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EAN : 978B0899L938G
Plon (27/08/2020)
4.18/5   460 notes
Résumé :
« Ses enfants, eux, ils savent qui elle est, et ils exigent que le monde entier le sache aussi. »

Yamina est née dans un cri. À Msirda, en Algérie colonisée. À peine adolescente, elle a brandi le drapeau de la Liberté.
Quarante ans plus tard, à Aubervilliers, elle vit dans la discrétion. Pour cette mère, n’est-ce pas une autre façon de résister ?
Mais la colère, même réprimée, se transmet l’air de rien.
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Critiques, Analyses et Avis (101) Voir plus Ajouter une critique
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La discrétion fait partie de ces romans intéressants et interpellants pour tous ces immigrés de l'ombre plus souvent jugés que tolérés et mieux, acceptés.

Faïza Guène, femme algérienne née en France, spectatrice, victime, écrivaine délivre les mots pour abolir cette discrétion qui habille d'ombre sa famille algérienne.

Yamina, le personnage central est la mère de quatre enfants. Née en Algérie, elle rejoint la France à trente ans lors de son mariage.

Entre la voix de ce passé algérien semé de coutumes et de pauvreté et celle du présent des quatre enfants nés en France, ce livre largement autobiographique relate le poids des difficultés pour une famille maghrébine à trouver sa place. Chaque enfant vivra la discrétion à sa façon. Hannah quant à elle choisira la révolte, l'opposition contre l'attitude de cette mère qui se cache, zigzague dans la foule pour ne pas se faire remarquer. Hannah s'offusquera de ses regards baissés, du ton méprisant qu'emploient certains membres de l'administratif face à des femmes d'une autre couleur de peau, d'une autre religion.

L'écriture de Faïza Guène est pleine, non dénuée d'humour et d'ironie. Ce livre est rempli de tous ces cris retenus pour se fondre dans la masse. En toute discrétion. Jamais tendancieux ni impolis, l'auteure exprime avec tact le poids des origines, la difficulté d'être accepté dans un pays étranger, la difficulté de trouver sa place dans un pays qui n'est pas le nôtre.

J'ai beaucoup aimé Yamina, cette femme solaire remplie d'amour qui veut juste faire sa place dans un mouchoir de poche, sans bruit, sans anicroche. Puis il y a Hannah, cette fille rebelle qui rêve d'une reconnaissance pour ses parents qui en ont bavé toute leur vie.

Enfin il y a cet épilogue de toute beauté qui nous rappelle que notre seul pays est peut-être celui sur lequel sont assis nos enfants. Debout, travailleurs, émérites de pousser un pays, de jouir de ses lois et de son sol, d'être citoyens invétérés, nécessaires avant nécessiteux.
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Un livre très agréable à lire sous la plume élégante et efficace de Faiza Guene , une autrice qui a , depuis de nombreuses années , su parler avec son coeur de sujets qui , immanquablement , du fait des migrations de populations , peuvent éclairer sereinement les problèmes humains qui en découlent.
Ici , l'héroïne, Yamina , nous " éblouit " par sa discrétion. Après une enfance algérienne marquée du sceau des traditions , , la voici contrainte à l'exil pour rejoindre son mari Brahim en France . Perte des racines , choc social et culturel , la Méditerranée comme infranchissable frontière, le changement est douloureux , impossible à guérir. La perte à jamais d'une identité , d'une existence sociale , la solitude dans un monde étranger, souvent hostile qui , avec le temps , creusera un peu plus chaque année un fossé de plus en plus profond entre passé et présent, entre cette période vécue aux origines , en Algérie, et au présent, en France ...Un pays qui ne " veut " pas , un autre qui ne veut " plus " une errance discrète malgré l'amour indéfectible de Brahim et la présence de quatre enfants aux caractères si différents mais indispensables à la seule motivation " de vivre " de notre héroïne. Une belle , très belle personne , une " passeuse ", celle dont le " sacrifice " ne reçoit, pour seule " rétribution " , que la réussite des ses enfants . de l'amour à revendre .Parfois trop ?
Faiza Guéne, je l'ai dit , possède une façon d'écrire à l'image de la famille Taleb , simple , sincère, efficace , belle . Certes , le rythme est lent et il ne se passe pas d'événement brutal , non , une " force tranquille " en marche vers un avenir social amélioré, un lent et incertain cheminement vers une reconnaissance dont Brahim et Yamina se sentent obligés de payer le prix , d'être les garants pour le bonheur de leurs enfants . Une sorte d'attitude sacrificielle dont le prix est " la discrétion ".
Un livre très intéressant, sans pathos , sans parti pris , un mode de pensée assumé. On peut peut - être regretter la brièveté du propos , l'esquisse incomplète de personnages avec qui on aurait aimé " faire plus ample connaissance " , le survol des " traditions " de la culture algérienne et celui des conditions de vie en France , mais on a toutefois l'immense privilège de pouvoir s'immiscer dans une belle famille en tous points respectueuse du pays qui l'accueille mais où ils ne se sentent qu'invités et dont le seul tort est sans doute de se montrer trop " soumise " , trop " discrète " ( quoi que , Haicha ...je vous laisse découvrir ...) mais furieusement attachante , à l'image de son " pilier " , la superbe Yasmina .
Un joli roman pour réfléchir, où l'envie de vivre , le désir de bonheur simple , sont omniprésents.
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on fait la connaissance de Yamina, qui a traversé tant d'épreuves : quitter la ferme en Algérie pendant la guerre d'Indépendance, l'exil avec se famille au Maroc, se cacher, le retour à la fin de la guerre, abandonner l'école qu'elle aime tant pour donner un coup de mains à sa mère : elle coud des vêtements pour tous sur sa machine à coudre à pédale, tricote avec des aiguilles de fortune, plumes d'oiseaux puis, rayons de vélo récupérés dans une décharge.

