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Citations de Françoise Grard (44)


P134
Il arrive un âge où, en dehors des pronostics vitaux, notre capacité d’adaptation est considérable. C'est que l'expérience nous a enseigné la fragilité de tout, la réversibilité de tout, l’inépuisable banalité de cette évidence : « Tout peut arriver à chaque instant ».
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P70
J'avais oublié les escaliers. Ceux que l'habitude fait grimper sans réfléchir ou, plus exactement, tourné « en dedans », vers les préoccupations du moment.
On peut grimper sans voir. La difficulté, c’est de savoir quand ça s'arrête.
Alors, je compte les marches. Sept pour le demi-palier, puis une, puis sept. Et cela, sur cinq étages.
À chaque palier, mon pied glisse vers l’avant, avec précaution, jusqu’à buter sur la nouvelle volée de marches.
Je me souviens dans la vie ordinaire de l'effet produit par l'extinction de la minuterie. On s’immobilise, suspendu, craintif, tâtonnant, désemparé par les distances brouillées par l'obscurité. Et si une main providentielle nous devance, la lumière retrouvée rationalise instantanément l’espace souvent rétréci.
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P94
J'ai soif de livres. Il me faut des livres.
Je me souviens avoir répété, avec une conviction inépuisable, que le meilleur moment de la journée, c'est
le soir. L'heure du livre, sous la lampe de chevet, le corps relâché sous sa couette, dans le recueillement de la chambre où la pénombre réduit le monde au cône de lumière projeté sur la page.
La fatigue qui dilate la réceptivité du lecteur finit par le faire dériver vers des zones troubles, aux frontières du
rêve, où il flotte au milieu d'images mêlées ; celles suscitées par sa lecture et celles du sommeil dans lequel il finit par plonger.
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P69
J'apprends à distinguer à l'oreille une pièce vide d'une pièce occupée : sur la première, plane un silence, sur la seconde un lourd silence.
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P28
Le thé que je bois ensuite ramollit l'angoisse. Elle se réduit peu à peu à une masse nauséeuse, guère plus pesante qu’une mauvaise digestion. Un soulagement, doux comme un influx tiède, ne tarde pas à courir dans mes veines, à défroisser mon esprit.
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P25
L'opération que je subis à l’âge de sept ans pour tenter de redresser mon œil droit, améliora un peu mon acuité visuelle. Cette conquête raffermit mes possibilités sociales sans me débarrasser de mon étiquette.
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P23
Très tôt, j'ai donc entrepris de détourner l'attention de mes congénères de sorte que mes compétences, ou mes facéties, ou mes audaces, passent au premier plan de mon identité. Je devins ainsi très vite la plus enjouée des écolières, la plus insoumise, pratiquant l’insolence et la transgression pour amuser la galerie, me faire aimer d'elle, et surtout estimer.
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P21
Les examens devaient révéler qu'une cataracte congénitale obstruait complètement mon œil droit et que l’autre n'était pas fameux. Conséquence à minima d’une toxoplasmose contractée pendant la grossesse. C'aurait pu être bien pire.
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"On aimait, on souffrait et puis, un beau jour, on n'aimait plus. On se demandait même comment on avait pu aimer."
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Janine à cette époque est une « pin-up », ou du moins travaille-t-elle à l’être.
En subissant les bigoudis, le coiffeur à domicile, en consacrant un après-midi entier par semaine à « se faire les ongles », appliquer après de longs soins minutieux un vernis couleur abricot de la coûteuse marque Héléna Rubenstein, pas du rouge, surtout pas du rouge, c’est vulgaire, soupire-t-elle. Décidément, la séduction est un travail à plein-temps. Autant qu’un impératif catégorique. D’aucunes en tireraient de voluptueuses satisfactions narcissiques. Pas Janine. Son éducation protestante lui a rendu le corps haïssable. C’est donc une question purement stratégique ; astreignante mais vitale.
Il n’empêche que celle qui, à cet instant, marche vers nous a l’air d’une publicité vivante pour cette belle piscine moderne aux nombreux bassins découpés dans des pelouses soignées. Elle dégage une légère odeur de Piz Buin, l’huile solaire qui graisse encore sa peau et dont le film invisible fait rouler des perles d’eau sur son cou.
Petit troupeau malingre de fillettes entre 6 et 11 ans, instinctivement serrées les unes contre les autres, nous ignorons tout d’elle. Nous ignorons totalement le rôle qu’elle joue auprès de notre père qui nous pousse vers elle, nous ignorons que nous en prenons pour près de 50 ans, nous ignorons qu’elle va poser des fers sur notre enfance et des chaînes sur notre vie entière.
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J’ai six ans, c’est le matin.
La lumière de l’été s’accroche dans le vieux voilage poussiéreux. De grands balais de perles impalpables courent sur le plafond. Même les coins sombres de la grande chambre se réveillent ; la glace du trumeau, au-dessus de la cheminée, reflète la blanche quiétude du jour.
Je n’ai fait qu’entrouvrir les yeux pour prolonger cette précieuse évidence : la nuit est chassée, la nuit est vaincue, le monde est restauré dans sa tendre banalité. C’est un miracle quotidien. Un miracle dont je désespère chaque soir quand l’angoisse me prend au coucher du soleil. Quand la grande maison plonge dans l’obscurité, et qu’elle me donne physiquement l’impression de descendre dans ses fondations comme un navire aspiré dans les profondeurs.
Sous l’édredon, je suis ramassée comme une araignée apeurée, recroquevillée dans un creux de tiédeur. Tout mon corps a fondu et je suis immense, je suis le lit tout entier. Au bout de mes orteils, je vais quêter un peu de fraîcheur sur les côtés. Si mon pied déborde, il va croiser du froid ; je reste à la lisière des draps comme sous la protection d’une main immense, celle d’une mère invisible, inerte et protectrice.
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p.144.
Mais un professeur, par sa trop facile supériorité d'adulte, peut aussi « détruire » un élève. Remarques ironiques, jugements de valeur ou même d'abus ont marqué toutes les mémoires. Un exemple : « Faire des études supérieures, toi ? Tu n'y penses pas, avec ta mère qui est concierge ! » C'est la déclaration encourageante que j'ai entendu adresser à une camarade quand j'étais moi-même élève. Le même professeur, du fait de ma forte myopie, ne s'adressait à moi que par l'appellatif flatteur de « mes pauvres yeux » et m'imposait, malgré mes protestations, des m'asseoir à une table rapprochée du bureau, loin de mes camarades. Une véritable quarantaine qui me donnait le sentiment d'avoir la peste bubonique. Il y a là une lacune éthique dans la formation des enseignements. Qu'il faudrait rappeler plus souvent ?
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p.132.
Le professeur, hanté par la peur du radotage, ne manque pas de se condamner lui-même s'il se surprend à se répéter. Il oublie que ce cours, s'il l'a fait plusieurs fois, reste inédit pour ses élèves et que, par ailleurs, il ne repasse jamais tout à fait par les mêmes chemins pédagogiques.
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p.111.
Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et profèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus d'autorité au-dessus d'eux, alors c'est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie.

