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Citations de Gérald Bronner (349)


Cette guerre des origines, dès lors qu’elle se mue en narration idéologique, donne de l’énergie à tous les penseurs qui tentent de comprendre le monde en confondant les catégories de l’être et du devoir être. Seul le corporatisme disciplinaire - d’où qu’il vienne - peut nous laisser perdre de vue l’évidence : le social et le biologique s’entrelacent pour faire de nous ce que nous sommes. Le récit de nos origines est donc extraordinairement complexe, s’enracinant dans le biologique tout autant que dans nos expériences sociales.
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D'une certaine façon, nos mythologies contemporaines, celles qui se déploient dans les romans ou les séries télé, ont fait une telle place au schéma explicatif selon lequel la personnalité d'un héros ou d'un ennemi est déterminée par quelques traumatismes initiaux - et souvent lovés dans l'histoire familiale - qu'il nous est devenu aussi naturel que l'air que nous respirons. Il est difficile de trouver une fiction contemporaine où les tourments des personnages ne sont pas renvoyés en dernière instance aux traumas de l'enfance. Et parmi eux, les parents ou leurs manquements occupent une place de premier choix. On peut dire qu'il s'agit du primum mobile dominant la mythogénèse contemporaine.
Ce n'est pas que les parents soient toujours innocents des reproches qu'on leur adresse, mais est-on bien certain qu'ils méritent le rôle de matrice explicative de toutes choses ?
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« C'est bon, maman, je l'ai ! »

Je ne crois pas que nous nous sautons dans les bras : nous ne faisons pas ces choses-là, nous autres. (…) Je suis le premier de la famille, toute ligne confondue, à avoir le baccalauréat. Idem pour le brevet des collèges, quelques années avant. (…) Ma mère a pensé que, pour célébrer cela, on pouvait faire une mini-folie : aller s'acheter deux gâteaux dans une pâtisserie. (…) Maman me propose de prendre deux de ces gâteaux en vitrine qu'elle voit souvent lorsqu'elle part travailler tôt le matin. C'est le nom qui la fait rêver. Je la comprends. Je dis « oui » et elle achète deux « coups de soleil », voilà comment il s'appelle ce gâteau. Et comme notre cerveau ne nous trompe pas toujours, il ne me fera jamais oublier le nom de cette pâtisserie : coup de soleil. Nous l'avons mangée dans la rue, sans rien nous dire car le bonheur n'est pas bavard.

