les peuples sont poussés l'un contre l'autre et se tuent sans rien dire , sans rien savoir, follement, docilement, innocemment. Je vois que les cerveaux les plus intelligents de l'univers inventent des paroles et des armes pour que tout cela se fasse d'une manière encore plus raffinée et dure encore plus longtemps.
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Le silence se prolonge. Je parle, il faut que je parle. C'est pourquoi je m'adresse à lui, en lui disant : "Camarade, je ne voulais pas te tuer. Si, encore une fois, tu sautais dans ce trou, je ne le ferais plus, à condition que toi aussi tu sois raisonnable. Mais d'abord tu n'as été pour moi qu'une idée, une combinaison née dans mon cerveau et qui a suscité une résolution ; c'est cette combinaison que j'ai poignardée. A présent je m'aperçois pour la première fois que tu es un homme comme moi. J'ai pensé à tes grenades, à ta baïonnette et à tes armes ; maintenant c'est ta femme que je vois, ainsi que ton visage et ce qu'il y a en nous de commun. Pardonne-moi, camarade. Nous voyons les choses toujours trop tard. Pourquoi ne nous dit-on pas sans cesse que vous êtes, vous aussi, de pauvres chiens comme nous, que vos mères se tourmentent comme les nôtres et que nous avons tous la même peur de la mort, la même façon de mourir et les mêmes souffrances ? Pardonne-moi, camarade ; comment as-tu pu être mon ennemi ? Si nous jetions ces armes et cet uniforme tu pourrais être mon frère, tout comme Kat et Albert. Prends vingt ans de ma vie, camarade, et lève-toi... Prends-en davantage, car je ne sais pas ce que, désormais, j'en ferai encore."
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[...] L'horreur du front disparaît lorsque nous lui tournons le dos ; nous faisons à son sujet des plaisanteries ignobles et féroces. Lorsque quelqu'un meurt, nous disons qu'il a fermé son cul et c'est ainsi que nous parlons de tout. Cela nous empêche de devenir fous. Tant que nous le prenons de cette façon, nous sommes capables de résister.

Mais nous n'oublions pas ! Ce que disent les journaux de guerre au sujet du magnifique humour des troupes, qui s'occupent d'organiser des danses, à peine sont-elles sorties de la zone du bombardement, n'est que stupidité. Si nous agissons ainsi, ce n'est pas parce que nous avons de l'humour mais nous avons de l'humour parce que, autrement, nous crèverions. Du reste, nous serons bientôt à bout de nos ressources et notre humour devient chaque mois plus amer.

Et, je le sais, tout ce qui maintenant, tant que nous sommes en guerre, s'enfonce en nous comme des pierres, se ranimera après la guerre et alors seulement commencera l'explication, - à la vie, à la mort.

