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EAN : 9782746755338
192 pages
Autrement (25/01/2023)
4.02/5   24 notes
Résumé :
"Longtemps, je n'ai pas su de quel milieu je venais. Pendant ma prime enfance, même, j'ai pensé que je venais d'un milieu social aisé. À un moment, j'ai compris : ma famille et moi, nous étions pauvres."

Les origines : voilà un "grand mot" pour répondre à la question de nos identités et de nos devenirs. Sommes-nous la somme des déterminations biologiques et sociales dont nous avons hérité ? Si, en revanche, l'identité se construit au fil de la vie, q... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
La question que pose Gérald Bronner, dans son livre Les Origines, me paraît à la fois captivante, réductrice et mal posée. En effet, le sous-titre indique : « Pourquoi devient-on qui l'on est ? »

Captivante, indubitablement, elle l'est, car, chaque fois que l'on se prend à renrouler la destinée de tel(le) ou tel(le), parmi les personnages célèbres, on s'aperçoit qu'un nombre étonnant d'entre eux sont « déviants » par rapport à ce que la logique eût pu leur prédire.

Réductrice, elle l'est également, car, si l'on se borne aux personnes célèbres et/ou à celles qui ont « réussi » à déjouer les attentes normales du destin, on oublie nécessairement dans l'échantillonnage tous ceux qui ne dévient pas de la trajectoire « attendue » et qui sont très nombreux.

Mal posée, car si je dis « pourquoi », cela sous-entend qu'il y a une causalité, un faisceau d'événements conduisant logiquement d'un point A à un point B, une sorte de chemin balisé : si j'ai tel et tel et tel ingrédients dans ma compote, j'obtiendrais tel et tel et tel résultats.

Même dans l'expression plus que courante et fourre-tout « chercher le pourquoi du comment », la question du « Pourquoi ? » n'est jamais dissociée de celle du « Comment ? » : prenons un exemple. Si je pose la question : Pourquoi des émigrants cherchent-ils à rejoindre le Royaume-Uni ?, j'obtiendrais certes des réponses multiples mais toutes relativement convergentes. J'ai bien mon point A et mon point B, je suis contente.

Cependant, si par malheur j'essaie de compléter ma question avec un : « Comment rejoignent-ils le Royaume-Uni ? », là je risque fort d'être confrontée à une multiplicité de cas difficilement réductibles. Un continuum immense va se dessiner entre ceux qui auraient voulu et qui ont renoncé dès leur position de départ, ceux qui ont entamé le processus mais se sont fait arrêter d'une façon ou d'une autre (la mort pouvant être une de ces façons), ceux qui ont réussi à émigrer, mais sans pour autant atteindre le Royaume-Uni, et enfin, ceux, qui, après maintes et maintes péripéties, ont finalement bouclé la boucle.

Eh bien, c'est un peu ça que j'ai ressenti à la lecture du livre de Gérald Bronner. Cette volonté de synthèse me semble mal appropriée à la question même. Relevant moi-même du sous-groupe des transclasses auquel l'auteur s'intéresse, je ne me suis pas toujours, voire pas souvent, reconnue dans son analyse. C'est un exercice difficile, j'en conviens, que de vouloir embrasser cette question, et l'ouvrage est loin d'être inintéressant selon moi, d'où mon appréciation globalement positive.

Dans son prologue, tout d'abord, l'auteur examine, en général, la question des origines, et notamment au travers des mythes fondateurs de telle ou telle population humaine, actuels ou passés. Ensuite, Gérald Bronner commence par envisager la question du « dolorisme », c'est-à-dire, le fait que l'expérience de changer de classe sociale puisse être vécu comme une forme de douleur, de déchirure. Il se positionne là-dessus. Selon lui, il y aurait comme une espèce de tendance, voire de mauvaise foi du transclasse et une volonté d'accentuer le caractère éprouvant de cette migration, justement pour se mieux faire accepter ou reconnaître dans sa classe de destination. (Je simplifie à gros traits, bien entendu.)

