Citations de Gavin`s Clemente-Ruiz (118)
Nous sommes tous des bouquets. Tous. Quelques fleurs fanent, on les retire, on en ajouté de nouvelles, plus fraîches, on détache quelques pétales abîmés, mais le bouquet reste un bouquet.
Dans ce bistrot qui avait été le témoin des comédies de nos vies, j'étais scotché à mon siège, écrasé par la force centrifuge de l'instant, sans aucune idée du destin qui allait se jouer.
Le reflet de ma mélancolie s'émousse comme l'écume qui me chatouille les pieds.
J'adore quand ils font les cons, beaucoup moins quand ils le sont tout court.
C'est lorsqu'on doute que tout foire en général.
Je risquais ma peau, ma vie, mon job. Jérôme, pourtant, avait raison. Qu'est-ce que c'était au regard de notre amitié, de nos liens tissés hier et aujourd'hui ? Rien. Une goutte d'eau. Un événement insignifiant. J'étais prêt à tout casser pour rester fidèle à notre pacte.
Les planètes du Système solaire ne tournent pas sur elles-mêmes à la même vitesse. Il faut 59 jours (en temps « terrestre ») à Mercure pour exécuter une parfaite rotation, mais 243 à Vénus, et 10 h et 14 min à Saturne. Pour tourner autour du Soleil, il faut 365,36 jours à la Terre, contre 88 jours à Mercure et 165 ans à Neptune ! On ne fêterait pas souvent son anniversaire sur cette dernière planète…
Nous allons au même endroit, autant rendre le chemin heureux.
Elle n’avait pas changé. Toujours aussi blonde, toujours aussi belle. En temps normal,
j’aurais eu une envie de fourrer ma bouche entre ses seins. Mais là, rien. Libido
zéro. Elle l’a remarqué. Face à mon accoutrement, elle a éclaté de rire.
Ça faisait aussi partie des consignes. Faire comme si.
Ne rien changer. J’ai rien dit, obtempéré et répondu aux ordres. Même si je n’en menais
pas large. Et, au lieu d’aller à Vincennes pour notre footing, j’ai filé droit à la
Salpêtrière. J’ai cherché le pavillon de cardio.
Les jours heureux ne s’oublient pas. C’est le
meilleur moyen de vivre son deuil. Le mien en tout cas. Je ne veux plus jamais être
triste.
Faire quelque chose
de mes dix doigts, être utile, être utile, être utile. Jérôme n’était pas du genre
à se laisser aller non plus. J’aimerais croire qu’il a un peu hérité de moi. Mais
je n’ai pas eu besoin de lui montrer grand-chose. Il a toujours été un chouette gamin.
Un père aimant.
– Et mon cordon-rose aussi ? Parce que je déteste les cordons-bleus, hein, Mamie.
C’est pour les garçons. Et je déteste le bleu, et je déteste les garçons aussi.
Je me suis mise à parler sans m’arrêter, que je ferai les
petits plats préférés de tout le monde, que je cuisinerai toute la journée, comme
avant, et qu’il était important qu’on se retrouve. Je vidais mon cœur d’un chagrin trop lourd pour lui.
Je crois aux fantômes. Je crois aux êtres qui
continuent de nous habiter après leur disparition. Le jour où les garçons ont visité
ma nouvelle maison, le ciel était gris, la pluie tombait à verse, mais à peine a- t-on
mis un pied dehors qu’une éclaircie nous a souri, du Vieux-Bassin jusqu’ici. Seul
un nuage blanc tout potelé épousait chacun de nos pas. C’est pas un signe, ça ? Étienne était là. Il nous regardait. Il nous protégeait, à sa façon. J’en suis sûre.
Le divin voyage des nuages.
Ce qu’il
est beau. Il était beau. Je n’arrive pas à parler au passé. Je ne peux pas. À partir de quand meurt-on
vraiment dans la tête des gens ? Au décès ? À l’église, au cimetière ? Quand on retrouve
des affaires oubliées dans les poches, dans des livres qui nous rappellent les moments
passés ensemble ?
Évidemment, je n’ai pas de femme, encore moins d’enfant. Je n’en ai jamais eu envie.
Jamais pu adhérer à ce schéma sclérosé de la famille. Pourtant, on ne peut pas dire
que j’ai souffert durant mon enfance. Des parents aimants. Un frère, une sœur. Des
vacances d’été à la mer, à la montagne en hiver, avec une belle maison à Vincennes,
un appartement à La Baule. Pas de traumatisme hérité.
Il ne voulait pas qu’on s’apitoie. « C’est
dans l’adversité que se révèlent les amis », nous avait dit notre prof de français
en citant Cicéron. « Le premier qui pleure, je lui mets ma main dans la gueule », avait corrigé Jérôme. Le message
était passé.
Sa vie nous fascinait.
On bavait d’envie. Parfois avec jalousie. Sur les photos qu’il voulait bien nous montrer, il portait des pantalons d’équitation moulants. Visiblement, le
collant, c’était déjà son truc, et la Normandie, notre eldorado à tous.
Il y a deux types de personnes sur terre. Les gagnants et les perdants.
Les leaders et les suiveurs. Je pense objectivement faire partie de la seconde catégorie.
Jérôme, lui, est sans hésitation un winner. Rien ne semble l’atteindre. Il est hermétique à la douleur et au malheur. Il ne
doute jamais. Il domine. Un physique, une dégaine. Un charisme inné.