Les jours, les semaines, les années de front ressusciteront à leur heure et nos camarades morts reviendront alors et marcheront avec nous. Nos têtes seront lucides, nous aurons un but et ainsi nous marcherons avec, à côté de nous, nos camarades morts et, derrière nous, les années du front : nous marcherons ... contre qui ? contre qui ? ... [...]
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Ce n'est pas avec des discours que l'on change la face du monde.
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La tempête fait rage sur nous. La grêle des éclats d'obus arrache en cette confusion grise et jaune les cris perçants, les cris d'enfant de ceux qui sont atteints, et pendant les nuits la vie déchirée gémit en aboutissant péniblement au silence suprême.
Nos mains sont de la terre; nos corps, de l'argile; nos yeux, des mares de pluie. Nous ne savons pas si nous sommes encore vivants.
Puis la chaleur s'abat dans nos trous, humide et visqueuse comme une méduse et, par une de ces journées de fin d'été, en allant aux vivres, Kat tombe à la renverse. Nous ne sommes que nous deux; je panse sa plaie, le tibia paraît fracassé, en tout cas le coup a porté sur l'os de la jambe et Kat gémit désespérément : "Maintenant, juste maintenant..."
Je le console : "Qui sait combien de temps la tuerie durera encore? Toi, tu es sauvé..."
La blessure commence à saigner violemment. Impossible de laisser Kat seul pendant que j'essaierais d'aller chercher un brancard. En outre, je ne connais pas de station sanitaire dans le voisinage.
Kat n'est pas très lourd; je le prends sur mon dos et je me dirige vers le poste de secours.
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Nos visages ne sont ni plus pâles ni plus rouges que d'habitude. Ils ne sont ni plus tendus, ni plus détendus, et pourtant ils sont différents. Nous sentons que dans notre sang un contact électrique s'est déclenché. Ce ne sont pas là de simples façons de parler. C'est une réalité. C'est le front, la conscience d'être au front, qui déclenche ce contact. Au moment où sifflent les premiers obus, où l'air est déchiré par les premiers coups d'envoi, soudain s'insinuent dans nos artères, dans nos mains, dans nos yeux, une attente contenue, une façon d'être aux aguets, une acuité plus forte de l'être, une finesse singulière des sens. Le corps est soudain prêt à tout.
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Néanmoins, la lutte continue, on continue de mourir...
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On parle tout bas d'une offensive. Nous allons en première ligne deux jours plus tôt que d'habitude. En chemin, nous passons devant une école dévastée par les obus. Sur sa longueur s'élève un double mur, très haut, de cercueils clairs tout neufs, aux planches non rabotées. Ils sentent encore la résine, les pins et la forêt. Il y en a au moins cent.
« L'offensive est bien préparée », dit Müller avec étonnement.
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- y aurait-il eu la guerre , si le kaiser avait dit non ?
- Certainement, à ce que je crois, lancé-je. On dit, d'ailleurs , qu'il ne l'a pas voulue.
- Oui, peut-être qu'à lui seul ça ne suffisait pas, mais ça aurait suffi s'il y avait eu avec lui, dans l'univers, vingt ou trente personnes qui aient dit non.
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Je suis jeune, j'ai vingt ans; mais je ne connais de la vie que le désespoir, l'angoisse, la mort et l'enchaînement de l'existence la plus superficielle et la plus insensée à un abîme de souffrances. (...) Que feront nos pères si, un jour, nous nous levons et nous nous présentons devant eux pour réclamer des comptes ? Qu'attendent-ils de nous lorsque viendra l'époque où la guerre sera finie ? (...) Notre science de la vie se réduit à la mort. Qu'arrivera-t-il donc après cela ? Et que deviendrons-nous ?
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Mais ils venaient ici [au musée] pour échapper quelques heures à leurs pensées... et ils erraient, de leur démarche trainante, avec les épaules penchées en avant de ceux qui n'ont pas de but, parmi les claires têtes romaines et l'impérissable élégance des blanches statues grecques... contraste affligeant, désolante image de ce que l'humanité peut atteindre en des milliers d'années et de ce qu'elle ne peut pas atteindre : le sommet de l'art éternel, mais pas assez de pain pour chaque être humain.
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«Et vous? Vous êtes pourtant acteur vous aussi?
- Je joue de tout petits rôles. De nazis, pour mon malheur, rien que des nazis. Avec les cheveux teints, bien sûr, et une perruque. C'est bizarre : à Hollywood, c'est presque toujours à des Juifs qu'ils font jouer des nazis. Vous pouvez imaginer comment on se sent en faisant ça. Déchiré! Heureusement que ces nazis se font tuer de temps en temps ; sinon ça ne serait pas supportable.
- Est-ce que ça ne serait pas encore pire, étant juif, de jouer un Juif qui se fait tuer par les nazis?»
Bach me considéra en silence. «Je n'y avais jamais songé, dit-il ensuite. Vous pensez à tout! Non, les Juifs sont généralement joués par des vedettes. Non-juives. Quel monde!»
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Je regardais le petit tableau à la fleur en méditant le conseil de Réginald Black. Il faut aimer quelque chose, avait – il dit doctement, sinon on est mort. C’est dans l’art qu’on est le plus en sûreté. Il ne change pas, ne déçoit pas, ne s’enfuit pas. Naturellement, on peut aussi se contenter de s’aimer soi-même, avait-il ajouté avec un regard en coin, et finalement qui ne le fait pas ? Mais c’est quelque peu solitaire et, avec l’art comme jumeau en plus, on s’en sort beaucoup mieux. L’art sous toutes ses formes : peinture, musique, littérature.
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Mais le plus important ce fut qu'un ferme sentiment de solidarité pratique s'éveilla en nous, lequel, au front, donna naissance ensuite à ce que la guerre produisit de meilleur: la camaraderie.
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Je quittai le pont, puis je marchai de long en large dans les allées obscures des anciennes fortifications. Le parfum des tilleuls devenait intense et la nuit déversait de l'argent sur les toits et sur les tours.
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A ma droite, dans l'ombre, se dressait l'hôtel de ville. Un reflet de lune éclairait uniquement les visages de pierre des statues. Sur l'escalier, au-dessous d'eux, avait été lue en 1648 la proclamation annonçant la fin de la guerre de Trente Ans. En 1933, c'était l'avènement du "Reich millénaire" qui avait été proclamé. Vivrais-je assez longtemps pour entendre annoncer sa chute? L'espoir était minime.
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J'atteignis le Rhin, qui, à cet endroit, est près de sa source, et peu large encore. Je me dévêtis, fis un baluchon de mes vêtements, pour pouvoir les tenir au-dessus de ma tête. Ce fut une curieuse sensation, que celle de l'eau sur mon corps nu. L'eau était froide, noire, étrangère; on aurait dit un plongeon dans le fleuve Léthé, où l'on boit l'oubli. Ma nudité aussi devenait symbolique.
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Mais maintenant que l'on sait la paix possible, d'un jour à l'autre, chaque heure semble peser mille fois son poids, et chaque minute sous le feu paraît presque plus lourde et plus longue que tout le temps déjà écoulé.
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