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Citations de Georges Perec (858)


Une encre noire
  
  
  
  
Une encre noire
décide de ce code encore mince
Mémoire indemne du monde
Un rocher, un menhir, un dock
Chimie endormie d’un derrick énorme
Indien Cherokee, orchidée de Chine

Une commode de cèdre,
Une odeur de cire, d’écorce, de cumin
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L’une des particularités de mon nom a longtemps été d’être unique : dans ma famille personne d’autre ne s’appelait Perec.
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Je ne retrouverai jamais, dans mon ressassement même, que l’ultime reflet d’une parole absente à l’écriture, le scandale de leur silence et de mon silence : je n’écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n’écris pas pour dire que je n’ai rien à dire. J’écris : j’écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j’ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps ; j’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture : leur souvenir est mort à l’écriture ; l’écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie.
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Une fois de plus, les pièges de l’écriture se mirent en place. Une fois de plus, je fus comme un enfant qui joue à cache-cache et qui ne sait pas ce qu’il craint ou désire le plus : rester caché, être découvert.
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C’est le vingt-trois juin mille neuf cent soixante-quinze et il va être huit heures du soir. Assis devant son puzzle, Bartlebooth vient de mourir. Sur le drap de la table, quelque part dans le ciel crépusculaire du quatre cent trente-neuvième puzzle, le trou noir de la seule pièce non encore posée dessine la silhouette presque parfaite d’un X. Mais la pièce que le mort tient entre ses doigts a la forme, depuis longtemps prévisible dans son ironie même, d’un W.

FIN DE LA SIXIÈME ET DERNIÈRE PARTIE
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Je cherche en même temps l’éternel et l’éphémère

CHAPITRE XCIX
Bartlebooth, 5
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Très vite, dès lors, la décision de Beyssandre fut prise : ce serait ces œuvres mêmes que leur auteur souhaitait faire absolument disparaître qui constitueraient le joyau le plus précieux de la collection la plus rare du monde.

CHAPITRE LXXXVII
Bartlebooth, 4
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Plusieurs fois, il rêva de s’enfuir avec elle, ou loin d’elle, mais ils restèrent comme ils étaient, proches et lointains, dans la tendresse et le désespoir d’une amitié infranchissable.

CHAPITRE LIII
Winckler, 3
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Il serait lui-même dans le tableau, à la manière de ces peintres de la Renaissance qui se réservaient toujours une place minuscule au milieu de la foule des vassaux, des soldats, des évêques ou des marchands ; non pas une place centrale, non pas une place privilégiée et significative à une intersection choisie, le long d’un axe particulier, selon telle ou telle perspective éclairante, dans le prolongement de tel regard lourd de sens à partir duquel toute une réinterprétation du tableau pourrait se construire, mais une place apparemment inoffensive, comme si cela avait été fait comme ça, en passant, un peu par hasard, parce que l’idée en serait venue sans savoir pourquoi, comme si l’on ne désirait pas trop que cela se remarque, comme si ce ne devait être qu’une signature pour initiés, quelque chose comme une marque dont le commanditaire du tableau aurait tout juste toléré que le peintre signât son œuvre, quelque chose qui ne devrait être connu que de quelques-uns et aussitôt oublié : à peine le peintre mort, cela deviendrait une anecdote qui se transmettrait de génération en génération, d’ateliers en ateliers, une légende à laquelle personne ne croirait plus, jusqu’à ce que, un jour, on en redécouvre la preuve, grâce à des recoupements de fortune, ou en comparant le tableau avec des esquisses préparatoires retrouvées dans les greniers d’un musée, ou même d’une manière tout à fait fortuite, comme lorsque, lisant un livre, on tombe sur des phrases que l’on a déjà lues ailleurs : et peut-être alors se rendrait-on compte de ce qu’il y avait toujours eu d’un peu particulier dans ce petit personnage, pas seulement un soin plus grand apporté aux détails du visage, mais une plus grande neutralité, ou une certaine manière de pencher imperceptiblement la tête, quelque chose qui ressemblerait à de la compréhension, à une certaine douceur, à une joie peut-être teintée de nostalgie.

Il serait lui-même dans son tableau, dans sa chambre, presque tout en haut à droite, comme une petite araignée attentive tissant sa toile scintillante, debout, à côté de son tableau, sa palette à la main, avec sa longue blouse grise toute tachée de peinture et son écharpe violette.