Puis il souligne, dans la partie suivante, l'importance du regard et des attentes qui ont été portés sur l'enfant ou l'adolescent, transclasse en devenir, sur les quelques moments ou remarques clés qui l'ont infléchi, au moins dans sa propre tête, selon que l'on a cru ou non en lui, selon qu'on l'a encouragé ou dissuadé.

Après vient un chapitre où l'auteur argumente le fait qu'on se ment tous, volontairement ou involontairement, on se raconte, bref, que notre perception est tout sauf objectivité, qu'elle n'est autre que fiction. On surinterprète, on surestime l'importance de telle ou telle chose, on est bienveillant avec soi-même (si je réussis, c'est dû à mon talent, si j'échoue, c'est la faute à pas de chance), etc.

Dans la section suivante, l'auteur s'en prend un peu (gentiment) à Pierre Bourdieu — un analyste de la reproduction sociale, de la lutte des classes, d'un système qui engendre de l'inertie sociale — pour montrer qu'il n'y a pas, selon lui, de complot généralisé fomenté par les puissants pour empêcher les représentants des classes populaires de s'élever, que s'il subsiste des inégalités sur la ligne de départ — ce qu'il reconnaît volontiers —, la méritocratie reste tout de même un système opérant pour atteindre une classe sociale supérieure à celle de ses parents.

Les deux dernières parties traitent, pour l'une, du rôle respectif de l'inné et de l'acquis dans la réalisation de la personne, pour l'autre du rôle des pairs, c'est-à-dire des personnes rencontrées pendant le parcours, dans l'édification de soi-même. Enfin, l'épilogue nous laisse un peu sur notre faim en concluant que, vu la multitude des influences qui concourent à faire ce que l'on est, il est difficile de privilégier plus les unes que les autres.

Bon, bon, bon… Après avoir remercié vivement l'éditeur Autrement et Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre de Masse Critique, il me faut peut-être tout de même m'interroger un brin sur ce que dit l'auteur.

Si je comprends bien, ne remettons pas en cause un système qui, s'il est imparfait, permet tout de même à un pourcentage substantiel de personnes d'accéder à ce qu'elles désirent… Mmouais… Pas convaincue, et d'autant moins aujourd'hui qu'à l'époque où l'auteur s'est élevé socialement via l'école (il est né en 1969). le sociologue nous livre sa propre expérience de transclasse, à savoir, celle d'être né dans une famille pauvre et d'avoir grandi parmi des personnes, elles aussi, situées plutôt au bas qu'au haut de l'échelle sociale.

Pas de problème de couleur ou de sexe, pas de problème d'acclimatation à la ville, pas même au plus bas rang parmi l'environnement humain dans lequel il a grandi. Je précise, car ceci peut aussi expliquer cela du relatif « confort » dans lequel il a dû batailler. Il ne cesse de nous dire qu'il se sentait « différent », mais je pointe le fait qu'il n'était pas « étrange » ni « étranger ».

L'auteur prétend qu'il a réalisé assez tard qu'il était pauvre. Personnellement, ce n'est pas mon cas : j'ai grandi dans un trou paumé à la campagne, et même dans mon trou paumé, parmi des gamins qui n'étaient pas beaucoup plus que des culs-terreux, on a pourtant vite fait de me faire comprendre que je n'étais pas riche. Ce fut fortement renforcé au collège, lequel collège n'était pourtant, lui aussi, qu'un collège de culs-terreux. Idem lorsque j'ai migré à la sous-préfecture pour le lycée ou à la préfecture pour la fac, car, j'étais toujours dans ce qui se faisait de plus bas dans la catégorie. de même, lorsque j'ai changé de fac, j'étais issue de ce qui se faisait de moins prestigieux à chaque fois.

Je me souviens, au lycée, dans notre livre de biologie, sur le chapitre dédié à la génétique, il y avait la photo d'un jeune Africain albinos entouré de ses camarades « normaux ». Il n'avait pas l'air franchement heureux d'être si « étrange »…

J'ai souvent pensé depuis à la chanson des Doors : « People are strange, When you ‘re a stranger, Faces look ugly, When you ‘re alone, Women seem wicked, When you ‘re unwanted, Streets are uneven, When you ‘re down, etc., etc… »

Eh bien, au risque de contredire Gérald Bronner, pour ma part, je me suis souvent sentie comme cet enfant d'Afrique, étrange parmi les miens, étrange parmi les autres, jamais à ma place, jamais en paix ni au repos, justement du fait de cette étrangeté.