Elle reste la dernière à la maison, son père ayant refusé tous les prétendants éventuels, jusqu'à ce qu'elle devienne trop vieille et que plus personne ne se présente. Alors, c'est le mariage arrangé avec Brahim, qui a dix ans de plus qu'elle et dont les mains immenses la terrorisent.

Yamina et Brahim vont avoir quatre enfants, trois filles et un garçon, le petit dernier, le chouchou à sa maman qui aurait pu virer au macho pur et dur mais ils ont été bien élevés, on est pauvre chez les Taleb, mais on est respectables et chacun pourra faire des études même si le travail n'est pas au bout.

L'aînée, Malika s'est mariée, un mariage arrangé, mais son mari avait une double vie, un enfant, elle a divorcé, le premier coup dur dans la vie de son père.

Hannah est la deuxième de la fratrie, elle cherche l'homme idéal, et tous ceux qu'elle rencontre ont forcément un défaut rédhibitoire, le manque de virilité est un problème pour elle …

Imane la troisième fille a toujours l'impression de décevoir : lorsqu'elle essaie de quitter l'appartement familial, on frise le drame, alors qu'elle a plus de trente ans mais n'est toujours pas mariée.

« Imane est la troisième fille, celle qui vient juste avant le fils, celle qui aurait dû être le fils. Imane a le sentiment de décevoir une fois de plus. »

Omar dit avec ironie qu'il est devenu un Arabe « calvitieux », c'est très bien quand il s'agit de Zinedine Zidane mais quand on est chauffeur Uber… Il est très attachant, au volant de sa voiture, toujours impeccable, même s'il a des clients ivres qui vomissent dedans. Un jour, une jeune femme le prend pour chauffeur via la célèbre application spécialiste en esclavagisme moderne, payant ses chauffeurs à coup de lance-pierre, et le courant passe entre eux. Mais elle a l'air d'avoir mieux réussi que lui, alors comment résister à l'inhibition, au manque de confiance en soi…

Yamina ne pardonnera jamais, d'avoir été obligée de quitter la ferme, les siens pour le suivre en France, à Aubervilliers. Elle sera toujours la discrète, celle qui passe en essayant de ne pas ne faire remarquer, consensuelle, se taisant même quand le chien de la voisine lui renifle le postérieur alors qu'elle en a peur et que la maitresse n'essaie même pas de le contenir.

