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Citations de Françoise Grard (44)


 J'étais trop jeune alors pour savoir que, parmi les événements importants d'une vie, il en est de purement intérieurs. Je ne comprenais pas que , pour cette raison, ceux-ci restent le plus souvent incommunicables.  (p.54)
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"On aimait, on souffrait et puis, un beau jour, on n'aimait plus. On se demandait même comment on avait pu aimer."
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Janine à cette époque est une « pin-up », ou du moins travaille-t-elle à l’être.
En subissant les bigoudis, le coiffeur à domicile, en consacrant un après-midi entier par semaine à « se faire les ongles », appliquer après de longs soins minutieux un vernis couleur abricot de la coûteuse marque Héléna Rubenstein, pas du rouge, surtout pas du rouge, c’est vulgaire, soupire-t-elle. Décidément, la séduction est un travail à plein-temps. Autant qu’un impératif catégorique. D’aucunes en tireraient de voluptueuses satisfactions narcissiques. Pas Janine. Son éducation protestante lui a rendu le corps haïssable. C’est donc une question purement stratégique ; astreignante mais vitale.
Il n’empêche que celle qui, à cet instant, marche vers nous a l’air d’une publicité vivante pour cette belle piscine moderne aux nombreux bassins découpés dans des pelouses soignées. Elle dégage une légère odeur de Piz Buin, l’huile solaire qui graisse encore sa peau et dont le film invisible fait rouler des perles d’eau sur son cou.
Petit troupeau malingre de fillettes entre 6 et 11 ans, instinctivement serrées les unes contre les autres, nous ignorons tout d’elle. Nous ignorons totalement le rôle qu’elle joue auprès de notre père qui nous pousse vers elle, nous ignorons que nous en prenons pour près de 50 ans, nous ignorons qu’elle va poser des fers sur notre enfance et des chaînes sur notre vie entière.
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p.132.
Le professeur, hanté par la peur du radotage, ne manque pas de se condamner lui-même s'il se surprend à se répéter. Il oublie que ce cours, s'il l'a fait plusieurs fois, reste inédit pour ses élèves et que, par ailleurs, il ne repasse jamais tout à fait par les mêmes chemins pédagogiques.
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p.111.
Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et profèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus d'autorité au-dessus d'eux, alors c'est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie.

Platon.
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p.68.
Pas d'enseignement sans dialogue. Pas de dialogue qui ne vise à accoucher l'élève tantôt de son ignorance, tantôt de sa pensée, parfois de sa vérité. Transmettre, c'est mettre sa marque sur l'objet que l'on veut transmettre : la marque de l'humour, de la gravité ou seulement l'inflexion d'une voix. C'est pourquoi l'enseignement glacé du meilleur programme informatique ne remplacera jamais un enseignement qui part de ce que sait l'élève pour l'emmener plus loin.
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p.46-9.
DÉTRESSE

Combien de fois, après avoir déploré la conduite d'un élève et avoir été après coup informée de sa situation familiale, ne me suis-je pas maudite de mon manque de jugement ?

En regard de ce qu'ils vivent chez eux et malgré leurs insuffisances de conduite ou de travail, certains élèves mériteraient la médaille de la résistance. Car se lever tous les jours pour aller au « bahut » et s'acquitter plus ou moins de son travail en restant vissé sur une chaise pendant de longues heures, quand on manque cruellement de sommeil, que les parents s'entredéchirent ou que la pauvreté menace la décence minimum des conditions de vie, relèvent parfois de l'héroïsme. Encore faut-il noter que les plus malheureux ne sont pas ceux qui se font le plus remarquer.

Un souvenir atroce me poursuit à travers les années. Une source de culpabilité et de compassion que le temps ne tarit pas : celui d'une jeune fille silencieuse, timide mais souriante quand on s'adressait à elle, à laquelle je reprochais régulièrement, sous le mode de la plaisanterie, son air absent, sa passivité somnolente. À mes piques enjouées, elle répondait d'un sourire, se redressait sur sa chaise et tentait de se concentrer sur les beautés d'un vers de Victor Hugo ou sur l'ironie de Voltaire. J'avais bien remarqué sur son visage certaines traces, un air bouffi que j'avais mis sur le compte du manque de sommeil ou d'une mauvaise digestion. Ce n'est qu'à la fin de l'année que j'ai appris par l'intermédiaire du professeur principal l'aveu qu'il avait fini par lui arracher. Cette jeune fille était régulièrement battue par un père alcoolique qui passait sur elle son exaspération de chômeur.