Je me souviens encore, pendant mes études d'éthologie, je ne sais plus exactement qui, peut-être Konrad Lorenz — je n'affirmerais pas, je ne me souviens plus exactement —, avait une formule de ce type : dans la réalisation d'un être humain, l'inné compte à 100 % et l'acquis compte à 100 %. C'est exactement ce que je pense aussi.

Plus exactement, notre destinée est une suite ininterrompue de hasards et de nécessités, comme l'aurait formulé Jacques Monod. D'après moi, le premier des hasards est justement la génétique : parmi la foule de gènes que possèdent nos parents, l'échantillonnage qui nous échoit fait de nous quelqu'un de tout à fait conforme, globalement conforme, moyennement conforme, faiblement conforme ou pas du tout conforme aux personnes du milieu duquel on vient, à commencer par nos parents (et à supposer qu'ils soient conformes l'un à l'autre, ce qui est loin d'être certain). Et ça, l'on n'y peut absolument rien.

Le deuxième hasard concerne la nature de la non-conformité en question, si non-conformité il y a. En ce qui me concerne, je crois que le hasard m'a pourvue d'un phénoménal appétit de compréhension : dès l'enfance, j'adorais comprendre. Je me rends compte que plein de gens — voire la majorité —, se fichent éperdument de comprendre telle ou telle chose, tel ou tel lien entre des choses apparemment disjointes. Moi, pas, c'est même carrément une passion. Je dirais même plus, cette passion est presque pathologique, de l'ordre du TOC : je ne dors pas si je n'ai pas compris le phénomène, ou la portion de phénomène, sur lequel je me questionne.

On devine aisément que cette passion — que je n'ai pas choisie, qui ressort donc du pur hasard, d'une pure potentialité génétique — a, en retour, des conséquences, qui elles ressortent de la nécessité, sachant que la passion de comprendre est donnée. Mais qu'en aurait-il été si ma « non-conformité » par rapport à mon milieu d'origine avait été d'une nature toute différente ? Par exemple, si j'avais adoré les cactus à la folie ou élever des serpents ou collectionner les jupes ?

Ensuite, dire que le rôle des parents — qui relève de la nécessité — est fondateur est une lapalissade : Mozart aurait-il été Mozart si son père n'avait pas été musicien auprès des Grands d'Autriche ? Julie Depardieu ferait-elle du cinéma si elle ne s'appelait pas Depardieu ? Joakim Noah aurait-il été sportif de haut niveau si… enfin bon, bref, vous voyez ce que je veux dire.

Ceci dit, nul ne peut dire DANS QUEL SENS ni EN PARTANT D'OÙ il est fondateur. On a tendance à remarquer ce rôle fondateur lorsque le trait principal du parent se retrouve chez son descendant. Mais si je vous disais que mon penchant pour la lecture me provient de mon père, qui est sûrement parmi les moins lecteurs qu'on puisse imaginer, qu'en penseriez-vous ?

Il y a une phase sensible de l'enfance — autour de 7 ans — pendant laquelle plein de choses s'impriment, sans qu'on en ait nécessairement conscience quand on est parent. Quand j'avais autour de 7 ans, donc, mon père, très temporairement et très brièvement, s'est abonné à une revue de sport automobile, dont le titre avait le mérite d'être explicite : Sport auto. (J'ai déjà abordé ce puissant héritage paternel dans mon commentaire d'un livre de Vic Elford, La Victoire ou rien.) Eh bien, d'avoir vu mon père lire cette revue durant cette courte période, alors que j'avais l'âge sensible — c'était un hasard —, a imprimé durablement le goût de lire en moi. Ce fut donc un minuscule bout de la lorgnette, quelque chose qui n'est pas du tout caractéristique ni représentatif de mon père, qu'il m'a légué inconsciemment et dont l'objet ne s'est jamais dirigé depuis lors vers le sport automobile, d'où la difficulté (voire la quasi-impossibilité) à le déceler pour quelqu'un d'extérieur.