Une éclaircie dans sa vie : quand on leur attribue un jardin ouvrier, où elle fait pousser, des fleurs, des légumes, elle a si bien appris à la ferme… Elle partage Yamina, les plats cuisinés, les desserts qu'elle confectionne, alors que souvent on ne lui rend même pas les assiettes…

Si elle essaie de se couler dans le moule, de ne pas faire de vague, ses enfants râlent, ils aimeraient bien que leurs parents qui se sont usés au travail soient un peu mieux reconnus.

On suit cette famille de 1949 à 2020, donc on traverse le 11 septembre, les attentats de Charlie, du Bataclan et là encore, eux qui ont toujours été discrets, pratiquant leur religion dans le sens noble du terme et non dans le sens dévoyé de l'islamisme radical, ils se sentent montrer du doigts, et en plus ils ne peuvent même pas montrer qu'ils sont en deuil eux-aussi !

J'ai adoré mettre mes pas dans ceux de Yamina, car elle force le respect, la discrétion dans son cas, ne signifie pas qu'elle s'écrase à tout prix, subissant les affronts sans broncher ; elle part simplement du principe qu'il ne sert à rien de se révolter pour le moindre détail, comme elle dit. Elle traverse les tempêtes, les désillusions de l'Indépendance, le visage dur de Boumediene dont il convient d'éprouver un vrai chagrin lors des funérailles nationales dignes de l'ex URSS…

Ce roman est bien écrit, bien construit, Faïza Guéne ne sombre jamais dans le pathos et j'ai laissé cette famille à regret.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Plon qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteure. Ce fut vraiment une lecture belle et bouleversante.

#rentreelitteraire2020 #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Il y a des romans qui vous parlent, le livre de Faïza Guène en fait partie. Ce récit m'a vraiment touché, tout d'abord par la qualité de l'écriture, simple, toujours juste, toujours vraie, emplie d'une douceur, celle de l'amour ; et surtout par le personnage central Yamina.

Faïza Guène va donc nous conter l'histoire de cette femme algérienne de bientôt soixante-dix ans et en parallèle nous allons suivre ses quatre enfants. Yamina ne se plaint jamais, comme si cette option lui a été retirée à sa naissance. Elle n'a que son amour a offrir à ses enfants, avec un peu de chance l'amour leur fera oublier les humiliations.

Omar, trente piges, le seul garçon est chauffeur Uber, un job temporaire depuis deux ans ; Malika l'aînée de la fratrie, elle a été mariée à dix-sept ans, elle est celle qu'on remarque le moins, elle n'a jamais fait de vague. Hannah elle a toujours un temps d'avance, elle a toujours pigé plus vite que les autres, particulièrement sensible, elle ne veut pas que ses futurs enfants futurs, héritent de cette colère qui lui dévore les tripes. Imane la cadette, elle aurait dû être un fils, elle a le sentiment de décevoir en permanence

Et puis il y a Brahim, le père, il est encore beau, il ne dit pas nécessairement les mots qu'il faut, mais son réconfort est dans le coeur de Yamina.

L'histoire d'une petite fille débrouillarde, privée de son enfance par la guerre d'indépendance, obligée d'arrêter l'école pour aider ses parents à la ferme et élever ses frères et soeurs. À soixante-dix ans, elle rêve encore qu'elle a un cartable sur le dos. Un mariage arrangé après la prière du vendredi avec Brahim, un immigré de dix ans son aîné, l'arrivée en France dans un taudis où les murs pleurent d'humidité, où les souris se faufilent, les blattes surgissent de partout, un appartement qui même propre a l'air sale. Ce livre est l'histoire d'un déracinement, d'un arrachement à la terre natale.

« Je ne supporte plus que ma langue se meure de rester figée dans ma bouche, je ne supporte plus ma salive inutile, je meurs de ne pouvoir parler à personne, et même si la radio reste allumée toute la journée, je ne peux pas lui répondre. »

L'histoire de braves gens travailleurs, qui se font discrets, car ils se sentent invités en France et leurs enfants, la seconde génération, celle qui porte la colère, nés en France et qui ont l'impression d'être nulle part chez eux, ni en Algérie ni en France. Toujours devoir se justifier, montrer patte blanche pour éviter l'amalgame.

