Françoise Xenakis par AvenirLF
Une cellule deux escabeaux Elle avança la main pour le toucher Mais dans ses yeux à lui elle vit tant de peur non pas du gardien mais d'elle qu'elle retira sa main et que de sa main droite elle recouvrit sa gauche Vieille habitude Et entrailles déchirées essaya de lui sourire pour le rassurer Et soudain la pluie D'abord les gouttes une à une les gouttes sur les toits des tentes Elle les voit par la lucarne comme des larmes Et le rythme se précipite dense c'est une averse un déluge et aussi brutalement le silence de nouveau Et l'oiseau qui recommence inlassable son appel Et le soleil qui lape les flaques sur les bâches tendues De ses mains il plaque son treillis sur son corps Être dehors sentir cette eau douce sur lui De ses mains elle aussi presse alors ses vêtements secs le long d'elle Elle respire essaie de boire des gouttes qui n'en sont pas
Un long coup au tambour Et tous ces paquets de mots qu'elle avait triés rangés dans l'ordre et qui n'avaient servi à rien La porte s'ouvre Un autre gardien s'avance vers elle Alors elle arrache le gilet qui lui couvrait les bras tandis qu'on la fait reculer Elle se tend et un bref instant son bras reste contre le sien qu'il a tendu lui aussi Elle a senti contre elle ses veines battre sa chaleur puis la pression s'est faite trop forte sur le bras que tirait le gardien et leurs deux bras libres ne se sont plus touchés
J'ai su très tôt qu'il fallait que j'écrive pour extirper de moi la douleur. Tant que je n'y arriverai pas, je serai incapable d'écraser une bonne fois pour toute ce bubon incrusté, qui me distille en goutte-à-goutte la mélancolie gluante qui m'habite depuis toujours et ces goulées de détresse qui m'épuisent.
La vie n'est-elle pas une vallée de larmes qu'il faut boire goutte à goutte?
(...) Nos corps se sont brûlés l'un contre l'autre, ça n'a rien de tragique. Ne transforme pas notre amour en drame. Ris. Essaie toi aussi, j'ai plein de copains : la femme d'un ami c'est un lien de plus, et après tu m'en aimeras que davantage! Comprends-moi, moumoune, - il en rajoutait et s'en voulait et lui donnait alors un de ses plus beaux sourires -, tu vois, ça m'a flatté d'être ton seul homme et maintenant ça m'emmerde. Comment savoir que tu m'aimes plus qu'un autre puisque tu n'as jamais voulu aimer que moi? Je serais bien plus fidèle si tu me trompais, mais ta rigidité de couventine t'en empêche... et nous loupons quelque chose tous les deux. Crois-moi.
Elle avait fini par accepter ses aventures puisqu'il était toujours son ami, son tendre ami et c'était doux de s'endormir parfois, l'un contre l'autre ni affamés, ni assoiffés de l'autre, après qu'il fut revenu, apaisé, d'une de ses aventures qui, il est vrai, semblait ne lui laisser aucune trace.
J'étais donc là quand la mariée est sortie, tout endimanchée - moi, je la trouvais mieux en tenue de cheval -, mais j'ai été pétrifiée d'admiration devant les deux belles-mères. Je les connaissais, je les avais vues avec leur tête de tous les jours, elles avaient chacune le lot de rides et de cernes gonflés que l'on a à cet âge, mais ce jour-là, leurs visages irradiaient de pureté, ils étaient lissés, calmes comme celui de la Vierge sur une icône byzantine.
- Tu sais, le désir, aussi fort soit-il, ne dure pas toujours. Après, après il faudra que je t'admire, que tu existes, que je sois fier de toi autrement et alors je t'aimerai mieux, plus fort, bientôt ce ne sera plus assez que ta peau me bouleverse.
Le fiancé avait été conçu par une nuit de grand froid et forte pluie. Le whiskey ce soir-là devait manquer à la maison et le feu de tourbe être étouffé car, pour se réchauffer, l'homme et la femme O'Connor, transis de froid et d'humidité, avaient pourtant réussi à s'emboîter l'un dans l'autre, découvrant juste l'infime partie du corps nécessaire à chacun, et, glacé, le spermatozoïde avait bien peiné à forcer l'ovule. Sept mois plus tard était arrivé Patrick O'Connor, le seul enfant de ce couple déjà usé, mais il était né chétif et de cette couleur blanc-bleu qui n'annonce rien de bon.
Mary faisait partie des gens qui ne sont attirés et ne respectent que ceux qui les terrorisent. Elle tenait cela de sa mère. Les autres, les gentils, les doux, elle avait une immense propension à les mépriser, à ne pas même les voir.
Tu n'as pas le choix. Tu dois être empereur, et tu le seras. Je ne vis que pour cela.
Lorsqu'elle entendit la gardienne tourner le clé de la porte de sa cellule, elle se sentit envahie, immergée dans un immense et profond calme, et s'entendit dire : "Je suis rentrée à la maison." Et c'est avec plaisir, oui plaisir qu'elle retrouva cette atroce odeur de prison. Au couvent, déjà, l'odeur était la même... l'enfermement le même. Le couvent et la prison : deux intérieurs de ventre immondes. Elle s'y sentait chez elle... Là, il ne pouvait plus rien lui arriver.