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Citations de Frédéric Lordon (159)


Le vêtement sans marque particulière et à petit prix - répondant donc que aux critères extérieurs du « modeste » - ne peut satisfaire que superficiellement les scrupules «éthiques » du consommateur frugal. Peut-être même au contraire : un tel objet à tel prix à toutes les chances d’avoir été produit et distribué dans des conditions qui ont activé les mécanismes les plus sauvages de la mondialisation néolibérale ! C’est un objet qui est manifestement passé par tous les circuits de la délocalisation, qui en a fait jouer les forces concurrentielles les plus brutales, qui a été produit dans des pays de main-d’œuvre surexploitée, précarisée, privée des droits les plus élémentaires… Paradoxe : plus les objets sont « modestes », plus ils suent l’exploitation. Et telle est la mortelle cohérence du néolibéralisme : il précarisé les salariés à outrance et, ce faisant, ne leur laisse plus le choix, pour leur consommation élémentaire, que de s’adresser au pire de la grande distribution discount - celle qui fait les prix les plus bas… Et par la même reconduit tous les mécanismes structurels de la précarisation néolibérale.
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Si le premier sens de la domination consiste en la nécessité pour un agent d'en passer par un autre pour accéder à son objet de désir, alors à l'évidence le rapport salarial est un rapport de domination.
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A quoi suis-je sensible ? Qu'Est-ce qui me fait vibrer, avec quelle intensité et dans quel sens ? L' "ingenium" donne la synthèse actuelle des réponses à la question de savoir ce qui m'affecte et comment. Que me fait l'annonce de la démonstration en théorème de la conjecture de Fermat ? Quelque chose ou rien ? Que me fait l'instauration de l'état d'urgence ? Soulagement sécuritaire ou extrême méfiance ? ...
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"Que direz-vous aux retraités Bavarois si la Grèce ne rembourse pas ?" demande Le parmentier à Picketty qui répond à base de grande conférence sur la dette en Europe. On pourrait répondre aussi que si Slovaques et Allemands avaient une retraite entièrement par répartition, cette question n'aurait même pas lieu d'être.
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Il n'est pas suffisant que la Grèce s'impose une restriction supplémentaire de 1,7 point de PIB,il faut qu'elle la compose comme il faut. Par exemple l'augmentation du taux d'imposition sur les sociétés de 26% à 29%, ainsi que la taxe exceptionnelle de 12% sur les profits supérieurs à 500000 euros ont été refusées par la Troïka au motif qu'elles étaient... de nature à tuer la croissance !- ou quand l'étrangleur déconseille à ses victimes le port du foulard. En revanche la Troïka tient beaucoup à ce qu'on en finisse avec la petite allocation de solidarité servie sur les retraites les plus pauvres - le décile inférieur à perdu jusqu'à 86% de revenu disponible de 2008 à 2012... c'est donc qu'il lui en reste 14 bons pourcents : du gras!
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Il n'est pas suffisant que la Grèce s'impose une restriction supplémentaire de 1,7 point de PIB,il faut qu'elle la compose comme il faut. Par exemple l'augmentation du taux d'imposition sur les sociétés de 26% à 29%, ainsi que la taxe exceptionnelle de 12% sur les profits supérieurs à 500000 euros ont été refusées par la Troïka au motif qu'elles étaient... de nature à tuer la croissance !- ou quand l'étrangleur déconseille à ses victimes le port du foulard. En revanche la Troïka tient beaucoup à ce qu'on en finisse avec la petite allocation de solidarité servie sur les retraites les plus pauvres - le décile inférieur à perdu jusqu'à 86% de revenu disponible de 2008 à 2012... c'est donc qu'il lui en reste 14 bons pourcents : du gras!
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La sortie des rapports sociaux du capitalisme ne nous fait pas sortir de la servitude passionnelle. Elle ne nous libère pas par elle-même de la violence désordonnée du désir et des efforts de puissance. Et c'est peut-être en ce point précis que le réalisme spinozien des passions est le plus utile à l'utopie marxienne : pour la dégriser. L'extinction du politique par la dissolution définitive des classes et de leur conflit, le dépassement de tous les antagonismes par le triomphe du prolétariat, cette non-classe défaite de tout intérêt de classe, sont des fantasmagories post-politiques, peut-être l'erreur anthropologique la plus profonde de Marx, celle qui consiste à rêver une éradication définitive de la violence quand il n'est pas d'autre horizon que d'en rechercher les mises en forme les moins destructrices.

Spinoza fait remarquer que si les hommes étaient des Sages, c'est-à-dire tous conduits par la raison, ils n'auraient besoin ni de lois ni d'institutions politiques. Mais précisément, sages, ils ne le sont pas... C'est pourquoi ils n'ont d'autre choix que de compter avec les mouvements passionnels du conatus qui, de soi, « n'exclut ni les conflits, ni les haines, ni la colère, ni les ruses, ni absolument rien de ce que l'appétit conseille ». Pas plus la récommune que le dépassement du capitalisme ne nous affranchissent de cette part de violence et ne nous dispensent d'en réinventer les régulations institutionnelles.