« Brahim a encouragé ses enfants, n'a jamais levé la main sur eux, les a poussés à étudier. La seule chose qu'ils peuvent lui reprocher est d'avoir été pauvre, et épuisé par le travail. »

C'est surtout une formidable histoire d'amour d'une mère pour ses enfants, elle a tenu pour qu'ils réussissent, qu'ils soient heureux et surtout indépendants. Un livre d'une grande sensibilité, tout en retenue. D'un petit village berbère à la banlieue parisienne un magnifique portrait de femme.

Faïza Guene a dédié son roman à son père, Abdelhamid, « mort de discrétion », voilà tout est dit… Un grand merci aux éditions Plon de m'avoir offert l'opportunité de lire ce livre.
« La Discrétion » de Faïza Guène. #rentreelitteraire2020 #NetGalleyFrance

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« La discrétion » ne se contente pas de livrer l'histoire d'une famille entre l'Algérie et la France, avec ce tiraillement entre deux cultures, celle de l'éducation et des origines, face à celle de la naissance et de l'imprégnation. C'est un texte plus profond qu'il n'y paraît, à travers le microcosme familial, l'auteure aborde des sujets de société très intéressants. de manière parfois grave, pour décrire certaines humiliations couvertes par une fausse bienveillance, mais aussi de manière humoristique, comme pour ne pas étrangler le lecteur.

La plume simple et directe, rend le texte accessible à toutes les personnes qui souhaitent mieux comprendre, ressentir les émotions et interrogations d'une partie de la population française. Être né français, mais ne pas se sentir à sa place, être né algérien et ne pas se sentir algérien… Une éternelle dualité que vit une partie de la population française que l'on peut difficilement comprendre si l'on ne l'a pas vécu soi-même.

Même si je n'ai jamais eu à me sentir exclue, car née française, de parents français, j'ai grandi en Tunisie, et je dois dire que je connais ce sentiment de ne pas se sentir à sa place. Ce sentiment a été très présent lors de notre retour en France, je ne savais plus qui j'étais et surtout, je vivais ce retour comme un exil. Je pleurais tout le temps et j'ai mis du temps, beaucoup de temps à me sentir à ma place. En France, je n'avais qu'une envie, c'est de rentrer en Tunisie et lorsque je retournais en Tunisie, je n'avais qu'une envie, c'est d'y rester. Tiraillée entre mes deux cultures, mes deux vies. J'ai retrouvé dans « La discrétion » de Faïza Guène, cet exil latent, sous-jacent avec la description du mal-être que l'on ressent.

Faïza Guen à travers son récit, rend hommage à ces femmes qui éduquent, discrètement, qui sont dépassée, car elles ne connaissent pas ces enfants qui réclament une identité, une reconnaissance et crient leur appartenance à cette France, qui parfois, les renvoie à ces origines qu'ils ne connaissent qu'à travers des vacances toujours heureuses, mais pendant lesquelles ils sont considérés comme étranger et français. L'exclusion est des deux côtés de la méditerranée, ils ne sont ni algériens ni français.

Comment construire son identité face à cette dualité ? On ne fait pas de vague, on se fait discret, ou alors on se révolte, on crie pour montrer que l'on existe.

Notre société a du mal à comprendre cette dualité, et ne fait que creuser le fossé. La grande mode, qui ne fait qu'attiser la haine et largement véhiculée, est de demander à une personne de quelle origine elle est ! L'extrême droite se nourrit du terreau de cette dualité.

Certains passages m'ont particulièrement touchés, notamment celui de la soeur aînée qui travaille dans une mairie et qui aide une personne en lui parlant en arabe, elle est dénoncée par ses collègues. Je sais, pour l'avoir vécu, que si l'anglais, l'espagnol, l'allemand avaient été utilisés, cela n'aurait incommodé personne. C'est une profonde injustice qui se vit au quotidien et à moins d'avoir vécu ou assister une scène de ce genre, on a du mal à comprendre.

