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Citations de Faïza Guène (395)


[ Incipit ]

C'est lundi et comme tous les lundis, je suis allée chez Mme Burlaud. Mme Burlaud, elle est vieille, elle est moche et elle sent le Parapoux. Elle est inoffensive mais quelquefois, elle m'inquiète vraiment.
Aujourd'hui, elle m'a sorti de son tiroir du bas une collection d'images bizarres, des grosses taches qui ressemblaient à du vomi séché. Elle m'a demandé à quoi ça me faisait penser. Je lui ai dit et elle m'a fixée de ses yeux globuleux en remuant la tête comme les petits chiens mécaniques à l'arrière des voitures.
C'est le lycée qui m'a envoyée chez elle. Les profs, entre deux grèves, se sont dit que j'avais besoin de voir quelqu'un parce qu'ils me trouvaient renfermée... Peut-être qu'ils ont raison, je m'en fous, j'y vais, c'est remboursé par la Sécu.
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J'ai pas encore parlé à Maman mais je crois qu'elle aime bien Nabil parce que c'est un mec plein d'ambition. Il veut carrément participer au "Bigdil" et gagner la voiture.
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Mais je n'avais pas le droit de me retourner. Si j'avais fait ça, j'aurais enfreint une des règles d'or. Dans le numéro 97 du magazine BM — Bonne et Mignonne, il avait un article extra que j'ai découpé et accroché sur mon mur, près des photos à moi sur la plage. L'article s'intitulait : « Les règles d'or à ne pas enfreindre pour être toujours irrésistible ». En numéro 3, il est écrit qu'à la fin d'un rancard, quand tu t'en vas, tu ne dois JAMAIS JAMAIS (c'était marqué deux fois en rouge dans l'atrticle) te retourner. Si tu te retournes, t'es une vraie looseuse parce que ça t'enlève tout ton charme et tout mystère.
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Le problème, c’est qu’en cours, je suis nulle. Je touche la moyenne juste en arts plastiques. C’est déjà ça mais je crois que pour mon avenir, coller des feuilles mortes sur du papier Canson, ça va pas trop m’aider.
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Je le croyais riche et intelligent. Quelle idiote. Maintenant, quand je le regarde, il me rappelle Bouddha, vous savez le dieu des bouddhistes. Il a la même chair qui dégouline sur le bas ventre et ce même regard vide. Mais Bouddha lui, il médite, c'est pas la télé qui lui donne cet air con !
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Maman suivait avec passion le feuilleton présidentiel.
Car, depuis peu, nous avions un nouveau président, un quinquagénaire bling-bling qui mâchait du chewing-gum et parlait à la France populaire. (Un brouhaha qui mêlait promesses non tenues, fautes de syntaxe et tics nerveux).
Les médias en avaient fait une icône.
Magazines, émissions spéciales à la télévision ou à la radio, ma mère n'en ratait pas une miette. Elle était devenue "Sarkophage"... A cette époque, il était entouré en permanence d'une horde de journalistes qui lui ponçaient le derrière."
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C'était avant moi. Je me fiche qu'ils se soient aimés dans le passé, je me fous d'être un fruit de cet amour. Cet amour, j'aurais voulu en être témoin.
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Le miracle de la vie.
On a tout dit. On a tout écrit là-dessus. Et ce serait prétentieux de penser qu'on a quelque chose d'original à raconter sur le sujet.
Il n'en reste pas moins que, en donnant naissance à un seul être, on a le sentiment d’œuvrer pour l'humanité toute entière. J'ai senti la peau de ma fille contre ma peau, effleuré son épaule, et déjà, tout autour de moi, le monde avait changé.
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Lionel, quelques jours plus tôt, avait éclaté de rire à la télévision lorsqu'un journaliste lui avait suggéré la possibilité qu'il ne soit pas au second tour. Il avait ri assez fort et avait répondu : "J'ai une imagination normale, mais tempérée par la raison quand même."
Tu sais, Lionel, la plupart des gens ont une imagination normale mais tempérée par la raison. Même le plus créatif, même le plus fou, ne pouvait pas prédire ce qui adviendrait de nous. Pense à tout ce qui est arrivé depuis ton éclat de rire, Lionel.
Ma première fois aux urnes fut donc un vrai fiasco. Et ce goût amer m'est resté. Je l'ai dans la bouche, aujourd'hui, plus que jamais.
Une première fois, on ne l'oublie pas.
Et je ne suis pas la seule à penser que le 21 avril 2002 fait partie de ces dates qui ont changé les choses pour toujours. On avait parlé de séisme, de chaos. Je me souviens de cette une d'un quotidien national, avec la photo du patriarche de l'extrême droite sur fond noir. Le journal titrait simplement : "NON".
Je me souviens aussi de la marée humaine à Paris. Une foule compacte de République à Nation. Tous ensemble, les gens disaient NON.
Une foule de gens qui disaient NON, au diapason. Des millions de personnes, en mai 2002, marchaient dans les grandes villes du pays, ensemble, pour refuser ça.
Que s'est-il passé pour que quinze ans plus tard, quinze ans après le rire arrogant de Lionel, nous vivions strictement la même situation, au premier tour d'une élection présidentielle, sans que cela nous fasse lever un sourcil ?
Cette fois-ci, ni séisme, ni chaos. Non, la terre ne tremble plus. Personne ne s'affole, personne ne s'étonne. Plus personne ne se soulève. On a admis avoir perdu le feu.
Et entre les deux tours, quinze ans après, on peut sentir partout, à tous les étages, l'odeur du renoncement. Et c'est un parfum écœurant que celui de la résignation.
