Les jours suivants furent moroses ; je m'appliquais à être le plus absurde possible dans l'exercice de mes devoirs militaires.
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Ainsi, il est des questions que l'on pose sans parler à des êtres absents et ils vous entendent tout de même... L'air leur apporte la forme de vos mots... et ils vous répondent tout de suite, ils ont d'emblée ce merveilleux pouvoir d'entretien supérieur, qui plane au-dessus des formalités de la conversation.
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J'ai pris le tube [de strychnine] et l'ai mis dans ma poche ; puis j'ai parlé longuement, en essayant d'employer le moins de mots possible. J'ai peut-être dit de belles choses ; maintenant, je sais que le capitaine n'aura plus jamais envie de se tuer et je me sens plus heureux, mille fois plus heureux que si je m'étais engagé à quinze ans et que si mon général avait fixé la médaille et la croix et des palmes et des étoiles sur ma poitrine, me désignant à l'admiration de mes semblables. Je voudrais qu'il y eût un ruban blanc pour les empêcheurs de mort. Je voudrais surtout que vous ne trouviez pas bête ce que vous venez de lire, car je l'ai écrit très pieusement.
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Une noctuelle vint frissonner autour de l'abat-jour. Je sentis une grande paix descendre en moi. Barbara reprenait, en haussant le ton de sa voix qui allait s'enfouir dans le fond du salon :
_ Vous êtes sûr de ne pas avoir de la haine pour moi ? Si vous saviez les choses horribles que l'on dit de la France à la maison. Vous ne vous apercevrez de rien, évidemment, parce que mes parents vont avoir peur de vous. Et vous raconterez ensuite quand vous serez revenu dans votre pays que les Allemands sont plats comme des galettes, comme des couleuvres. Dites, vous le raconterez, n'est-ce pas ? Mais vous n'oserez pas raconter qu'une Allemande de dix-neuf ans n'avait pas peur de vous, qu'elle se moquait de vous, qu'elle savait que vous n'étiez pas un conquérant de division blindée, mais un poète en uniforme comme il y en a tant chez vous.
… en 1730, le duc de Luynes lui donne à lire le « Journal » de Dangeau. Saint-Simon le prend, le trouve « suffocant » et « d'une fadeur à faire vomir » mais enfin ne le lâche plus. […] Il le copie intégralement (trente-sept volumes). Puis ayant sous les yeux cette copie, il écrit au verso de chaque feuille ses « Additions » au Journal. Ces « Additions », il ne les fait pas immédiatement ; il écrit, par exemple, en regard de ce que dit Dangeau sur Mme Guyon : « morte depuis vingt ans ». Mme Guyon est morte en 1717, cette note de Saint-Simon est donc de 1737, c'est-à-dire de sept ans postérieure au jour où Saint-Simon avait lu Dangeau pour la première fois.
2880 – [Écrivains de toujours, n° 15, p. 57]
Les adieux, c'est toujours comme cela, c'est lorsqu'on n'a plus la force d'espérer, lorsqu'on ne se possède plus, lorsqu'on dit "à ce soir" en sachant qu'on n'ira plus nulle part.
Elle possède le sens des pluriels féériques qui sont l'apanage de la richesse mais aussi du bonheur. Quand une jeune fille n'emploie jamais, ou seulement contrainte, le singulier, vous pouvez être sûr de son bonheur ; c'est que les timbres de son âme sont assortis aux couleurs de ce monde.
Les adieux, c'est ce qui fait le moins mal, lorsque personne ne vous regarde vous en aller.
Je vois bien aujourd'hui que le vide, l'absence, entre certains êtres, crée une accoutumance qui n'est pas moindre que la possession, dans ses effets. C'est une possession, cela ressemble, du moins, à une possession. Peut-être avions-nous tous deux l'amour de la distance ?
Sa voiture était couverte de poussière collée par le sel de la mer. Il sortit de Mittelbourg et avisa bientôt une station-service. Il choisit le programme le plus complet, avec lustrage spécial. On indiquait même la durée : dix-huit minutes (…)Sous les rouleaux bleus et les ruissellements de mousse, il se dit qu’il était là dans le seul endroit où un homme pouvait pleurer tranquillement (…), et il sifflota souvent. Il pensa une fois de plus à la question du Prince André, voyant passer Natacha : « Pourquoi est-elle heureuse ? » Et il la tourna dans tous les sens, essayant aussi avec « malheureuse », tantôt sur la Reine Ilma, tantôt sur Susah la Noire.