Ce n'est pas un texte à charge, c'est une tranche de vie, aux côtés de cette famille ordinaire, où chaque membre trouve sa place, traverse la vie d'une manière discrète pour ne pas se faire remarquer ou d'une manière plus visible pour montrer qu'il existe. Chacun s'appropriant cette Histoire qui les marque au fer rouge, pour enfin s'apaiser et se construire.
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critiques presse (3)
Actualitte
08 décembre 2020
Un roman partagé entre deux époques sur l'exil, le racisme et le triomphe de l'amour maternel. Le passé de Yamina est plein de déchirements et son présent rempli de petites humiliations. Entre les deux : l'exil.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LePoint
16 septembre 2020
Annie Ernaux a déclaré écrire pour « venger » les siens. Faïza Guène, elle, écrit pour leur honneur non pas perdu mais occulté. Illustration avec « La Discrétion », son dernier roman.
Lire la critique sur le site : LePoint
Culturebox
28 août 2020
L'histoire de Yamina Taleb, aussi singulière qu'universelle, nous dit l'histoire de milliers de familles immigrées d'Algérie.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (129) Voir plus Ajouter une citation
Dans les westerns que son père regarde à la télévision, des tas d'images banales se succèdent. Il y a toujours un moment dans le film où le cow-boy attrape une femme, n'importe laquelle. Il la prend par le bras et la tient assez fermement. Soudain, bien planté devant elle, en la regardant droit dans les yeux, il décide de la plaquer brutalement contre lui. Il fait ça de façon virile, presque animale. D'ailleurs, il grogne un peu, comme le ferait un ours mal léché ou un CRS.
Parfois, la fille se débat, elle respire fort et dit à voix basse : 'Johnny nooo, please, nooo.' Elle chuchote, c'est à peine audible, et, de toute manière, Johnny se fout de ce qu'elle raconte, Johnny, comme tous les cow-boys, confond le Non avec le Oui.
C'est clair qu'elle ne passe pas un super moment à l'étage de ce saloon du Nouveau-Mexique. Elle tente de se dégager de l'emprise du cow-boy et se demande depuis combien de jours il n'a pas pris de douche. Car le cow-boy pue. D'ailleurs, est-ce que quelqu'un sait pourquoi les cow-boys prennent des douches tout habillés ? Ils se baignent dans une sorte de grenouillère pour adulte en coton dégueulasse et font trempette dans un baril en bois posé au milieu du salon, sans savon, sans gant de crin, sans gel douche (...).
Comment ces gens ont-ils réussi à opérer un génocide sur des millions d'Indiens et à inventer Hollywood ?
(p. 116-117)
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Vient alors le moment de se DESOLIDARISER.

Il leur sera demandé très officiellement de descendre dans la rue, mais dans un cortège à part, celui des musulmans d'apparence, pour dire : "Ne vous inquiétez pas, nous ne sommes pas comme eux".
Il n'y a pas de Mode d'emploi à l'usage des musulmans pacifiques, pas de Manuel de désolidarisation en cas d'attentat terrotiste sur le site de la FNAC.
Pour les Taleb, et les autres, il n'y a pas de règlement. Si être simplement affecté en tant qu'être humain et que citoyen ne suffit pas à convaincre, que doivent-ils faire ?
S'assimiler ? Revendiquer davantage leur identité française ? Chanter plus fort la Marseillaise ? Changer de prénom ? Adhérer à un parti d'extrême-droite pour gagner une légitimité indiscutable ? Quand bien même, seraient-ils au-dessus de tout soupçon ? N'est-ce pas là une démarche encore plus suspecte ?

Les enfants Taleb en parlent à table lors de leur rituel déjeuner du samedi.

C'est toujours Hannah qui tranche : "C'est une question de bon sens, quand on est légitimement français, on n'a pas besoin de le prouver, encore et encore !
Et s'ils savent qu'il faut montrer patte blanche, c'est qu'on leur demande. Cette injonction stupide leur est faite immédiatement, en pleine émotion : "Désolidarisez-vous !". Des hommes politiques, des philosophes, des journalistes demandent aux musulmans de sortir du rang.

Les Taleb, comme tant d'autres, ne partagent pas les croyances des terroristes.
Eux, ça leur paraît évident. Ils n'ont rien en commun avec ces monstres, si ce n'est leur nom "à consonance", et leurs gueules de métèques, qui, elles, contrairement à leur histoire, ne s'effacent pas.