Je me suis souvent demandée ce que j'avais de commun avec ma mère (j'ai déjà évoqué mes relations avec ma mère dans ma critique du Coran) ou avec mon père. Pourtant, à fin et à force de chercher à comprendre, j'ai fini par repérer des minuscules morceaux de ceci et de cela, qui ne les caractérisent ni l'un ni l'autre, qui ne sont, pour eux, que des épiphénomènes, et qui pourtant, chez moi, sont constitutifs, voire essentiels. Tout vient d'eux, mais un peu comme on ne reconnaît pas dans ma peau ou dans mes os les carottes et les petits pois dont ils proviennent, on ne reconnaît pas en moi le comportement ou les centres d'intérêts de mes parents.

Je voudrais encore me démarquer de Gérald Bronner sur la question du dolorisme. Pour lui, de ce que j'en comprends, c'est presque une posture, un « chiquet », quelque chose de surfait. Je ne suis pas du tout d'accord avec lui sur ce point. L'idée même de « lutte des classes » suppose que les différentes classes sociales luttent les unes contre les autres. Et donc, par conséquent, le fait de changer de classe équivaut à changer de camp dans cette lutte qui se poursuit. de là à la traitrise, du moins à l'accusation de traitrise, il n'y a jamais loin. Allez donc demander aux Malgré-Nous alsaciens si ce n'est pas douloureux de changer de camp « par la force des choses ». La réussite scolaire et plus tard professionnelle induit nécessairement de changer de camp, d'où les fréquentes charges qu'ont à subir les « bons à l'école » de la part de ceux qui ne le sont pas. Peu ou prou, tous savent que, plus tard, ils ne combattront pas du même côté de la ligne de partage des eaux.

J'ai assez puissamment exprimé mon désaccord avec Annie Ernaux dans ma critique de la Place, car, d'après mon vécu, j'ai ressenti exactement le contraire de ce qu'elle prétend vouloir exprimer à qui veut l'entendre. Selon elle, son écriture « vengerait » sa « race », là, où moi qui viens du même milieu qu'elle je ne perçois que mépris pour ce milieu dans son récit. Donc, entre Annie Ernaux, qui a clairement trahi son milieu d'origine, qui fait semblant d'en être encore tout en décrivant la douleur de se sentir traitre, et Gérald Bronner, qui éprouve une fierté tant de son milieu d'origine que d'avoir réussi à s'en extraire, mon coeur balance, car il demeure une autre catégorie à laquelle, je pense, j'appartiens : celle des personnes dont les centres d'intérêts les éloignent de leur milieu d'origine mais vis-à-vis de qui les lumières de la ville et la vie bourgeoise font office de repoussoir, une sorte de NI, NI pas très confortable.

Je me sens très prolo, socialement parlant, et très bobo quant à mes centres d'intérêt. Exactement comme le pauvre enfant africain de mon livre de bio, qui avait le malheur d'avoir une peau trop blanche parmi les populations noires, et des traits trop négroïdes pour nourrir beaucoup d'espoir parmi des populations blanches. Bien sûr, on me rétorquera que ça n'a pas empêché Salif Keïta de devenir qui il est devenu, mais j'ai peine à croire que le concernant, s'il avait eu le choix, au départ, il n'aurait pas opté pour avoir la même pigmentation que ses pairs. J'ai peine à croire qu'il n'a jamais été perçu comme un traitre par les uns ou les autres, et qu'il ne s'est jamais senti comme un apatride, à un moment ou à un autre, et que ça n'ait jamais suscité de douleurs en lui.