C'est pourquoi, si l'on décide de lui donner le sens de l'émancipation radicale, force est alors de reconnaître que le communisme est une longue patience, un effort continu, et peut-être seulement, pour parler encore une fois comme Kant, une idée régulatrice. (pp. 199-200)
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Faire la révolution, c'est secouer le joug : il faut avoir voulu briser ses chaînes, et ce vouloir-là ne peut qu'être un magnifique moment de la « liberté ». Sous ce rapport, les discours d'exaltation du soulèvement anticapitaliste, qui en appellent à l'émancipation comprise comme affranchissement des servitudes de l'ordre social, et potentiellement comme affranchissement de tout, discours de rupture, c'est-à-dire de réaffirmation de la souveraine autonomie des sujets qui commandent à nouveau librement à leurs vies, ces discours méconnaissent la solidarité intellectuelle profonde qui les unit à la pensée libérale qu'ils croient combattre et dont ils sont une expression à peine moins prototypique que les apologies de l'entrepreneur, libre lui aussi, maître de sa réussite, parfois même engagé dans la lutte contre des bastilles des monopoles qui veulent enclore les marchés, les restrictions à la concurrence qui brident l'audace), bref affairé également à « changer le monde » - mais à sa manière.

Les « innovateurs » de toutes sortes, révolutionnaires de l'ordre social ou de l'ordre industriel, n'ont rien de plus fort en partage que leur détestation commune de la pensée du déterminisme, offense faite à leur liberté vécue en dernière analyse comme l'unique pouvoir de transformation du monde - seul différant la nature des transformations que visent ces sujets par ailleurs également libéraux.

Il suffit de voir le mouvement de répulsion que provoque immanquablement et presque universellement l'idée que nous pourrions ne pas être les êtres libres que nous croyons être, dont la formule la plus pure et la plus révulsée de dégoût a peut-être été donnée par Schelling pour qui être conditionné est ce par quoi « quoi que ce soit devient une chose », se trouve ravalé au rang de chose, il suffit donc d'observer ce mouvement de répulsion pour mesurer la profondeur d'enracinement d'un schème de pensée partagé par des agents qui croient différer politiquement en tout alors qu'ils ne diffèrent philosophiquement en rien (en tout cas en rien de fondamental). (pp. 173-174)
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Il entre dans les causes de la longévité du capitalisme d'avoir su enrichir le complexe passionnel du rapport salarial, et notamment d'y avoir fait entrer d'autres occasions de joie, plus franches.

La plus évidemment connue tient au développement de la consommation. De tous les facteurs de reconduction des rapports de dépendance salariale, l'aliénation marchande en ses affects caractéristiques est sans doute l'un des plus puissants. Quoique par cantonnement dans un registre très étroit, la prolifération des objets marchands offre au désir une démultiplication sans limite de ses points d'application. Et il faut atteindre le stade de la consommation de masse pour que l'énoncé spinoziste selon lequel «on n'imagine plus guère aucune espèce de joie qui ne soit accompagnée de l'idée de l'argent comme cause » reçoive sa pleine dimension. L'habileté suprême du capitalisme, dont l'époque fordienne sous ce rapport aura été décisive, aura donc consisté à susciter, par l'offre élargie de marchandise et la solvabilisation de la demande, ce réagencement de désir par lequel désormais « l'image [de l'argent] occupe entièrement l'esprit du vulgaire »

Puissance inouïe de fixation du désir, la marchandise porte à un plus haut niveau la dépendance salariale mais en l'accompagnant désormais des affects joyeux de l'acquisition monétaire. Aussi son déploiement à une échelle sans précédent compte-t-il parmi les grandes «réussites» du capitalisme dont la force conative pour ainsi dire se démontre à sa capacité d'engendrer lui-même ses propres conditions de persévérance. (pp. 49-50)
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Il est vrai cependant que, de tous les désirs dont il fait sa gamme, le capitalisme commence par l'argent (...) la dépendance intégrale à la division marchande du travail est sa condition de possibilité. Marx et Polanyi, entre autres, ont abondamment montré comment se sont constituées les conditions de la prolétarisation, notamment par la fermeture des communs (enclosures), ne laissant d'autres possibilités, après avoir organisé le plus complet dénuement des hommes, que la vente de la force de travail sans qualité.
(...)
L'hétéronomie matérielle, à savoir l'incapacité de pourvoir par soi-même aux réquisits de sa reproduction comme force de travail (et tout simplement comme vie) et la nécessité d'en passer par la division du travail marchande rendent l'accès à l'argent impératif, et font de l'argent l'objet de désir cardinal, celui qui conditionne tous les autres ou presque. « L'argent est devenu le condensé de tous les biens », écrit Spinoza dans l'un des rares passages où il évoque la chose économique, « c'est pourquoi d'habitude son image occupe entièrement l'esprit du vulgaire puisqu'on n'imagine plus guère aucune espèce de joie qui ne soit accompagnée de l'idée de l'argent comme cause ».