Un grand soleil.
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Je crois que le genre de regards qui se portent sur nous lorsque nous sommes enfants (ce que l'on dit de nous, ce que l'on affirme concernant notre destin) nous marque assez profondément. Cela inscrit en nous des premières certitudes. Je ne dis pas qu'elles sont inébranlables, je pense plutôt qu'elles donnent une forme d'élan. Une condition non suffisante mais peut-être assez nécessaire. Je suis entré dans le monde avec des regards d'adultes qui me croyaient capable de réussir dans la vie.
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C'est cet écart entre ce que nous croyons pouvoir désirer et ce qui est véritablement accessible qui définit l'espace de la frustration collective : c'est une matière sociale explosive.
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La reproduction des inégalités est une plaie pour les sociétés démocratiques. D'abord, parce qu'elle constitue une injustice en elle-même. Ensuite, parce que ces sociétés démocratiques font au final des promesses - par le récit politique même qui les soutient - qu'elles ne peuvent pas tenir. Enfin, parce qu'elles sont parfois acceptées avec un sentiment qui, pour réaliste qu'il puisse être, peut aussi se transmuer en fatalisme délétère.
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Il me semble que les transclasses offrent un terrain d'observation qui permet d'affiner les analyses usuelles de la façon, par exemple, dont se construit l'estime de soi, le rapport à la conflictualité, le rapport même à la créativité, c'est-à-dire le fait de pouvoir contester un ordre mental établi, que ce soit dans l'art ou dans la science... (…) La créativité me paraît un point assez aveugle de cette question. La chose est difficile à mesurer mais il me semble qu'elle présuppose un esprit frondeur, une forme de défiance qui est facilitée par le regard ironique de celui ou celle qui a traversé plusieurs mondes sociaux.
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La théorie du complot aide (…) à cicatriser les blessures identitaires.
Ce n'est sans doute pas la cause unique de la vitalité du conspirationnisme contemporain, mais ce sentiment d'absence de contrôle et de dépossession est bien une source de développement de ce mode de penser. Ce sentiment n'est, d'ailleurs, pas déraisonnable en lui-même. Il s'alimente à diverses observations triviales : la division du travail qui, par la spécialisation qu'elle implique, nous rend directement dépendants des autres, la mondialisation des échanges qui fragilise les décisions locales ou encore le développement de la technologie qui fait de notre environnement un univers de plus en plus opaque (…) Le paradoxe est intéressant : collectivement nous maîtrisons de plus en plus les incertitudes, mais individuellement, de moins en moins.
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(…) exclure de la réalité de la réussite toute notion de mérite est aussi absurde que de tout lui attribuer. Ce que l'on nomme la « réussite » est - comme souvent les objets sociaux - multifactoriel. Si les capitaux économique et culturel sont des prédicteurs statistiques de la réussite, ils ne sont cependant ni nécessaires ni suffisants. C'est une des caractéristiques de l'idéologie de vouloir assujettir le monde à une variable qui lui convient. (…) L'idéologie repère souvent une facette bien réelle d'un polyèdre et renonce à faire voir sa complexité.
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(…) le principe de la méritocratie est encore applaudi par les opinions publiques démocratiques. Quel intérêt y aurait-il à démolir ce mythe républicain fondateur si ce n'est lui substituer un fatalisme tout aussi fictionnel mais plus instrumentalisable politiquement ? Les conséquences de ce fatalisme me paraissent - même au regard des valeurs que prétendent défendre ceux qui le portent - effrayantes. Non seulement il propose une assignation à résidence sociale mais il décourage à peu près toute forme d'efforts, et notamment scolaires, étant entendu que, pour nébuleuses que soient les chances de réussite, elles ne peuvent puiser leur source que là. Il faut veiller à ce que l'inégalité des chances ne se transforme pas - ce qui serait une double peine - en inégalité des espoirs.
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De la même façon qu'une concentration excessive des capitaux économiques alimente la colère sociale, celle des capitaux symboliques n'est pas moins irritante. Et que dire d'une situation où les mêmes personnes accumulent les deux ? Cette réalité, repérée un peu partout dans le monde, mérite qu'on s'interroge sur un redéploiement moins vertical et moins monomaniaque de la reconnaissance sociale. Il s'agirait alors moins d'abattre la notion de mérite que de reconnaître qu'elle ne peut pas être légitimement revendiquée que par ceux qui sont forts en mathématiques, par exemple. Ce n'est pas l'angélisme politique mais la raison qui nous fait voir qu'une société a besoin de talents multiples, et dans d'innombrables domaines, pour bien fonctionner.
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(…) lorsque la préférence pour les explications fondées sur la socialisation est d'inspiration morale, c'est parce qu'elle parie sur le fait que le monde devient plus malléable dès lors que vous le considérez comme l'expression d'une construction sociale. En augmentant l'empire du contingent, elle accroît la possibilité d'une action qui améliore le monde. Ces modèles intellectuels impriment au réel toute la docilité politique désirée. Pour le dire autrement, plus vous concentrerez vos efforts pour tenter de montrer que tel élément de notre vie, y compris biologique, n'est rien d'autre qu'une construction sociale, plus vous tendrez les frontières du domaine de l'action politique. Toutes les utopies sont alors possibles, il suffit de le décider.
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Seul le corporatisme disciplinaire - d'où qu'il vienne - peut nous faire perdre de vue l'évidence: le social et le biologique s'entrelacent pour faire de nous ce que nous sommes. En réalité, nous sommes des êtres hybrides. Le récit de nos origines est donc extraordinairement complexe. S'enracinant dans le biologique tout autant que dans nos expériences sociales, on comprend qu'il puisse occuper toute une vie de méditation et être sans cesse recommencé.
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(…) les origines comme matière à penser sont d'une infinie complexité. C'est cette complexité qui en fait un objet idéal pour le discours politique, voire idéologique. Tant de fils narratifs peuvent être tirés de cet entrelacement qu'un esprit motivé trouvera toujours celui qui convient au discours qu'il veut imposer au monde.
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L'éducation ne peut faire disparaître la suggestion trompeuse de nos sens, mais elle peut aiguiser un réflexe de méfiance.
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Mais ce n'est pas la direction qu'empruntent nos sociétés lorsque, un peu partout, elles appellent de leurs vœux la généralisation de dispositifs de démocratie participative qui auront pour effet, dans certains cas, d'amplifier l'expression de la démagogie cognitive.
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(Démagogie cognitive et populisme) La tentation de complaire à l'opinion publique plutôt que de servir l'intérêt général est alors grande.
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La concurrence sert le vrai, trop de concurrence le dessert.
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Les mécanismes qui conduisent à rendre une information erronée plus visible qu'une autre sont multifactoriels, mais ils relèvent toujours d'une alliance entre des erreurs de raisonnement et des attentes crédules, voire idéologiques.
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Le marché cognitif est devenu une sorte d'auberge espagnole : on y trouve ce qu'on y apporte.
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