C'est si écœurant qu'on aurait pu reprendre, quasiment au mot près, le début du discours de Lionel : "Si comme on peut le penser, les estimations sont exactes, le résultat du premier tour de l'élection présidentielle qui vient de tomber est comme un coup de tonnerre. Voir l'extrême-droite représenter 20% des voix dans notre pays et son principal candidat affronter celui de la droite (gauche ? droite ? haut ? bas ?) au second tour, est un signe très inquiétant pour la France et pour notre démocratie."
J'ai repensé à Youri, et aux autres, au sourire de Zizou qui s'affichait sur l'Arc de Triomphe, à la beauté de cette foule en liesse sur les Champs-Élysées à l'été 1998. Notre imagination collective, même limitée par la raison, nous conduisait à nous rêver en plus grand, à percevoir que quelque chose de meilleur était à construire.
Que s'est-il passé pour que nous laissions ce millénaire nous voler le feu ?
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On se souvient des heures passées à jouer au Snake sur son Nokia 3310 comme si c'était déjà le futur.
Et le futur, c'est maintenant.
C'est pas ce qu'on avait imaginé, c'est ni pire, ni mieux,
mais c'est là et il faut bien le vivre.
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Je l'entendais dire ça à longueur de temps. "J'ai le mal de mer. Ça me donne le mal de mer. Bla bla bla."
Elle le disait pour un oui ou pour un non.
C'était son expression fétiche.
Et moi, en réalité, ce que je l'entendais dire, c'était "mal de MÈRE". (J'ai le mal de mère ? J'ai mal d'être mère ? J'ai du mal à être mère ?) Je ne sais pas. Psy, c'est un métier.
Est-ce que ma mère était sur un bateau ?
Elle donnait cette impression.
Comme si elle avait cru embarquer pour une croisière en Méditerranée et qu'elle s'était retrouvée par erreur sur le Titanic.
Quand elle m'engueulait, elle finissait par dire : "Tu crois que c'est la vie que je voulais ? Hein ?!"
Comme si les gens avaient la vie qu'ils voulaient. Pff.
D'ailleurs, même si on leur donnait la vie qu'ils voulaient, ils demanderaient à en changer. Au fond, peu importe la vie qu'on nous donne à vivre, on en fait n'importe quoi.
Maman était une femme de crises.
Elle a fait sa crise de la quarantaine. Plus jeune, elle faisait des crises d'asthme. Chaque fois qu'elle reparlait de mon père, elle faisait une crise d'urticaire.
Mais surtout, elle avait ses crises de boulimie, ses crises d'hystérie. Parfois, les deux ensemble. Ça donnait des crises de boustérie.
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Avant, au début, c'est moi qui posais les questions.
"Pourquoi t'es parti papa ? Quand est-ce que tu vas rentrer à la maison ? Pourquoi elle pleure maman ? C'est à cause de moi ?"
Je n'ai jamais eu aucune réponse.
J'ai eu ce sentiment, pendant des années, qu'avant moi c'était le paradis.
Je faisais partie du monde d'après, du club de la faute à qui, j'étais sur la liste noire universelle de ce qui a tout gâché. On y trouve en vrac : l'enfant du divorce, l'euro, le Botox, le 11 Septembre... et j'en passe.
Les polaroïds jaunis sur lesquels on pouvait voir maman assise sur les genoux de papa sont explicites : elle riait aux éclats. Quasiment sur toutes les photos, ils sont dans les bras l'un de l'autre, ils se touchent.
C'est indéniable. Mes parents se sont aimés.
Mais avant moi.
C'était avant moi. Je me fiche qu'ils se soient aimé dans le passé, je me fous d'être un fruit de cet amour. Cet amour, j'aurais voulu en être témoin.
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On ne se rend pas compte à quel point c'est important de pleurer.
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Ce que je trouve choquant, c'est cette contradiction ... Je veux dire, pour être français à part entière, il faudrait pouvoir nier une partie de son héritage, de son identité, de son histoire, ses croyances, et même en admettant qu'on y arrive, on est sans cesse ramené à ses origines...Alors à quoi bon ?
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Pour ma part, j'étais au soda. Du Ifri fraise. Une boisson du bled. Un genre de diabète gazeux.
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Ma partie préférée était la cervelle, je croyais que ça rendait intelligent, jusqu'à ce qu'un jour l'un de cousins me dise : "à force de manger du cerveau de mouton, tu deviendras aussi con qu'un mouton et quand tu retourneras en France, on te mettra en prison parce que tu te promèneras en laissant tomber derrière toi des millions de petites crottes noires ! ".
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Désormais, il nous faut repartir de zéro.
Mais c'est toujours la même rengaine: personne ne repart jamais de zéro, pas même les Arabes qui l'ont pourtant inventé, comme disait le padre.
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D'après elle j'aurai plus que des bonnes notes parce que son fils Nabil, c'est un génie. 'ai remarqué que les mères arabes pensent souvent ça de leur fils. Mais la mère de Nabil elle abuse. Elle croit que c'est l'Einstein des HLM, et elle le dit à tout le monde. Lui, il se la pète parce qu'il porte des lunettes et qu'il s'y connaît à peu près en politique. Il doit savoir vaguement la différence entre la droite et la gauche. Heureusement ma mère n'a pas tout à fait dit oui. Elle a utilisé le joker "Inchallah"; ça veut dire ni oui ni non. C'est "si Dieu veut", la vraie traduction. Mais ça tu pourra jamais le savoir si Dieu il veut ou pas....
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Le destin, c'est la misère parce que t'y peux rien. Ca veut dire que quoi que tu fasses, tu te feras toujours couiller.
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Dehors, il faisait gris comme la couleur du béton des immeubles et il pleuvait à très fines gouttes, comme si Dieu nous crachait dessus.
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