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Citations de Gérald Bronner (349)


Le désire d'exemplarité me crispe. Les cathédrales de logique morale ne me tentent plus, je préfère ma petite maison. De là, je vois le monde à travers une lucarne.
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Quand tu as bu à l'eau de la fontaine sacrée, tu penses au début que ce instant durera toujours:tu te trompes. Il te faut bientôt y retourner et de plus en plus souvent. Plus tu bois, plus tu as soif. Dieu est une drogue dure.
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Lorsqu’on ne donne pas les conditions sociales de l'épanouissement intellectuel à un individu en raison de son sexe, de son origine sociale ou ethnique, on accepte de jouer au casino morbide de la privation de talent pour le bien commun.
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Nous sommes des êtres qui souffrent et tentent de se frayer un chemin dans l'arborescence du réel, une petite route tranquille où la vie serait bonne.
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C'était comme si je pressentais, non pas que quelque chose allait arriver mais que justement rien n'allait venir.
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Les souvenirs sont des balises qui indiquent la densité de la présence de l'autre.
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Une des formes typique d'entrée dans le fanatisme, bien repérée par les spécialistes du genre, est l'impression qu'a l'extrémiste de pénétrer dans le temple de la pureté le lavant ainsi de tous les péchés et les humiliations qui précèdent la renaissance, en particulier lorsqu'il s'était adonné à la petite délinquance, les violences et incivilités de toutes sortes.
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La croyance est cette machinerie extraordinaire qui transforme le désir en prémonition, puis cette prémonition en savoir. Il ne restait plus au réel qu'à se soumettre...
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[Michael Young et la méritocratie]

Tenter un catalogue des reproches nombreux qui ont été adressés à la notion de méritocratie ces dernières décennies dépasserait mes compétences et userait la patience du lecteur. Je ferai donc appel à l’une des plus fascinantes de ces critiques : celle de Michael Young. Ce sociologue, très lié au Parti travailliste britannique, est particulièrement légitime pour évoquer ce sujet, non seulement parce qu’il est justement l’inventeur du terme de « méritocratie », mais encore parce qu’il fut dans son pays, l’un des promoteurs du renouvellement des élites par la reconnaissance du mérite plutôt que de l’hérédité. Pourtant, Michael Young publia, dès 1958, un récit à la tonalité dystopique où il imaginait une Angleterre en 2033 plus divisée encore que celle du XXe siècle. L’Angleterre du XXIe siècle décrite par le sociologue a, par la méritocratie, réinstauré de nouvelles classes dirigeantes qui sont encore plus arrogantes que celles du passé. Leur suffisance vient du sentiment qu’elles doivent leur position sociale à elles seules, une combinaison de dispositions naturelles – mesurées dès le plus jeune âge dans cette société – et de leurs efforts. Cette constatation les rend moins capables que toutes les autres élites les ayant précédées d’une forme de mansuétude sociale. Dans cette société dystopique, le mérite constitue l’ultime et inconditionnelle justification des inégalités sociales. La colère gronde et la violence politique revient sur le devant de la scène au sein d’une Angleterre qui pensait pourtant avoir adopté le plus légitime des systèmes. Avec l’assassinat du président des syndicats et un attentat à la bombe contre le ministère de l’Éducation, le climat social vire à l’émeute. Par ce récit, le sociologue suggère que si l’hérédité sociale, comme principe de hiérarchie, suscite la révolte, le principe des dispositions combinées à l’effort pourrait la susciter tout autant. La réussite sociale qui en résulte n’est, en effet, pas fondée sur l’ensemble des dispositions en général, mais seulement sur les compétences scolaires et donc une certaine forme d’intelligence en particulier. Ceci, associé à l’arrogance de ceux qui ne doutent pas du bien-fondé de leurs privilèges, provoque mécaniquement le ressentiment. Ce ressentiment est d’autant plus compréhensible, dans cette société du futur, que ce pur système d’égalité des chances reproduit en réalité une partie des inégalités héritées, comme l’a bien pressenti l’auteur de cette dystopie. Les parents qui ont été sélectionnés par le système pour leur intelligence mesurée ont tendance à se reproduire entre eux et enfanter des individus aux aptitudes plus élevées que la moyenne et favorisés par leur éducation initiale.
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[sa conclusion sur les déterminismes]

