Citations de Faïza Guène (395)
En plus d'être laids, les adolescents ont vraiment un humour à chier.
Elle a raison Mme Burlaud [sa psychologue] : avec le temps, beaucoup de choses changent. Parfois, je me dis qu'elle aurait dû faire proverbe chinois comme métier.
En sortant du bahut, j'ai croisé Hamoudi. Il m'a proposé de m'embarquer pour me déposer au quartier. J'étais fière alors j'en ai profité pour flamber un peu, pour que toutes ces tronches de cake au bahut me voient partir avec la doublure d'Antonio Banderas dans Zorro, mais en plus balafré. En fait, personne n'a vu. c'est pas grave.
Dans quelques heures, elle sera seule avec cet homme, dans cette chambre, cet homme aux grandes mains, dont elle ne sait que très peu de choses, à peine son nom et son âge. Personne ne lui a dit ce qu'elle doit faire, comment il faut se comporter devant lui, elle n'a pas la marche à suivre, n'a reçu aucun conseil.
Sa mère n'est pas le genre de mère à transmettre des secrets intimes à sa fille en lui frottant le dos dans la moiteur d'un hammam.
Oui, devenir une femme, c'est brusque.
Il doit faire partie de ces gens qui croient que l'illettrisme, c'est comme le sida. Ça existe qu'en Afrique.
C'était le mois de juillet et, comme chaque été, Nice apportait son lot de vieilles à figure liftée. Une espèce protégée dans les Alpes-Maritimes.
On les reconnaît assez facilement.
La plupart du temps, elles se font rôtir les genoux sur les bancs de la promenade des Anglais en se pavanant derrière 'énormes lunettes Dior ; et leurs cheveux, abominablement blond platine, sont crêpés et relevés en chignon. Souvent elles traînent un clébard chétif au bout d'une laisse en cuir et portent des couleurs criardes qui ne sont plus de leur âge.
Elles m'ont aidé à comprendre que même beaucoup d'argent ne permet pas d'acheter le bon goût.
Sans vouloir juger, certaines personnes ont des rêves vraiment très petits. Si petits qu'ils doivent les regarder au microscope.
La chance de notre génération, c'est qu'on peut choisir qui on va aimer toute sa vie. Ou toute l'année. Ça dépend des couples.
Yamina croit apaiser sa fille en lui répondant : C’est comme ça benti, on doit accepter, on est comme leurs invités, on est chez eux. Ça fout Hannah à bout, ce genre de discours : Non, on n’est pas chez eux maman ! On n’est pas des « invités » ! T’as reçu un carton d’invitation, toi ? Moi non ! Ça suffit, ça fait trente-cinq ans que j’entends ça ! Nous, on est chez nous ! On est nés ici ! Et si on est arrivés là, c’est pas par pure coïncidence !
Souvent, je trouvais des excuses à son comportement. C'était forcément MA FAUTE.
Et puis, il redevenait attentif quelques heures. Il suffisait qu'il me fasse rire, ou qu'il me prépare un café, qu'il me dise simplement : « Qu'est-ce que je ferais sans toi ? » pour que je m'apaise, que je croie à un possible changement. J'ai cru, et férocement, qu'il allait changer.
Je déployais une énergie folle à me faire croire ça. Autant qu'à faire croire aux autres que j'étais heureuse.
A la suite d'une énième dispute, une nuit, il m'a chuchoté, sur le ton de la confidence : « Tu peux t'estimer heureuse que je ne te trompe pas. » J'ai répondu : « Merci. »
On ne sait pas COMMENT ON EN ARRIVE LA.
(p. 100-101)
C’est que ça coûte une tonne de mourir.
Le plus fou, c’est la concession. (Faire payer un loyer aux morts !)
Il n'y a pas que le rap et le foot. L'amour c'est aussi une façon de s'en sortir!
A l'IUFM, on nous assénait des généralités sur l'enseignement, un tas de concepts fumeux et de notions abstraites sur la transmission des savoirs, et tout cela m'emmerdait au maximum.
Pourquoi personne ne nous parlait des Mehdi Mazouani que seule une menace de renvoi au bled retenait sur les bancs de l'école ? On ne nous parlait pas non plus des ces Emilie Boulanger qui foutaient leur scolarité en l'air en tombant en cloque à 13 ans, avant même de savoir ce qu'est un utérus. Tout comme on ne nous expliquait pas davantage de quelle manière il fallait s'y prendre pour tailler un diamant brut comme Sarah Zerdad avant que le découragement ne lui fasse perdre de son éclat.
(p. 275)
« Nous, à l’époque, c’était un truc de vieille bourgeoise la chirurgie ! Maintenant, regarde ça ! A 20 ans, la meuf, elle est composée à 75 % de caoutchouc : »
…
« On est où là ? A la soirée des sosies ou quoi ? Tout le monde se ressemble ici ! »
Cette réunion au rectorat ressemblait à un viol collectif de tous nos idéaux.
Comme dans les bons polars, il y avait un gentil flic et un méchant. Le premier inspecteur, qui transpirait le magnésium, la vitamine C et l'enthousiasme, a pris la parole en premier. Il a commencé en disant : "Beaucoup d'entre vous sont là sans l'avoir voulu." Ensuite, il nous a joué un hymne au pipeau sur le mode "On a besoin de vous ! ". Un genre d'Oncle Sam envoyé par l'Éducation nationale, qui savait parfaitement simuler la joie. Le genre de gars qui trouve que tous les bébés sont beaux. Il trouvait aussi que l'académie de Créteil était dynamique et passionnante. Bon.
[c'est tellement bien dit ! ]
C'est horrible de se dire qu'à force de subir on peut s'habituer à tout, et particulièrement au pire.
J'ai aucune photo de moi jusqu'à l'âge de trois ans. Après, ce sont des photos d'école… Je suis sûre que si j'avais eu un zizi, j'aurais une grosse pile d'albums photo.
Les chauffeurs d'Uber d'aujourd'hui ne sont-ils pas les mineurs d'hier ? Ne sont-ils pas comme leurs pères ?
Des travailleurs qu'on paie peu et qui font fructifier un système inégal et gourmand ; ne sont-ils pas leurs dignes héritiers après tout ?
Malgré leurs études et les possibilités dont ils sont supposés bénéficier, ils conduisent des voitures à longueur de nuits, pour des salaires minables, dépendants de la sonnerie de l'application qui ne cesse d'affoler leurs cœurs gâchés, dépendants des notes et des commentaires de leur clientèle capricieuse.
P. 162
[ fille de 13 ans ]
[Mon père] me regardait longuement et soupirait en hochant la tête : « Si au moins tu t'arrangeais un peu... Toi, non, t'essaies même pas de t'arranger. »
Il disait souvent : « Marche comme une fille. »
J'ai gardé ça longtemps en tête, 'Marche comme une fille.'
Un jour, il l'a tellement répété que j'ai fini par lui répondre en hurlant :
« C'EST CE QUE J'ESSAIE DE FAIRE !!! »
[...]
Il s'est figé et m'a regardée droit dans les yeux : « C'est pour toi que j'dis ça, si tu préfères continuer à te tenir mal... »
(p. 24)
"J'aime pas les fêtes parce qu'à peine ça commence, je pense déjà au moment où va falloir s'arrêter de danser..."
Si on considère que la vie est une fête, c'est la meilleure définition de la nostalgie qu'il m'ait été donné d'entendre.