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Citations de Giorgio Bassani (91)


pour moi, non moins que pour elle, ce qui comptait c’était, plus que la possession des choses, le souvenir qu’on avait d’elles, le souvenir en face duquel toute possession ne peut, en soi, apparaître que décevante, banale, insuffisante. Comme elle me comprenait ! Mon désir que le présent devînt tout de suite du passé, pour pouvoir l’aimer et le contempler à mon aise, était aussi le sien, exactement pareil. C’était là notre vice : d’avancer avec, toujours, la tête tournée en arrière.
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Pendant que Malnate tirait, cette jeune personne ne lui lésinait pas les compliments sarcastiques, des compliments à arrière-plan obscène, auxquels lui, la tutoyant, tenait tête avec beaucoup d'esprit, avec la tranquille et, pour moi, inimitable désinvolture de quelqu'un qui a passé de nombreuses heures de sa première jeunesse dans les lupanars.
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Rapidement passa, entre lui et moi, l'inévitable coup d'œil d'hébraïque connivence que, partagé entre l'anxiété et le dégoût, je prévoyais déjà.
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Mais oui, mais oui, s'écria-t-elle, et en ce sens que, moi aussi, comme elle, je ne disposais pas de ce goût instinctif pour les choses qui caractérise les gens normaux. Elle le sentait très bien : pour moi, non moins que pour elle, ce qui comptait c'était, plus que la possession des choses, le souvenir qu'on avait d'elles, le souvenir en face duquel toute possession ne peut, en soi, apparaître que décevante, banale, insuffisante. Comme elle me comprenait ! Mon désir que le présent devint tout de suite du passé, pour pouvoir l'aimer et le contempler à mon aise, était aussi le sien exactement pareil. C'était là notre vice : d'avancer avec, toujours, la tête tournée en arrière.
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A travers les vitres, elle voyait, au premier plan, la cime barbue de ses Washingtoniae graciles que la pluie et le vent étaient en train de frapper "indignement" - et qui sait si les soins de Titta et de Bepi, lesquels avaient déjà commencé à emmailloter leurs troncs avec les habituelles chemises de paille hivernales, allaient réussir à les préserver, ces prochains mois, de la mort par le froid qui les menaçait à chaque retour de la mauvaise saison et jusque-là, heureusement, toujours évitée. Puis, plus loin, cachées parfois par des lambeaux de brouillard errants, elle voyait les quatre tours du château, que les averses de pluie avaient rendues noires comme des tisons éteints. Et derrière ces tours, livides à vous faire frémir et, eux aussi, cachés de temps en temps par le brouillard, les marbres lointains de la façade et du campanile de la cathédrale... Oh, ce brouillard ! Elle ne l'aimait pas quand il était comme ça : il la faisait penser à des chiffons sales. Mais, tôt ou tard, la pluie finirait : et alors le brouillard matinal, transpercé par les faibles rayons du soleil, se muait en un je ne sais quoi de précieux, de délicatement opalescent, aux reflets changeants semblables à ceux des "lattimi 1" dont elle avait sa chambre pleine.