Qu'on n'aille pas croire que Spinoza, par le tranchant de sa formule, s'exclue du lot commun : avant de faire sa philosophie, il lui fallait polir des lentilles. Citoyen des Provinces Unies au sommet de leur puissance économique, il est bien placé pour savoir quelles mutations dans le régime des désirs et des affects collectifs induisent l'approfondissement de la division du travail et l'organisation de la reproduction matérielle sur une base marchande : l'argent, en tant que médiation quasi-exclusive des stratégies matérielles, « condensé de tous les biens », est devenu l'objet de métadésir, c'est-à-dire le point de passage obligé de tous les autres désirs (marchands).
(...)
La dépendance à l'objet de désir « argent » est le roc de l'enrôlement salarial, l'arrière-pensée de tous les contrats de travail, le fond de menace connu aussi bien de l'employé que de l'employeur. (pp. 24-30)
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Frédéric Lordon
Nous n’avons aucun projet d’unanimité démocratique. Nous avons même celui de contrarier sérieusement une ou deux personnes. Alors oui, du moment où les chefs éditocrates s’apercevront que nous ne voulons pas aller dans l’impasse où ils nous dirigent, leur bienveillance apparente pourrait connaître quelques altérations. Ils nous diront sectaires, comme ils disent sectaires ceux qui refusent d’aller dans leur secte. Car s’il y a bien une secte malfaisante en France depuis 30 ans, c’est la leur : la secte de l’oligarchie néolibérale intégrée. Alors il faut s’y préparer et ne pas redouter ce moment. Ce sera peut-être même un assez bon signe : le signe que nous commençons vraiment à les embêter. Car je pose la question : a-t-on jamais vu mouvement sérieux de contestation de l’ordre social célébré d’un bout à l’autre par les médias organiques de l’ordre social ? Et pour terminer là-dessus, je voudrais dire à ceux qui peuvent être fascinés par le mirage de l’unanimité démocratique, que d’après leur propre projet même : refaire le monde, c’est prendre le risque de déplaire à ceux qui ne veulent pas du tout que le monde soit refait. Et qui ont même de très puissants intérêts à ce qu’il demeure identique.
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La mise en mouvement des corps salariés « au service de » tire son énergie de la fixation du désir-conatus sur l’objet argent dont les structures capitalistes ont établi les employeurs comme seuls pourvoyeurs.
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L’argent est le nom du désir qui prend naissance sous [le rapport social de la monnaie].
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Poussée à son dernier degré, l’hétéronomie matérielle, à savoir l’incapacité de pourvoir par soi-même aux réquisits de sa reproduction comme force de travail (et tout simplement comme vie) et la nécessité d’en passer par la division du travail marchande rendent l’accès à l’argent impératif, et font de l’argent l’objet de désir cardinal, celui qui conditionne tous les autres ou presque.
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Le rapport salarial n’est possible qu’en faisant de la médiation de l’argent le point de passage obligé, le point de passage exclusif du désir basal de la reproduction matérielle.
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La généralité du désir accueille […] toute la variété des intérêts, depuis l’intérêt le plus ouvertement économique, expression historiquement construite de l’intérêt tel qu’il se réfléchit sous l’espèce du compte en unités monétaires, en passant par toutes les formes stratégisées et plus ou moins avouées à soi-même de l’intérêt, et jusqu’aux formes les moins économiques, voire les plus anti-économiques, de l’intérêt moral, symbolique ou psychique.
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Exister c’est désirer, et par conséquent s’activer –s’activer à la poursuite de ses objets de désir.
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Se sentir mobilisé ou vaguement réticent, ou encore révolté, engager sa force de travail avec enthousiasme ou à contrecœur, ce sont autant de manières d’être affecté comme salarié, c’est-à-dire d’être déterminé à entrer dans la réalisation d’un projet (d’un désir) qui n’est pas d’abord le sien.
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Les cadres sont le prototype même du salariat content que le capitalisme voudrait faire advenir – sans égard pour la contradiction manifeste qui le conduit par ailleurs, dans sa configuration néolibérale, à aussi régresser vers les formes les plus brutales de la coercition. L’idée de domination ne peut pas ne pas en être affectée et, maintenue sous des formes trop simples, elle est déconcertée au spectacle des dominés heureux.
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La vie sociale n’est que l’autre nom de la vie passionnelle collective.
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