Cette guerre des origines, dès lors qu’elle se mue en narration idéologique, donne de l’énergie à tous les penseurs qui tentent de comprendre le monde en confondant les catégories de l’être et du devoir être. Seul le corporatisme disciplinaire – d’où qu’il vienne – peut nous faire perdre de vue l’évidence : le social et le biologique s’entrelacent pour faire de nous ce que nous sommes. En réalité, nous sommes des êtres hybrides. Le récit de nos origines est donc extraordinairement complexe. S’enracinant dans le biologique tout autant que dans nos expériences sociales, on comprend qu’il puisse occuper toute une vie de médiation et être sans cesse recommencé.
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[sur les déterminismes à la Bourdieu]

On dit souvent qu’une première expérience est marquante. Il est bien vrai que l’on se souvient plus facilement de son premier baiser que de son trentième, ou de sa première ivresse – à condition de ne pas l’avoir poussée trop loin – que de celles qui suivront.

Pour mettre en exergue cette tendance de l’esprit humain à donner tant d’importance à une information qu’il rencontre pour la première fois, Solomon Asch présenta à deux groupes d’individus distincts la description, en une phrase, d’une même personnalité, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts. Dans un cas, les défauts étaient présentés en premier et, dans l’autre, en dernier.

Description présentée au premier groupe : Steve est intelligent, travailleur, sanguin, critique, têtu et envieux.

Description présentée au deuxième groupe : Steve est envieux, têtu, critique, sanguin, travailleur et intelligent.

Le psychologue constata que, dans le premier cas, les sujets de l’expérience avaient une opinion de Steve supérieure à celle que se faisaient les individus confrontés à la seconde description. L’ordre dans lequel étaient placés les adjectifs avait donc une influence sur la représentation que les sujets de l’expérience se faisaient de Steve. La première impression avait bien quelque chose de fondateur. On pourrait multiplier les exemples de ce phénomène. Ainsi, dans un tout autre registre, on a pu montrer que cet effet est très fort concernant les informations et notamment les fausses informations que l’on nomme des « infox ». Lorsqu’un individu est confronté à une première narration d’un phénomène, il demeure une impression favorable dans son esprit quand bien même il lui a été démontré qu’elle était fausse. On peut donc conjecturer raisonnablement que les premières propositions cognitives que nous rencontrerons lors de notre socialisation auront des chances d’ancrer en nous des formes de représentations du monde auxquelles nous nous mettrons à tenir dès lors que nous les aurons endossées. Partant de ce point, l’idée selon laquelle nos premières expériences, celles qui s’enracinent dans nos origines, ont quelque chose de fondateur est une spéculation raisonnable.

L’un des auteurs qui a poussé assez loin cette idée que nos premières expériences – celles que nous rencontrons dans notre socialisation primaire – forgent durablement nos représentations du monde est le sociologue français Pierre Bourdieu. Rappeler qu’il considérait l’individu comme un sujet hétéronome n’est pas trahir sa pensée. Selon lui, et cette seule phrase résume assez bien les intentions de sa sociologie, il y a un « rapport de complicité ontologique entre les structures mentales et les structures objectives de l’espace social ». Qu’entendait-il par là ? Cette complicité est la conséquence du processus de socialisation qui implémente en nous des dispositions, affirmait-il. En d’autres termes, notre éducation et les premières expériences que nous rencontrons dans le monde social que nous fréquentons ont quelque chose de séminal. Bourdieu l’écrit encore autrement en expliquant : « Ces dispositions communes et la doxa partagée qu’elles fondent sont le produit d’une socialisation identique ou semblable conduisant à l’incorporation généralisée des structures du marché des biens symboliques sous la forme de structures cognitives accordées avec les structures objectives du marché. » De cette institution du social dans le corps, résulte l’existence d’habitus qui « engage […] des schémas pratiques issus de l’incorporation – à travers le processus historique de socialisation, l’ontogenèse – de structures sociales elles-mêmes issues du travail historique des générations successives, la phylogenèse ».