Il serait debout à côté de son tableau presque achevé, et il serait précisément en train de se peindre lui-même, esquissant du bout de son pinceau la silhouette minuscule d’un peintre en longue blouse grise avec une écharpe violette, sa palette à la main, en train de peindre la figurine infime d’un peintre en train de peindre, encore une fois une de ces images en abyme qu’il aurait voulu continuer à l’infini comme si le pouvoir de ses yeux et de sa main ne connaissait plus de limites.
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Au départ, l’art du puzzle semble un art bref, un art mince, tout entier contenu dans un maigre enseignement de la Gestalttheorie : l’objet visé — qu’il s’agisse d’un acte perceptif, d’un apprentissage, d’un système physiologique ou, dans le cas qui nous occupe, d’un puzzle de bois — n’est pas une somme d’éléments qu’il faudrait d’abord isoler et analyser, mais un ensemble, c’est-à-dire une forme, une structure : l’élément ne préexiste pas à l’ensemble, il n’est ni plus immédiat ni plus ancien, ce ne sont pas les éléments qui déterminent l’ensemble, mais l’ensemble qui détermine les éléments : la connaissance du tout et de ses lois, de l’ensemble et de sa structure, ne saurait être déduite de la connaissance séparée des parties qui le composent : cela veut dire qu’on peut regarder une pièce d’un puzzle pendant trois jours et croire tout savoir de sa configuration et de sa couleur sans avoir le moins du monde avancé : seule compte la possibilité de relier cette pièce à d’autres pièces et, en ce sens, il y a quelque chose de commun entre l’art du puzzle et l’art du go ; seules les pièces rassemblées prendront un caractère lisible, prendront un sens : considérée isolément, une pièce d’un puzzle ne veut rien dire ; elle est seulement question impossible, défi opaque ; mais à peine a-t-on réussi, au terme de plusieurs minutes d’essais et d’erreurs, ou en une demi-seconde prodigieusement inspirée, à la connecter à l’une de ses voisines, que la pièce disparaît, cesse d’exister en tant que pièce : l’intense difficulté qui a précédé ce rapprochement, et que le mot puzzle — énigme — désigne si bien en anglais, non seulement n’a plus de raison d’être, mais semble n’en avoir jamais eu, tant elle est devenue évidence : les deux pièces miraculeusement réunies n’en font plus qu’une, à son tour source d’erreur, d’hésitation, de désarroi et d’attente.

Le rôle du faiseur de puzzle est difficile à définir. Dans la plupart des cas — pour tous les puzzles en carton en particulier — les puzzles sont fabriqués à la machine et leur découpage n’obéit à aucune nécessité : une presse coupante réglée selon un dessin immuable tranche les plaques de carton d’une façon toujours identique ; le véritable amateur rejette ces puzzles, pas seulement parce qu’ils sont en carton au lieu d’être en bois, ni parce qu’un modèle est reproduit sur la boîte d’emballage, mais parce que ce mode de découpage supprime la spécificité même du puzzle ; il importe peu en l’occurrence, contrairement à une idée fortement ancrée dans l’esprit du public, que l’image de départ soit réputée facile (une scène de genre à la manière de Vermeer par exemple, ou une photographie en couleurs d’un château autrichien) ou difficile (un Jackson Pollock, un Pissarro ou — paradoxe misérable — un puzzle blanc) : ce n’est pas le sujet du tableau ni la technique du peintre qui fait la difficulté du puzzle, mais la subtilité de la découpe, et une découpe aléatoire produira nécessairement une difficulté aléatoire, oscillant entre une facilité extrême pour les bords, les détails, les taches de lumière, les objets bien cernés, les traits, les transitions, et une difficulté fastidieuse pour le reste : le ciel sans nuages, le sable, la prairie, les labours, les zones d’ombre, etc.
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Ainsi s’organisa concrètement un programme que l’on peut énoncer succinctement ainsi :

Pendant dix ans, de 1925 à 1935, Bartlebooth s’initierait à l’art de l’aquarelle.

Pendant vingt ans, de 1935 à 1955, il parcourrait le monde, peignant, à raison d’une aquarelle tous les quinze jours, cinq cents marines de même format (65 x 50, ou raisin) représentant des ports de mer. Chaque fois qu’une de ces marines serait achevée, elle serait envoyée à un artisan spécialisé (Gaspard Winckler) qui la collerait sur une mince plaque de bois et la découperait en un puzzle de sept cent cinquante pièces.

Pendant vingt ans, de 1955 à 1975, Bartlebooth, revenu en France, reconstituerait, dans l’ordre, les puzzles ainsi préparés, à raison, de nouveau, d’un puzzle tous les quinze jours. À mesure que les puzzles seraient réassemblés, les marines seraient « retexturées » de manière à ce qu’on puisse les décoller de leur support, transportées à l’endroit même où — vingt ans auparavant — elles avaient été peintes, et plongées dans une solution détersive d’où ne ressortirait qu’une feuille de papier Whatman, intacte et vierge.