Oui, être hors cases, ça peut être douloureux, ça peut être une cicatrice à vie, ça peut être difficile à vivre au quotidien, et je ne me suis attardée que sur ce malheureux exemple, mais j'aurais pu en développer à l'envi et de tout autre type. Ça n'est rien d'autre, finalement, que ce qu'exprime le conte d'Andersen, le vilain petit Canard. N'être pas à sa place, être toujours différent ou dans l'ultra-minorité, ce n'est pas forcément une sinécure. Ne vous déplaise, cher Gérald Bronner, mais ce n'est que mon avis de transclasse, à peine transclasse d'ailleurs ou transclasse à grand peine, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Éclairant sur plein de points ! J'ai découvert ce livre à la télévision, je ne connaissais ni l'auteur, ni la couverture, mais le sujet m'a évidemment happée ! C'est clair et concis, bien écris et inspirant, et ça touchera quiconque se pose des questions sur ce thème abyssal que sont les origines.
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Le sujet de cet essai (et son sous-titre) est : Pourquoi devient-t-on qui l'on est ?
Gérald Bronner est loin de prétendre traiter entièrement la question mais il a le grand mérite de montrer qu'à moins de partir de présupposés idéologiques, le sujet est trop complexe pour ne pas rester inépuisable.
Il tire parti de son expérience personnelle, faisant une place à l'influence du milieu familial mais aussi des camarades d'école ou d'autres rencontres dues au hasard. Il insiste que, dans son cas, il s'est toujours "senti différent" et que cela a joué un très grand rôle dans son évolution. "C'est là le mystère insondable de l'origine. Une croyance à propos de soi-même."
D'origine modeste, ses analyses se focalisent sur les "transclasses" qui, comme lui, ont connu une ascension sociale. Il relève que beaucoup d'entre eux sont portés à exagérer les difficultés qu'ils ont connues étant jeunes, ce qu'il désapprouve.
J'ai apprécié cet essai pour sa recherche d'un regard honnête sur les réalités sociales et lucide sur les idéologies. Il écrit "S'il y a quelque chose qui influence mon analyse sociologique, ce n'est pas une variable politique qui ferait de moi un sociologue de droite ou de gauche mais plutôt la recherche d'une forme de dignité intellectuelle".
S'il me faut exprimer des réserves, j'aurais été intéressé par une recherche plus fouillée des ressorts des ascensions sociales : hasards ?, désir d'accomplissement ?, de revanche ?,… Et aussi, des dégringolades sociales, dont on parle guère. Enfin, avis personnel, il semble qu'il aurait fallu plus insister sur les différences définitives qu'il y a déjà entre nous tous dès notre naissance.
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Gerald Bronner réfute la notion de transfuge de classe et lui préfère celle de nomade social car il n'a pas l'impression d'avoir trahi son milieu d'origine ni de ressentir une honte. J'ai trouvé ce point de vue intéressant car à rebours des discours de transclasses comme Edouard Louis, Didier Eribon, Annie Ernaux…Il critique ce dolorisme, cette exaltation de la souffrance et montre qu'au contraire, dans certains cas, les origines modestes peuvent être une source de fierté et d'impulsion.
Je n'ai pas l'habitude de lire beaucoup d'essais mais j'ai trouvé intéressant que l'auteur y mélange des théories de sociologues et des anecdotes de son histoire personnelle. Il arrive à cerner la complexité de l'impact réel des origines sur les trajectoires et d'avoir un regard critique sur les constructions de récit de soi.
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Pourquoi suis-je comme je suis ?
Quelle est l'origine de ce qui me constitue ?
Dans cet essai très accessible, l'auteur interroge les théories qui orientent le sujet lorsqu'il cherche des réponses à ces questions. le livre alterne des passages théoriques d'analyse et de références scientifiques avec des éléments biographiques. Ces vignettes illustrent (où initie) la réflexion conceptuelle qui se fait plus humaine, plus concrète.
Gérald Bronner s'en prend à toutes les grilles d'analyse univoques, il torpille la psychanalyse quand elle construit la fabrication de faux souvenirs, il est très virulent contre les transclasses qui font commerce avec la douleur et la difficulté rencontrées dans leur nomadisme social.
Dans le regard qu'il porte sur les trajectoires de vie, l'auteur ne nie pas l'importance des parents et du milieu social d'où l'individu est issu, mais il pointe également la génétique, les rencontres déterminantes, les injonctions de toutes sortes, les modèles et il n'oublie pas le hasard.
le formidable imbroglio qui structure la personnalité de tout un chacun est propice à de nombreuses réductions idéologiques et politiques. Si il existe une vérité de l'individu, elle est à chercher dans l'extrême complexité.
