On se tromperait en imaginant que Fabrice Hadjadj a rédigé un traité d'apologétique décrivant la famille Joseph, Marie et le petit Jésus ; l'auteur nous fait contempler les familles d'aujourd'hui, solides et malmenées, fragiles et riches, sans sacrifier aux pieuses légendes attachées à cette famille du premier siècle.
Hadjadj réussit à nous raconter la famille contemporaine, la paternité et la filiation, la différence des sexes et l'union (des sexes !), l'obéissance, l'enfant qui grandit et bouleverse sa mère, la mort quand "il faut passer la main".
Je me suis régalé avec son sens de l'humour provocateur et quelques fois égrillard, ses métaphores savoureuses, la facilité avec laquelle il rend inoubliable la banalité de la condition humaine, son goût pour l'allitération et la musicalité des mots, sa façon de convoquer les classiques à son soliloque, son sens du concret sensible, physique, corporel et réaliste.
À contre-courant d'une société humaine désespérée, sans repère, sans joie, sans héritage, j'ai trouvé cet ouvrage nourri d'espérance, débordant de joie et éclairant la vie de famille, sans moralisme, sans anathèmes, sans agressivité.
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S'il ne s'agissait que de nos projets masculins - devenir général cinq étoiles, nouveau Marcel Proust, nouvel Earl Tupper inventeur du Tupperware -, le mieux serait encore d'éviter le mariage aussi bien que la progéniture.
Ils nous détournent des grandes réalisations. Ils nous interrompent dans notre travail avec des préoccupations aussi futiles que réparer la porte d'un placard ou jouer au ballon...
C'est incroyable ce qu'on peut dormir dans la Bible, et aux moments les plus décisifs. Une torpeur s'abat sur Adam au moment de la création d'Ève (Gn 2, 21), puis sur Abraham au moment de son alliance avec l'Imprononçable (Gn 15, 12). Sans doute s'agit-il de nous rappeler que Dieu et la femme se rattachent à un inconscient qui excède nos lucidités.
Le moralisme nous fait souvent passer à côté des mœurs.
On ne pense que vices et vertus, péchés et bonnes actions, récompenses et châtiments. La vie est toutefois largement traversée de zones grises. Et plus spécialement la vie domestique. Le père abbé de Hauterive me l'a rappelé en une image très suggestive : « La poussière retombe toujours sur les meubles. Et la question n'est pas : "Qui a fait tomber la poussière ?" mais : "Qui va se charger de nettoyer?" Il faut trouver les bons procédés pour le faire ensemble. »
Quand on est Job, père de sept garçons et de trois filles, c’est avec une authentique intensité que l'on peut s'écrier : Périsse le jour qui me vit naître (Jb 3, 3). Et quand on a un petit de trois ans avec soi, c'est avec une indéniable légitimité que l'on peut jouer à cache-cache derrière les stèles d'un cimetière. Seuls les enfants nous appellent profondément à la simple joie de vivre comme à la grande angoisse de mourir.
Dans son admirable Joseph ou l'Éloquence d'un taciturne, le bibliste Philippe Lefebvre observe que pour un habitué de la Torah, les premières phrases de l'Annonciation résonnent étrangement avec celle d'une dénonciation d'adultère.
Fabrice Hadjadj - Encore un enfant ?