Un peuple uni ne se divise pas pour pleurer ses morts.

C'est même à ça qu'on devrait le reconnaître.
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[ Aubervilliers, France, 1981 ]
Yamina [née en Algérie] n'avait jamais vu un ciel si gris, des nuages si lourds, elle n'avait jamais connu de nuits si froides.
Voilà, elle est en France.
C'est ce qu'il [son mari] a trouvé de mieux, comme ça, dans l'urgence. Brahim Taleb fait enfin venir sa femme. Les démarches du regroupement familial ont été plus rapides que prévu, il n'a eu que deux semaines pour trouver où la loger. Jusque-là, il a toujours vécu seul ou avec d'autres gars du chantier dans des cafés-hôtels, des foyers de travailleurs, dans les baraquements, les préfabriqués, et a même fait escale chez un cousin au bidonville de Nanterre à son arrivée en région parisienne en 1961. De cette période, il garde surtout le souvenir de la crasse, des godasses pleines de boue, des rats et du bruit du zinc au-dessus de sa tête. Les soirs de pluie, c'était un enfer de s'endormir.
Brahim ne se souvient pas du nom de tous les types qui partageaient sa cabane de tôle, c'est loin maintenant.
En revanche, il se rappelle Nasser, celui d'entre eux qui n'est jamais revenu. On a raconté que, lui aussi, la police française l'avait jeté dans la Seine.
(p. 167-168)
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(...) Ils ont dû partir [en Thaïlande] en équipe de cinq ou six types du quartier. C'était au début des années 2000, l'été 2001 pour être exact, 'ah la bonne époque', juste avant le 11 septembre, avant Ben Laden, et avant 'Charlie'. Au moment où les Arabes avaient été à la mode, grâce à Zidane et à ses deux buts en finale de la Coupe du Monde 1998, aux blagues de Jamel Debbouze et au JT de Rachid Arhab. C'était cool d'être rebeu à cette période.
(...)
Hakim était plus romantique qu'il en avait l'air, à vingt ans, c'était un vrai coeur d'artichaut. A Patong, il y avait cette fille aux joues roses (...). Il la trouva gentille et douce, et son regard brun, il en rêve encore certains soirs. Il avait eu l'impression d'une complicité partagée, d'une histoire naissante, au-delà d'une simple prestation massage traditionnel option Happy Ending.
(p. 75-76)
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Dans quelques heures, elle sera seule avec cet homme, dans cette chambre, cet homme aux grandes mains, dont elle ne sait que très peu de choses, à peine son nom et son âge. Personne ne lui a dit ce qu'elle doit faire, comment il faut se comporter devant lui, elle n'a pas la marche à suivre, n'a reçu aucun conseil.
Sa mère n'est pas le genre de mère à transmettre des secrets intimes à sa fille en lui frottant le dos dans la moiteur d'un hammam.
Oui, devenir une femme, c'est brusque.
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Vidéo de Faïza Guène
Pour cette dernière émission de la saison, Augustin Trapenard reçoit plusieurs grands auteurs dans La grande librairie. Parmi eux, Philippe Besson, Faïza Guène, Mathias Enard, Katherine Pancol, Caryl Ferey et Chloé Delaume. Ils viennent livrer, tour à tour, leurs cris du coeur, ou leurs coups de griffe concernant un grand classique de la littérature.  Après avoir fait l'éloge du Petit prince pendant de longues minutes, Faïza Guène, écrivain et scénariste à l'origine de Kiffe Kiffe Demain, publié en 2009 et vendu à plus de 400.000 exemplaires, livre une critique acerbe sur le roman de Franz Kafka, La métamorphose, publié pour la première fois en 1912.  Un ouvrage qu'elle considère comme une "horreur" et qu'elle résume de la sorte : "Je vous la fais courte mais en gros, c'est un mec, il se lève, il a la flemme, il se transforme en cafard. Je l'ai reçu comme un test désespérant". Elle explique ensuite sa pensée, racontant qu'elle l'a lu à l'âge de 16 ans et que ce n'était sans doute pas le moment pour elle de le dire, manquant un peu de recul sur l'humour qu'il peut y avoir. Un avis visiblement partagé par Philippe Besson.
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