Platon.
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p.68.
Pas d'enseignement sans dialogue. Pas de dialogue qui ne vise à accoucher l'élève tantôt de son ignorance, tantôt de sa pensée, parfois de sa vérité. Transmettre, c'est mettre sa marque sur l'objet que l'on veut transmettre : la marque de l'humour, de la gravité ou seulement l'inflexion d'une voix. C'est pourquoi l'enseignement glacé du meilleur programme informatique ne remplacera jamais un enseignement qui part de ce que sait l'élève pour l'emmener plus loin.
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p.46-9.
DÉTRESSE

Combien de fois, après avoir déploré la conduite d'un élève et avoir été après coup informée de sa situation familiale, ne me suis-je pas maudite de mon manque de jugement ?

En regard de ce qu'ils vivent chez eux et malgré leurs insuffisances de conduite ou de travail, certains élèves mériteraient la médaille de la résistance. Car se lever tous les jours pour aller au « bahut » et s'acquitter plus ou moins de son travail en restant vissé sur une chaise pendant de longues heures, quand on manque cruellement de sommeil, que les parents s'entredéchirent ou que la pauvreté menace la décence minimum des conditions de vie, relèvent parfois de l'héroïsme. Encore faut-il noter que les plus malheureux ne sont pas ceux qui se font le plus remarquer.

