Citations de Fabrice Hadjadj (160)
S'il ne s'agissait que de nos projets masculins - devenir général cinq étoiles, nouveau Marcel Proust, nouvel Earl Tupper inventeur du Tupperware -, le mieux serait encore d'éviter le mariage aussi bien que la progéniture.
Ils nous détournent des grandes réalisations. Ils nous interrompent dans notre travail avec des préoccupations aussi futiles que réparer la porte d'un placard ou jouer au ballon...
Quand l'homme se prend pour le Créateur, il finit par vouloir se créer lui-même et, des lors, il n'est plus pour lui-même qu'un matériau. Le culte de l'homme se change bientôt en travail sur l'homme. S'exaltant en manipulateur sans limite, il se dégrade en manipulé sans pudeur. Prétendant à son autoconstruction, il aboutit à son autodestruction.
L'homme est un animal qui complique son cri.
Les grands hommes oublient trop facilement qu'ils ont d'abord habité dans le ventre d'une femme.
Elle est incapable de se donner entièrement à la joie, parce que sa joie est aussi la menace du malheur. Elle est incapable de se donner entièrement à la tristesse, parce que sa tristesse est aussi la promesse d'un bonheur.
Devant tes puissantes machines
Tous les héros sont des zéros
Mais toi devant cette gamine
Tu vas moins faire le fiérot
Gare à la garce, mon gars
Gare à la garce !
Elle fera bien des dégâts
chaque individu est un champ de vision, non pas quelque chose qu'on voit, mais quelqu'un qui voit, tout autant que moi-même !
Valait-il mieux rester seul, immortel mais stérile, ou bien devenir nombreux, mortel mais fécond ?
Barnoves n'est plus inquiet, il parait carrément avoir peur. Son nez ressemble à un petit mulot tremblant qui voudrait fuir dans le terrier de sa bouche.
Le fils veut voler de ses propres ailes, quitte à mépriser les richesses que le père s'est fatigué à amasser pour lui. Le père veut protéger le fils, quitte à l'empêcher de déployer ses propres ailes...
A chaque coup, les yeux se perdent dans le verre, puis se perdent dans le vide, puis se perdent dans le verre vide. Il voudrait que l'angoisse puisse se noyer dans l'alcool de cerise.
Souvent, la meilleure façon de museler sa peur, c'est de foncer vers le danger.
Double pouvoir, donc. Invulnérable dans sa chair, très vulnérable par son cœur.
- C'est trop tard maintenant.
- Tu es amoureux de la princesse.
- C'est trop tard.
- Tu es amoureux de la princesse.
- Non... je la déteste...
- C'est à peu près pareil. Je suppose d'ailleurs que ce sentiment est réciproque.
En temps de guerre, vos ennemis sont des étrangers, alors qu'en temps de paix, vos ennemis sont les gens de votre propre maison.
- Il ne suffit pas de faire de grandes prouesses, il faut encore un poète qui les chante, qui les transporte de place en place, de génération en génération, dans une parole assez belle pour être retenue.
Il se dit que la monstruosité n'est jamais très loin.
Est-ce qu'on peut tuer sa mère à cause d'une chemise ? Est-ce qu'on peut tuer sa maman sans l'avoir voulu ni comprendre comment ?
Il y avait une fois, au village de Rarogne, un garçon nommé Jakob Traum, mais qu’on se mit bientôt à surnommer l’attrape-malheur. C’était à cause d’un pouvoir qu’il avait et qui le distinguait des autres. [...] Ce don était aussi un drame, cette bénédiction, une malédiction. Les médailles ont deux côtés, comme on dit.
Il faut ici suspendre notre récit pour répondre à une objection que n’ont pas manqué de se permettre ceux qui nous écoutent (nous entendons vos murmures) : comment se fait-il que Jakob ne paraisse pas deviner la seconde moitié de son pouvoir ? Ce qui s’est passé avec ses parents, ce que vient malgré lui de laisser échapper Barnoves – vous pourriez le voir encore à cet instant en train de s’étouffer avec sa feuille imaginaire – tout cela ne devrait-il pas alerter Jakob, éveiller ses soupçons, lui mettre assez de puce à l’oreille pour qu’il se la gratte vigoureusement ?