Citations de France Huser (26)
J'avais peur des maisons. Une fois franchi le seuil, n'allaient-elles pas se refermer définitivement sur moi ?
J'avais peur des maisons et des objets trop bien rangés. J'aimais les chambres d'hôtel, lieux entre parenthèses, tapis volants jetés par intervalle dans une vie. On pouvait y pleurer et jouir et tout oublier, sitôt l'escalier redescendu, la clé rendue à l'hôtelier.
Quand on m'offrait un bibelot, un meuble, une boîte, je m'empressais de les donner : il fallait toujours songer au départ. Rien ne devait m'alourdir.
J'étais étreinte de ce silence que les églises donnent à ceux qui croient.
Nous nous rencontrâmes à mi-chemin, devant la glace.
Elle nous servit d'intermédiaire. Nous nous connaissions si peu, à peine osais-je te regarder ; ce furent nos ombres, dans l'imprécise clarté des rideaux entrouverts, puis nos reflets dans la glace, qui se connurent d'abord.
Tu défaisais mon corsage ou soulevais ma jupe, ou je m'agenouillais devant toi et je tournais parfois la tête pour découvrir cette autre femme que tu fabriquais avec moi.
Tous les chemins sont en fuite - ils se croisent et se rejoignent sans qu'il soit désormais possible de les distinguer. Une main glisse sur l'autre, puis dessous et la sienne sur la sienne - encore et plus vite - et dessous, et dessus, l'une sur l'autre. Et l'autre encore à nouveau. Elles se touchent à peine, se fuient peut-être. Les poissons glissent aussi sans se rencontrer, l'eau partage leur ombre.
Ce sont des histoires racontées en murmures. Dans les marges de l'avant-sommeil, quelquefois, elles se frôlent mais jamais ne se mêlent. Telles les paroles jamais dites et celles que l'on écoute pour les taire ou les défaire.
Je croyais tout connaitre de l'attente. J'appris qu'elle peut être la surface gelée d'un lac où l'on glisse sans pouvoir marcher ; on a envie de la briser, nulle prise, la glace est trop épaisse.
Longtemps, je ne sus rien de cette petite fille, sinon qu'elle s'appelait Aurélia puisque c'était le nom que je lui avais choisi. Ou plutôt, il s'était imposé à moi sans que je puisse rien y faire. J'avais beau feuilleter les calendriers, me rappeler les héroïnes de romans, tous les autres noms glissaient sur son visage. Aurélia. Derrière elle, le feu, le rouge safran de l'Inde. Aurélia, venue habiter son prénom et qui bougeait ses doigts très fins. Je restais immobile, j'avais peur.
C'était ta vie que je voulais garder. Mais c'était impossible. Malgré mes efforts, elle filait entre mes doigts, je ne pouvais pas la préserver, je ne pouvais pas fermer mes mains et la retenir.
Je m'appelle Jeanne. Jeanne Hébuterne. J'ai vingt et un ans. Mes yeux sont bleus. Toi, tu les a peints plus clairs encore.
- Faire le portrait de quelqu'un, c'est découvrir son secret.
...Modi scrute son modèle avec une telle force qu'il devine non seulement sa personnalité, mais ce qu'il a vécu. Quand il commence à me peindre, il me semble que je vais enfin savoir qui je suis. Et surtout pourquoi j'accepte tout de lui et la vie qui est la nôtre.
Pourquoi cette mélancolie chez tes personnages, pourquoi les yeux qui se dérobent? Parce que tu regrettes de n'avoir pu les sculpter? Je veux découvrir celui que tu étais avant de renoncer à la sculpture. Alors seulement je pourrai comprendre pourquoi tu te détruis ainsi.
Mon premier livre, que je lis de France huser, et je pourrais me laisser emporter par un deuxième. Au début j'ai eu du mal à accroché, mais au fur et à mesure de la lecture, je me suis accroché de plus en plus à l'histoire.
Je vous conseil ce livre.
Je veux une forme épurée, des volumes simplifiés.Voilà ce que je veux conquérir.
Tu as caressé mes cheveux. Tu m'as dit : "Tu es si belle. Tu ne reçois pas la lumière. C'est de toi qu'elle émane."
Te dessiner, c'est contrarier le temps qui passe, préserver ce qui reste de ta beauté. Empêcher le temps de gagner.
Je n'aimais que les nuits où la lune était là. Je guettais sa pâleur. J'avais alors quelque espoir que le malheur ne soit pas définitif.
Mais il y a l'insolence du coquelicot:il ne se laisse pas emporter.Dès qu'on le touche, au plus léger balancement qu'on inflige à sa tige,le calice se défait, les pétales tombent.
... elle mangeait des cerises, piquant l'une puis l'autre du geste sec et machinal dont on tricote un chandail aux mailles trop lâches...
Depuis que le malheur est là, les formes s'allongent, la ligne s'étire. Plus gagne la maladie et le malheur, plus l'harmonie domine. Comme si tu t'efforçais de mettre la réalité à distance.
En regardant les tableaux, je me suis aperçue que, au cours de ces derniers mois, la ressemblance qui uni tes personnages s'accentue encore plus, comme s'ils étaient le reflet d'une seule et même image, celle que tu poursuis sans cesse.
Chaque matin je décide que la journée ne sera pas aussi difficile que la précédente. Chaque soir, je constate qu'elle a été pire.