Premier roman de Gaëlle Josse, et déjà une petite pépite, “Les heures silencieuses” nous dépeint en 89 pages quelques fragments de vie d’une femme de la bourgeoisie hollandaise du XVIIe siècle.
Ayant déjà lu, entre autres, la biographie romancée de Vivian Maier “Une femme en contre jour”, j’ai retrouvé toute la finesse et le rafinement de cette plume que j’avais déjà tant appréciée.
Gaëlle Josse nous conte l’intimité d’une femme. Dans cet ouvrage, elle donne la parole à la femme qu’on voit de dos dans le tableau “Intérieur avec une femme jouant de l’épinette” d’Emmanuel de Witte, peintre hollandais du XVIIᵉ siècle.
Le personnage de Magdalena van Beyeren semble sorti de son cadre pour se confier au lecteur. Elle exprime sur le papier mais avec beaucoup de pudeur des sentiments intimes, des événements de sa vie de couple, des pensées enfouies au plus profond d’elle-même. Elle raconte aussi un événement tragique survenu alors qu’elle était adolescente et dont elle porte encore le poids de la culpabilité.
Elle nous y confie donc ses joies, ses peines, ses questionnements d’épouse, de mère n’hésitant pas à se montrer très honnête et très franche quant aux personnalités de ses différents enfants toujours de ce monde. Elle évoque aussi la perte de quatre de quatre de ses enfants, avec beaucoup de sensibilité et un certain fatalisme, qui je suppose était de mise à l’époque devant l’importance de la mortalité infantile.
Magdalena sans le dire à aucun moment, exprime à demi-mot sa renonciation à avoir un rôle dans les affaires de son père et dans celles de son mari. Elle qui fut pendant quelques temps le fils que son père n’a pas eu, a renoncé en se mariant à exister pour elle-même et par elle-même. Elle est aujourd’hui une mère et une épouse qui se doit de poser de dos pour mettre en valeur son époux, qui ne doit pas prendre trop de place.
Subtilement, au travers de la plume de Gaëlle Josse, on sent que Magdalena ne nous dit que ce qui est nécessaire, gardant pour elle avec la retenue propre à cette époque certains faits que l’on devine pour autant, qu’on lit à travers les lignes.
L’’auteure nous brosse ainsi la condition des femmes de la bourgeoisie néerlandaise du XVIIe siècle.
Je me suis demandé au cours de ma lecture quel âge pouvait avoir cette femme qui se raconte ainsi. Une femme sans âge en quelque sorte, comme si elle ne pas exister tout à fait, à l’instar de sa volonté d’apparaître de dos dans le tableau sans que l’on puisse voir son visage. Elle ne citera pas son âge mais on peut estimer par déduction au regard de l’âge où elle s’est mariée et l’âge de ses enfants, que Magdalena est une femme d’âge mur pour l’époque soit une petite quarantaine tout au plus.
Chose intrigante par ailleurs, les écrits de Magdalena s’étalent du 12 novembre au 16 décembre 1667, soit quelques jours seulement de son existence. Cela dénote-t-il un besoin de se confier à cet instant, de jeter sur le papier une bonne fois pour toutes des pensées qui la rongent ?
“Les heures silencieuses” dépeignent très bien cette ambiance de clair obscur, de lumière du nord, un certain calme qui règne dans la maisonnée. C’est comme si Magdalena était descendue de son cadre, nous avait pris par la main pour nous entraîner dans son intérieur.
Oh, combien j’apprécie la plume de Gaëlle Josse, je l’ai dit et je le redis et vous la recommande si vous n’avez jamais eu l’occasion de découvrir cette auteure.
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