Cette conception de l’habitus, pour métaphorique qu’elle paraisse, est plutôt compatible avec les propositions des chercheurs en neurosciences qui ont souvent insisté sur les processus d’implémentation par expérience relevant en partie de ce que l’on nomme la « socialisation ». L’idée serait que l’apprentissage – que Bourdieu définit, en se référant justement à L’Homme neuronal écrit par un spécialiste de l’étude du cerveau humain, Jean-Pierre Changeux, comme la « transformation sélective et durable des corps qui s’opère par renforcement ou affaiblissement des connexions synaptiques » – implémenterait en nous des structures neuronales enfouies dans une sorte d’inconscient cognitif hors d’atteinte de la volonté des sujets et qui seraient les déterminants réels de leurs actions, décisions, goûts, croyances, postures, etc. En somme, selon le sociologue français, l’esprit humain serait gouverné par des mécanismes causals aveugles qui ressembleraient à des « ressorts ».
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[Bourdieu et le « tout se passe comme si »]

Cette intentionnalité trop voyante, il l’a souvent dissimulée par l’usage de l’expression « tout se passe comme si » : une façon de concéder que le modèle explicatif que l’on utilise est insatisfaisant, mais qu’il faut accepter tout de même les conclusions auxquelles il permet d’aboutir. Bourdieu reconnaît, dans le premier volume de Sociologie générale, avoir beaucoup usé de cette expression. On compte dix-sept occurrences de l’expression « tout se passe comme si » dans ce même livre comme lorsqu’il écrit : « On peut dire que tout se passe comme si les positions avaient choisi les individus les mieux disposés à les occuper… » Ainsi que le fait remarquer justement la sociologue Nathalie Heinich dans son Bêtisier du sociologue : « La petite cheville rhétorique du “tout se passe comme si”, c’est la valise à double fond qui permet de faire passer en douane l’hypothèse intentionnaliste. »
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[ Finalisme et darwinisme ]

D’ailleurs, j’ai eu l’occasion de travailler sur la perception vulgaire du darwinisme avec les mêmes outils (Bronner, 2007), ce qui ne m’éloignait pas de la logique ordinaire, mais avec un sujet qu’aurait pu coopter une certaine sociologie des sciences. Une énigme était soumise à 60 sujets volontaires tous titulaires du baccalauréat (donc ayant tous rencontré dans leur parcours la théorie darwinienne) : « À l’état sauvage, certains éléphanteaux sont porteurs d’un gène qui prévient la formation des défenses. Les scientifiques ont constaté récemment que de plus en plus d’éléphanteaux naissaient porteurs de ce gène. Comment expliquez-vous cette situation ? »


On recueillait alors les différentes hypothèses imaginées par les individus pour résoudre cette énigme. L’une des hypothèses était celle du finalisme, qui pouvait se décliner selon deux modes : 1 / les éléphanteaux naissent sans défenses parce que ces défenses ne leur servent plus à rien ; 2 / les éléphanteaux naissent sans défenses parce que les chasseurs les tuent pour leur ivoire, c’est donc une ruse de la nature pour les préserver. Une autre hypothèse affirmait qu’obscurément l’environnement ou leur alimentation avait altéré le code génétique des éléphants qui avaient fini par perdre leurs défenses. La troisième hypothèse envisagée était darwinienne : les éléphants porteurs de ce gène sont moins chassés que les autres et ont donc des probabilités de chances de se reproduire plus grandes que les autres, raison pour laquelle leur génotype se répand. Une quatrième solution était encore proposée, celle du « gène dominant » qui peu à peu se diffusait dans la population. Enfin, cinquième solution proposée, certains interviewés imaginaient que cette situation était la conséquence d’une intervention humaine.
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[L’erreur cognitive - sunk cost fallacy]