Oui, les élèves ont parfois du mérite. Il y a une dignité exemplaire de la jeunesse. Là où les adultes se répandent complaisamment sur leurs malheurs, l'adolescent se tait et fait bonne figure. Il protège le parent déficient, se barricade dans le silence et, si on croise parfois un regard lourd de secrets, ce regard reste indéchiffrable. À partir de là, on peut comprendre que pour les professeurs le poids du malheur puisse à l'occasion être écrasant. « nous ne sommes ni des psychologues ni des assistantes sociales », protestent-ils parfois, confrontés à la détresse de leurs élèves. C'est pourquoi il est urgent de renforcer les services sociaux dans les établissements scolaires, les C.P.E. de leur côté étant débordés.
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Sans me connaître, car je tardais bizarrement à être introduite. Nous faisions route ensemble, soir et matin, mais toujours elle me quittait devant la majestueuse porte laquée de son immeuble sans m'inviter à la suivre. Et je la regardais disparaître, avec une mélancolie grandissante tandis que résonnait comme un gong impressionnant la porte refermée sur une voûte invisible.
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L'évaluation des enseignants reste un problème important. Ceux-ci manquent à la fois de stimulation et de retour sur leurs pratiques, de soutien et de possibilité pour se perfectionner.
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Le professeur ne sait pas l'avenir de ce qu'il a semé, l'élève ignore tout de la personne derrière le professeur.
C'est pourquoi évoquer les coulisses du métier, le quotidien d'un enseignant, ses doutes, ses espoirs, son parcours, pourrait peut-être apporter sa modeste contribution à une meilleure compréhension mutuelle.
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 On va très vite en amitié, quand les bienfaits sont réciproques.  (p.86)
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P134
Il arrive un âge où, en dehors des pronostics vitaux, notre capacité d’adaptation est considérable. C'est que l'expérience nous a enseigné la fragilité de tout, la réversibilité de tout, l’inépuisable banalité de cette évidence : « Tout peut arriver à chaque instant ».
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P70
J'avais oublié les escaliers. Ceux que l'habitude fait grimper sans réfléchir ou, plus exactement, tourné « en dedans », vers les préoccupations du moment.
On peut grimper sans voir. La difficulté, c’est de savoir quand ça s'arrête.
Alors, je compte les marches. Sept pour le demi-palier, puis une, puis sept. Et cela, sur cinq étages.
À chaque palier, mon pied glisse vers l’avant, avec précaution, jusqu’à buter sur la nouvelle volée de marches.
Je me souviens dans la vie ordinaire de l'effet produit par l'extinction de la minuterie. On s’immobilise, suspendu, craintif, tâtonnant, désemparé par les distances brouillées par l'obscurité. Et si une main providentielle nous devance, la lumière retrouvée rationalise instantanément l’espace souvent rétréci.
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P69
J'apprends à distinguer à l'oreille une pièce vide d'une pièce occupée : sur la première, plane un silence, sur la seconde un lourd silence.
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P28
Le thé que je bois ensuite ramollit l'angoisse. Elle se réduit peu à peu à une masse nauséeuse, guère plus pesante qu’une mauvaise digestion. Un soulagement, doux comme un influx tiède, ne tarde pas à courir dans mes veines, à défroisser mon esprit.
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P25
L'opération que je subis à l’âge de sept ans pour tenter de redresser mon œil droit, améliora un peu mon acuité visuelle. Cette conquête raffermit mes possibilités sociales sans me débarrasser de mon étiquette.
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P23
Très tôt, j'ai donc entrepris de détourner l'attention de mes congénères de sorte que mes compétences, ou mes facéties, ou mes audaces, passent au premier plan de mon identité. Je devins ainsi très vite la plus enjouée des écolières, la plus insoumise, pratiquant l’insolence et la transgression pour amuser la galerie, me faire aimer d'elle, et surtout estimer.
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P21
Les examens devaient révéler qu'une cataracte congénitale obstruait complètement mon œil droit et que l’autre n'était pas fameux. Conséquence à minima d’une toxoplasmose contractée pendant la grossesse. C'aurait pu être bien pire.
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J’ai six ans, c’est le matin.
La lumière de l’été s’accroche dans le vieux voilage poussiéreux. De grands balais de perles impalpables courent sur le plafond. Même les coins sombres de la grande chambre se réveillent ; la glace du trumeau, au-dessus de la cheminée, reflète la blanche quiétude du jour.
Je n’ai fait qu’entrouvrir les yeux pour prolonger cette précieuse évidence : la nuit est chassée, la nuit est vaincue, le monde est restauré dans sa tendre banalité. C’est un miracle quotidien. Un miracle dont je désespère chaque soir quand l’angoisse me prend au coucher du soleil. Quand la grande maison plonge dans l’obscurité, et qu’elle me donne physiquement l’impression de descendre dans ses fondations comme un navire aspiré dans les profondeurs.
Sous l’édredon, je suis ramassée comme une araignée apeurée, recroquevillée dans un creux de tiédeur. Tout mon corps a fondu et je suis immense, je suis le lit tout entier. Au bout de mes orteils, je vais quêter un peu de fraîcheur sur les côtés. Si mon pied déborde, il va croiser du froid ; je reste à la lisière des draps comme sous la protection d’une main immense, celle d’une mère invisible, inerte et protectrice.
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J'ai baissé mes yeux sur ma cheville à laquelle je ne pensais plus. J'étais et je resterais la boiteuse. Mais le temps où je ne l'étais pas encore se brouillait maintenant dans ma mémoire, tout mêlé à une époque, sur le fond, plus triste que l'actuelle. J'avais aimé, intacte, un garçon incapable de m'aimer. Aujourd'hui j'étais aimée d'un garçon qui m'aimait telle que j'étais.
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