Citations de Evelyne Bloch-Dano (75)
Une angine m'apporta "Les Malheurs de Sophie". Ce fut le début de ma passion pour la Comtesse de Ségur. Persuadée que chaque livre n'existait qu'en un seul exemplaire, je décidai de le recopier au cas où il disparaîtrait. Bien entendu je ne menais pas mon entreprise à son terme mais ce fut la Comtesse de Ségur qui m'introduisit, des années plus tard, à la lecture des romans de Balzac et de Proust : le retour des personnages, la peinture sociale, l'analyse des entiments, l'art du récit, la justesse de la langue, on ne pouvait trouver meilleur apprentissage.
L'histoire d'Alexandrine Meley est tristement archétypale. C'est celle d'une fille du peuple au XIXème siècle : une naissance illégitime, une enfance douloureuse et solitaire, la mort prématurée d'une mère emportée par une épidémie affreuse, le manque d'amour, l'atelier, la pauvreté, l'apprentissage, la grossesse non désirée, l'abandon de son enfant
Culture, savoir-faire et cuisine sont les facettes d'un même art, celui de la parfaite maîtresse de maison.
(Sur la femme bourgeoise du XIXème siècle)
L'adolescence précède la « solidification complète ». Elle est mobilité, instabilité, une vie en devenir qui n'a pas encore trouvé sa forme définitive. Toutes les promesses peuvent être tenues.
L'homme est le seul être vivant à ne pas subir mécaniquement les contraintes de son environnement, mais à pouvoir choisir son alimentation en fonction de critères non pas physiologique mais symboliques. A privilégier cette dimension symbolique au détriment de sa santé ou de sa vie : aliments chargés de mana qui donnent la vie mais peuvent aussi causer la mort, aliments tabous, totémiques dont on incorpore la substance, rituels interdits ou au contraire sacralisés, du jeune Hua de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui mange un légume à croissance rapide pour grandir plus vite, au juif ou musulman qui s'abstient de porc, de l'indien brahmane qui ne consomme pas de vache au chrétien qui dans l'hostie absorbe symboliquement le corps du Christ.
Entre 1871 et 1877, il publie La Fortune des Rougon, La Curée, Le Ventre de Paris, La Conquête de Plassans, La Faute de l'abbé Mouret, Son Excellence Eugène Rougon et L'Assommoir
Et pourtant, "La Terre" est peut-être l'un des romans les plus puissants, les plus impressionnants de Zola, dans son âpreté, dans sa grandeur, dans son unité de ton, dans la force qui réduit des êtres humains aux instincts les plus élémentaires et les écrase, dans ce rapport violent entre l'homme et la nature, l'homme et les autres êtres vivants.
Le docteur Toulouse, qui se livrera à une enquête médico-psychologique sur plusieurs écrivains, dont Emile Zola, confirmera sa tendance morbide au doute. Le doute suppose à la fois le manque de certitude et le conflit non résolu entre des forces opposées. Que peut-on dire d'autre de soi que le doute, quand on ne se sent que doute ? Et quelle autre stratégie adopter pour le combattre que travailler, créer, donner forme à sa propre existence ?
Son Orient-Express à lui, c'est la ligne Paris-Le Havre - et il descend à Villennes.
Alexandrine est une compagne au sens plein du terme. Sa vigilance, sa méfiance, sa volonté, son esprit pratique, son sens des réalités, son humour, sa vitalité, son énergie tissent autour de l’écrivain son filet protecteur d’une extraordinaire solidité
Ces enfances saccagées, on en sort brisé ou invulnérable - même si l'invulnérabilité totale n'existe pas. Ce qu'elle aura conquis de haute lutte, elle ne le lâchera pas. Et par-dessus tout, elle y gagnera un formidable appétit de vivre. (p 28)
L'adolescence précède la "solidification complète". Elle est mobilité, instabilité, une vie en devenir qui n'a pas encore trouvé sa forme définitive. Toutes les promesses peuvent être tenues.
Voilà peut-être ce qu'on appelle la maturité : le sentiment du bonheur, la capacité d'en jouir, la conscience de sa fragilité.
Ces jeunes ouvrières, ces pauvres filles, qui mettent au monde des enfants sans père, qui les élèvent tant bien que mal, et qui meurent précocément à l'hospice, elles sont des milliers, filles honnêtes le plus souvent, au destin obscur.
Plus tard, on voit les choses d'une façon plus pratique, en pleine conformité avec le reste de la société, mais l'adolescence est le seul temps où l'on a appris quelque chose. (Marcel Proust)
Il a acquis l'arme la plus précieuse : l'auto-dérision. Et découvert qu'il devra désormais avancer masqué. Il est prêt pour la mondanité. Et bientôt pour l'écriture.
Le dernier amour c'est celui, celle qui vous mène aux portes de la mort. Le compagnon, ou la compagne des derniers instants de la vie terrestre vécus. Mais il peut s'agir aussi d'un enfant que vous avez accompagné dans la mort. Le vôtre. Il vous a fait toucher avant que vous ne soyez mort, un avant goût crépusculaire de votre propre mort.
Dans l'imaginaire collectif, ils (les légumes) sont identifiés à la diète, au régime, à l'austérité. Pour Rabelais ou pour Rousseau, ils sont la clefs d'une alimentation équilibrée et sobre.(..) Or, le légume demande qu'on s'occupe de lui. Il faut l'acheter, l'éplucher, le laver, le couper, le cuire... Il se flétrit, il noircit, il ramollit, il pourrit. Le préparer, l’accommoder demande un peu de temps, de l'attention, de l'invention. Mais c'est pour cela même qu'il peut alors être une source de plaisir, et non de la seule contraire. Car le légume ne nous relie pas seulement à la terre qui le produit, il pousse aussi sur le terreau de notre mémoire affective.
Tout au long de l'Affaire, Alexandrine sera l'alter ego de Zola, sa correspondante de guerre, son témoin numéro 1.
L'imaginaire se nourrit de nos manques et sans fin nous conduit au bord de gouffres que nous ne savons pas nommer. Non pour les combler, mais pour les creuser. Et parfois, alléger nos doutes, les gonfler d'air comme des ballons qui s'envolent...