Prenons un exemple. Arkes et Blumer (1985) ont donné une illustration expérimentale de ce que l’on appelle la sunk cost fallacy  en demandant à des étudiants d’imaginer la situation suivante : vous avez réservé deux week-ends de ski, le premier, pour 100 $, dans le Michigan et le second pour 50 $ dans le Wisconsin. Or, le week-end dans le Wisconsin, malgré son moindre coût, vous séduit davantage que celui dans le Michigan. Hélas ! vous vous apercevez trop tard que vous les avez l’un et l’autre retenus pour la même date. Étant admis que vous n’avez plus aucune possibilité d’annulation, et qu’il vous faut donc choisir entre le week-end dans le Wisconsin (que vous avez payé 50 $)et celui dans le Michigan (qui vous a coûté 100 $), quelle destination élirez-vous ?

Cédant à la sunk cost fallacy, c’est-à-dire à la poursuite obstinée d’une ligne de conduite qui représente un investissement en argent, temps ou énergie, la majorité des étudiants choisissent le plus coûteux des deux voyages, et décident donc d’aller skier dans le Michigan, nonobstant leur préférence pour la neige du Wisconsin. Je ne discuterai pas dans cette section les commentaires de psychologues, mais ils tirent généralement de cette expérience la conclusion qu’elle fournit une preuve supplémentaire de ce que l’homme est mécaniquement irrationnel. Puisque l’argent dépensé pour acheter le week-end le moins séduisant n’est pas récupérable, et que la dépense totale sera toujours de 150 $, n’est-il pas en effet rationnel d’opter pour le week-end le plus attrayant ?
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On voit que la matrice qui préside aux ambitions des enfants des classes populaires est complexe. Elle peut êt libératoire -ce qui fut mon cas- lorsque la modestie des origines fait applaudir le moindre des succès scolaires comme un exploit. Elle peut être intimidante comme pour Martine Sonnet qui, se sentant investie des ambitions familiales, n'a pas visé trop haut de peur de décevoir.
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Il se trouve que mon père, lorsque j'étais à peine sorti de mon corps grassouillet de bébé, m'a dit un jour: "Toi, tu iras loin." Impossible de me souvenir de ce que j'avais pu dire ou faire pour mériter une telle prophétie. Pourtant, le souvenir de cette phrase, ce n'est pas rien. Est-ce qu'elle venait confirmer quelque chose que je savais? Est-ce qu'au contraire elle a créé de toutes pièces l'ambition qui m'a toujours fait regarder le futur avec gourmandise?
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Ce n’est pas que le passé ne compte pour rien dans notre personnalité. Il serait absurde de l’affirmer. C’est plutôt qu’il nous sert aussi souvent à nous exonérer de beaucoup de nos responsabilités. Ce schéma narratif favorise ce que les psychologues ont nommé le biais d’autocomplaisance, c’est-à-dire la tendance de notre esprit à attribuer nos succès à nos qualités et nos défaites à la malveillance des autres.
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Si l’on y songe un instant, certains rêves peuvent être aussi des pièges. Notamment lorsque les jeunes esprits ambitionnent au-delà du raisonnable et délaissent, pour cette raison, le dur labeur scolaire qui représente objectivement la meilleure chance de réussite.
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Apprendre à lire, à écrire et à compter devrait s'accompagner de la mission d'apprendre aussi à penser sa propre pensée et de donner à chacun l'opportunité de ne pas céder trop systématiquement au vorace cognitif avec lequel nous cohabitons. Le bras de fer est d'autant plus difficile à gagner que nous avons vitalement besoin de cette partie de nous-même qui pourrait nous conduire à l'autodestruction.
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L'usage de la pensée analytique, de l'esprit critique et de ce que nous appelons en général notre rationalité nécessite une voie mentale plus lente, plus énergivore et donc plus douloureuse, qui ne peut pas toujours concurrencer avec succès les plaisirs cognitifs instantanés.
Comme toutes les sagesses proverbiales nous l'ont appris partout dans le monde : être capable de différer un plaisir est la clé même de la réussite de toute entreprise.
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