Un souvenir atroce me poursuit à travers les années. Une source de culpabilité et de compassion que le temps ne tarit pas : celui d'une jeune fille silencieuse, timide mais souriante quand on s'adressait à elle, à laquelle je reprochais régulièrement, sous le mode de la plaisanterie, son air absent, sa passivité somnolente. À mes piques enjouées, elle répondait d'un sourire, se redressait sur sa chaise et tentait de se concentrer sur les beautés d'un vers de Victor Hugo ou sur l'ironie de Voltaire. J'avais bien remarqué sur son visage certaines traces, un air bouffi que j'avais mis sur le compte du manque de sommeil ou d'une mauvaise digestion. Ce n'est qu'à la fin de l'année que j'ai appris par l'intermédiaire du professeur principal l'aveu qu'il avait fini par lui arracher. Cette jeune fille était régulièrement battue par un père alcoolique qui passait sur elle son exaspération de chômeur.

Oui, les élèves ont parfois du mérite. Il y a une dignité exemplaire de la jeunesse. Là où les adultes se répandent complaisamment sur leurs malheurs, l'adolescent se tait et fait bonne figure. Il protège le parent déficient, se barricade dans le silence et, si on croise parfois un regard lourd de secrets, ce regard reste indéchiffrable. À partir de là, on peut comprendre que pour les professeurs le poids du malheur puisse à l'occasion être écrasant. « nous ne sommes ni des psychologues ni des assistantes sociales », protestent-ils parfois, confrontés à la détresse de leurs élèves. C'est pourquoi il est urgent de renforcer les services sociaux dans les établissements scolaires, les C.P.E. de leur côté étant débordés.
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De manière générale, les livres se divisent pour moi en deux catégories : ceux dont je me repais pour mon propre compte en pillant la bibliothèque de mon quartier." Encore toi Romain ! " s'écrie la bibliothécaire ravie en me prenant des mains la pile de romans que je lui rapporte. Ce sont des livres comme des rêves épais dans lesquels je plonge pour oublier ce qui m'entoure.
Et puis les livres prescrits par le collège qu'il faut non seulement lire pour une date précise, mais encore passer au laminoir de la fiche de lecture. Ceux-là, la plupart du temps, sont aussi secs que des croûtons oubliés dans la boîte à pain.
( p 27 )
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J'ai baissé mes yeux sur ma cheville à laquelle je ne pensais plus. J'étais et je resterais la boiteuse. Mais le temps où je ne l'étais pas encore se brouillait maintenant dans ma mémoire, tout mêlé à une époque, sur le fond, plus triste que l'actuelle. J'avais aimé, intacte, un garçon incapable de m'aimer. Aujourd'hui j'étais aimée d'un garçon qui m'aimait telle que j'étais.
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Dans sa main, il tenait l'ouvrage qu'il devait me prêter et ses longs doigts palpaient la couverture, s'introduisaient parmi les pages ou le claquaient sur sa cuisse. Tout en ne perdant pas un mot de ses explications, je suivais le jeu de ses doigts sur le livre, et ce jeu me troublait comme celui de doigts sur un corps ; leur agilité, leur autorité, leur grâce, les détachaient de sa personne pour devenir aussi autonomes qu'un être à part entière auquel j'aurais voulu être livrée moi-même.
(p. 44-45)
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Je ne m'attarderai pas sur les semaines que j'ai passées à mon retour [...] dans une maison de rééducation de la banlieue parisienne.
A vingt ans, j'y ai fait l'apprentissage des futures délices de la maison de retraite. Les pensionnaires de cet établissement, sans avoir pour autant tous les cheveux bancs, y traînaient soit leurs douleurs, soit leur tristesse, parfois même leur agressivité.
J'y ai vécu dans une banlieue non seulement de la capitale, mais aussi de la vie.
(p. 81)
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