L'essai très documenté, invite à revisiter nos propres mythes fondateurs.
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critiques presse (1)
LeMonde
31 janvier 2023
Ni essai théorique ni confession intime, son libre propos interroge les récits que nous construisons tous pour répondre à l’insoluble question de nos origines. Comment, et pourquoi, sommes-nous ­devenus ce que nous sommes ? Par quel hasard, ou quelle nécessité, finit-on par être celle-ci, ou celui-là ?
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
D'une certaine façon, nos mythologies contemporaines, celles qui se déploient dans les romans ou les séries télé, ont fait une telle place au schéma explicatif selon lequel la personnalité d'un héros ou d'un ennemi est déterminée par quelques traumatismes initiaux - et souvent lovés dans l'histoire familiale - qu'il nous est devenu aussi naturel que l'air que nous respirons. Il est difficile de trouver une fiction contemporaine où les tourments des personnages ne sont pas renvoyés en dernière instance aux traumas de l'enfance. Et parmi eux, les parents ou leurs manquements occupent une place de premier choix. On peut dire qu'il s'agit du primum mobile dominant la mythogénèse contemporaine.
Ce n'est pas que les parents soient toujours innocents des reproches qu'on leur adresse, mais est-on bien certain qu'ils méritent le rôle de matrice explicative de toutes choses ?
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La théorie du complot aide (…) à cicatriser les blessures identitaires.
Ce n'est sans doute pas la cause unique de la vitalité du conspirationnisme contemporain, mais ce sentiment d'absence de contrôle et de dépossession est bien une source de développement de ce mode de penser. Ce sentiment n'est, d'ailleurs, pas déraisonnable en lui-même. Il s'alimente à diverses observations triviales : la division du travail qui, par la spécialisation qu'elle implique, nous rend directement dépendants des autres, la mondialisation des échanges qui fragilise les décisions locales ou encore le développement de la technologie qui fait de notre environnement un univers de plus en plus opaque (…) Le paradoxe est intéressant : collectivement nous maîtrisons de plus en plus les incertitudes, mais individuellement, de moins en moins.
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(…) le principe de la méritocratie est encore applaudi par les opinions publiques démocratiques. Quel intérêt y aurait-il à démolir ce mythe républicain fondateur si ce n'est lui substituer un fatalisme tout aussi fictionnel mais plus instrumentalisable politiquement ? Les conséquences de ce fatalisme me paraissent - même au regard des valeurs que prétendent défendre ceux qui le portent - effrayantes. Non seulement il propose une assignation à résidence sociale mais il décourage à peu près toute forme d'efforts, et notamment scolaires, étant entendu que, pour nébuleuses que soient les chances de réussite, elles ne peuvent puiser leur source que là. Il faut veiller à ce que l'inégalité des chances ne se transforme pas - ce qui serait une double peine - en inégalité des espoirs.
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Rentrée scolaire après rentrée scolaire, alors que les enseignants nous demandaient la profession de nos parents et que je pouvais comparer celle des autres avec celle des miens, tandis que j'évaluais la façon dont mes camarades occupaient leurs vacances, leurs loisirs et surtout les vêtements qu'ils portaient, les choses devenaient plus claires.
À un moment, j'ai compris : ma famille et moi, nous étions pauvres. […] Comme ce genre de sentiment se fonde sur la comparaison, il est vrai qu'on trouve toujours plus malheureux que soi et qu'un esprit positif sait porter son regard sur un endroit qui le blessera moins.

Prologue.
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Il me semble que les transclasses offrent un terrain d'observation qui permet d'affiner les analyses usuelles de la façon, par exemple, dont se construit l'estime de soi, le rapport à la conflictualité, le rapport même à la créativité, c'est-à-dire le fait de pouvoir contester un ordre mental établi, que ce soit dans l'art ou dans la science... (…) La créativité me paraît un point assez aveugle de cette question. La chose est difficile à mesurer mais il me semble qu'elle présuppose un esprit frondeur, une forme de défiance qui est facilitée par le regard ironique de celui ou celle qui a traversé plusieurs mondes sociaux.
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Gerald Bronner vous présente son ouvrage "Les origines : pourquoi devient-on qui l'on est ?" aux éditions Autrement.
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