Aucune trace, ainsi, ne resterait de cette opération qui aurait, pendant cinquante ans, entièrement mobilisé son auteur.
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Bartlebooth, en d’autres termes, décida un jour que sa vie tout entière serait organisée autour d’un projet unique dont la nécessité arbitraire n’aurait d’autre fin qu’elle-même.
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Pendant presque cinq ans, Appenzzell s’obstina à les poursuivre. À peine avait-il réussi à retrouver leurs traces qu’ils s’enfuyaient à nouveau, s’enfonçant dans des régions de plus en plus inhabitables pour reconstruire des villages de plus en plus précaires. Pendant longtemps Appenzzell s’interrogea sur la fonction de ces comportements migratoires. Les Kubus n’étaient pas nomades et ne pratiquant pas de cultures sur brûlis, ils n’avaient aucune raison de se déplacer si souvent ; ce n’était pas davantage pour des questions de chasse ou de cueillette. S’agissait-il d’un rite religieux, d’une épreuve d’initiation, d’un comportement magique lié à la naissance ou à la mort ? Rien ne permettait d’affirmer quoi que ce soit de ce genre ; les rites kubus, s’ils existaient, étaient d’une discrétion impénétrable et rien, apparemment, ne reliait entre eux ces départs qui, à chaque fois, semblaient pour Appenzzell tout à fait imprévisibles.

La vérité cependant, l’évidente et cruelle vérité, se fit enfin jour. Elle se trouve admirablement résumée dans la fin de la lettre qu’Appenzzell envoya de Rangoon à sa mère environ cinq mois après son départ :

« Quelque irritants que soient les déboires auxquels s’expose celui qui se voue corps et âme à la profession d’ethnographe afin de prendre par ce moyen une vue concrète de la nature profonde de l’Homme — soit, en d’autres termes, une vue du minimum social qui définit la condition humaine à travers ce que les cultures diverses peuvent présenter d’hétéroclite — et bien qu’il ne puisse aspirer à rien de plus que mettre au jour des vérités relatives (l’atteinte d’une vérité dernière étant un espoir illusoire), la pire des difficultés que j’ai dû affronter n’était pas du tout de cet ordre : j’avais voulu aller jusqu’à l’extrême pointe de la sauvagerie ; n’étais-je pas comblé, chez ces gracieux Indigènes que nul n’avait vus avant moi, que personne, peut-être, ne verrait plus après ? Au terme d’une exaltante recherche, je tenais mes sauvages, et je ne demandais qu’à être l’un d’eux, à partager leurs jours, leurs peines, leurs rites ! Hélas, eux ne voulaient pas de moi, eux n’étaient pas prêts du tout à m’enseigner leurs coutumes et leurs croyances ! Ils n’avaient que faire des présents que je déposais à côté d’eux, que faire de l’aide que je croyais pouvoir leur apporter ! C’était à cause de moi qu’ils abandonnaient leurs villages et c’était seulement pour me décourager moi, pour me persuader qu’il était inutile que je m’acharne, qu’ils choisissaient des terrains chaque fois plus hostiles, s’imposant des conditions de vie de plus en plus terribles pour bien me montrer qu’ils préféraient affronter les tigres et les volcans, les marécages, les brouillards suffocants, les éléphants, les araignées mortelles, plutôt que les hommes ! Je crois connaître assez la souffrance physique. Mais c’est le pire de tout, de sentir son âme mourir… »
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Maintenant, dans le petit salon, il reste ce qui reste quand il ne reste rien.

CHAPITRE VIII
Winckler, 1
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Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d’une manière un peu lourde et lente, dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne, où les gens se croisent presque sans se voir, où la vie de l’immeuble se répercute, lointaine et régulière.

CHAPITRE I
Dans l’escalier, 1
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Plus généralement : la portion de la ville dans laquelle on se déplace facilement à pied ou, pour dire la même chose sous la forme d’une lapalissade, la partie de la ville dans laquelle on n’a pas besoin de se rendre, puisque précisément on y est.

Le quartier
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Il leur ferait comprendre que s’il y avait quelqu’un de zinzin dans le régiment, c’était bien lui, et que les crises de maspéroclastie bavotante du capitaine Dumouriez, c’était de la bibine à côté de ce qu’il avait.
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Déménager

Quitter un appartement. Vider les lieux. Décamper. Faire place nette.
Débarrasser le plancher.
Inventorier ranger classer trier
Éliminer jeter fourguer
Casser
Brûler
Descendre desceller déclouer décoller dévisser décrocher
Débrancher détacher couper tirer démonter plier couper
Rouler
Empaqueter emballer sangler nouer empiler rassembler entasser ficeler envelopper protéger recouvrir entourer serrer
Enlever porter soulever
Balayer
Fermer
Partir
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Longtemps je me suis couché par écrit
Parcel Mroust

On utilise généralement la page dans le sens de sa plus grande dimension. Il en va de même pour le lit. Le lit (ou, si l’on préfère, la page) est un espace rectangulaire, plus long que large, dans lequel, ou sur lequel, on se couche communément dans le sens de la longueur.
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Vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner.
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