L'on sait que l'absence grossit dans la poitrine, fait le cœur énorme et qu'on la porte en plus de son propre poids. Elle est partout, remplit tout...
C'est une expérience de l'extrême que d'attendre et d'espérer un improbable retour.
Qui n'a pas guetté de la sorte derrière une fenêtre, au point d'être changé en statue, ne sait rien de l'absence. Ni de l'attente. Ni de ce temps affreux où l'on finit par retourner à la raison, c'est-à-dire à la réalité.
Personne ne viendra p 128
Nous sommes à une époque d’incessants bavardages, de stériles jacasseries. Dès le jardin d’enfants, la pression est très forte. Un enfant qui parle tôt, au regard des gens et des institutions, est intelligent. Un enfant qui se tait indispose.
Je suis sûre qu’il y a des êtres qui passent leur vie à faire des ronds, d’autres des lignes droites, d’autres des points. Mais dans cette vie il faut bien s’arranger, et l’arrangement pour lequel nous prions le plus c’est sans doute celui qui consiste à regarder vivre et à être regardé, à aimer, à être aimé.
Un voyage en calèche aux portières scellées par des initiales de feu.
Une promenade en traîneau sur une neige brûlante.
Ô l’enchantement des réverbères !
Avant, au commencement de ma vie, je ne savais pas que la joie était un bien si précieux. Je ne savais pas que ce sentiment d’allégresse, mainte fois ressenti depuis l’enfance, c’était la joie. Je l’ai partagé sans jamais m’inquiéter d’en être dépossédée. Rien ne m’abattait. Seules la trahison et la duplicité m’auront mise à genoux.
Mais le corps de Céline, c’est un chêne en marche. Un arbre déchaîné balançant sa chevelure de feu. Elle est la mère, la sœur, l’amante. La figure de proue d’un bateau qui ne peut pas sombrer. Mozart et le blues. Des bras comme des branches pour porter, supporter, emporter. Tenir, soutenir, contenir. Des bras qui ne relâchent pas leur effort. Des bras d’éternité. Des épaules de bûcheronne taillées pour endurer les batailles, les sabres, les chars, les exils, les exodes, la misère, la mauvaise fortune des pauvres gens.
À force de renverser la tête pour scruter le ciel, les yeux vous piquent, on devient saoule de lumière, on s’accroche aux ailes de son enfance et on rit. On rit de cette farce immense.
La vie c'est parfois comme ça, il faut se quitter. Alors, on songe à tous les moments passés ensemble où l'on ne savait pas qu'on était heureux.
Serait-ce aussi cela vieillir : ouvrir une fenêtre sur son enfance et bien au-delà…
Serait-ce cela mourir… ouvrir une fenêtre pour laisser entrer les baisers non reçus… Les amours non vécues… Les années perdues… Les beaux insectes bleus…