1- On appelle lattimi les matières qui ont la couleur du lait.
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Malheureusement, c'était vrai, avait-il commencé de récapituler, infatigable, le 22 septembre dernier, après le premier communiqué officiel du 9, tous les journaux avaient publié cette circulaire additionnelle du Secrétaire du Parti qui parlait de diverses "mesures pratiques", à notre égard, à l'immédiate application desquelles les fédérations provinciales devraient veiller. A l'avenir, " étant, bien entendu, établies l'interdiction des mariages mixtes et l'exclusion de tous les jeunes gens, reconnus comme appartenant à la race juive, de toutes les écoles d'Etat de n'importe quel ordre ou degré", ainsi que la dispense, pour ceux-ci, de l'obligation "hautement honorifique" du service militaire, nous autres Juifs, ne pourrions plus faire insérer des notices nécrologiques dans les quotidiens, figurer à l'Annuaire du téléphone, avoir des domestiques de race aryenne, ni fréquenter des "cercles récréatifs" de quelque genre que ce soit.
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Mais votre maison est toujours votre maison, votre mère est toujours votre mère, et le ciel de Lombardie, "si beau quand il est beau", il n'y avait aucun autre ciel au monde, du moins pour lui, qui puisse lui être comparé.
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-Des flirts, comment cela ?
-Mais oui... de longues promenades sur au Lido... deux ou trois Torcello... quelques baisers de temps en temps... beaucoup de main dans la main... et beaucoup de cinéma. Des orgies de cinéma.
-Toujours avec des camarades de cours ?
-Plus ou moins.
-Des catholiques, j'imagine.
-Naturellement. Mais par principe, néanmoins. Tu comprends, on est contraint de se contenter de ce qu'on trouve.
-Jamais avec...
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Dans la vie, si l'on veut comprendre, comprendre vraiment ce que sont les choses de ce monde, il faut mourir une fois au moins. Et alors, étant donné que c'est là la loi, mieux vaut mourir jeune, quand on a encore beaucoup temps devant soi pour se relever et ressusciter... Comprendre quand on est vieux est affreux, beau6plus affreux.
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Je le regardais, si blanc, si fragile, si vieux, et j'avais la sensation, presque physique, que l'ancien nœud de rancune enfantine par lequel nous avions toujours été divisés était en train de se défaire comme par enchantement, dénué maintenant de toute raison et de tout sens.
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Alberto et lui étaient de grands amis, oui, dans la mesure où Alberto avec son caractère plus passif qu'un punching-ball était toujours, au fond, ami de tout le monde et de personne.
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Car il n'existe pas de situation, si triste et ennuyeuse qu'elle soit, conclut-elle, qui n'offre au fond une compensation quelconque et celle-ci souvent substantielle.
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Nous restâmes à parler ensemble jusqu'à l'heure du déjeuner. Avec, somme toute, le résultat suivants qu'à partir de ce matin-là, la porte de communication entre le billard et le bureau contigu, au lieu d'être toujours ferméc, demeura souvent ouverte. Chacun de nous deux, bien entendu, continuait de passer la majeure partie de son temps dans sa pièce respective. Mais nous nous voyions beaucoup plus fréquemment qu'auparavant : le professor Ermanno venant me trouver et moi me rendant chez lui. Par la porte lorsqu'elle était ouverte, nous échangions même quclques mots : Quelle heure est-il ? Comment va le travail ? et phrases analogues. Quelques annés plus tard, pendant l'hiver 44, en prison, les phrases que je devais échanger avec un inconnu, mon voisin de cellule, les criant vers le haut, vers l'ouverture de la gueule-de-loup, allaient être de ce type : comme ça, surtout par besoin d'entendre sa voix, de se sentir vivants.
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Micòl répétait continuellement également à Malnate que son avenir démocratique et social la laissait totalement indifférente, qu'elle abhorrait l'avenir en soi, lui préférant de beaucoup « le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui » et plus encore le passé, le cher, le doux, le charitable passé.
Et comme ce n'était là, je le sais, que des mots, les habituels mots trompeurs et désespérés que seul un véritable baiser eût pu l'empêcher proférer, que justement de ces mots et non d'autres soit scellé ici le peu de chose que le cœur a été capable de se rappeler.

[Giorgio BASSANI , "Il Giardino dei Finzi-Contini" / "Le Jardin des Finzi-Contini", Giulio Einaudi editore (Torino), 1962 - traduit de l'italien par Michel Arnaud pour les éditions Gallimard (Paris), 1964 : "EPILOGUE", page 372 de l'édition de poche "Folio" (citation publiée à la fin de la critique de notre amie enjie77)]
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Regarde plutôt là-bas la périssoire, et admire, je t'en prie, avec quelle honnêteté, avec quelle dignité et avec quel courage moral elle a su tirer de sa totale perte de fonction les conséquences qu'elle devait en tirer. Les choses, elles aussi, meurent, mon cher. Et alors, puiqu'elles aussi doivent mourir, eh bien, mieux vaut les laisser mourir. De plus, cela a beaucoup plus de style, tu ne crois pas ?
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Comme elle me comprenait ! Mon désir que le présent devînt tout de suite du passé, pour pouvoir l'aimer et le contempler à mon aise, était aussi le sien, exactement pareil. C'était là notre vice : d'avancer toujours, la tête tournée en arrière. N'en était-il pas ainsi ?
(Quatrième partie, chapitre 3, page 285)
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Non, entre partir et rester, l'alternative n'existait plus. Il n'y avait plus qu'une seule route : celle qui menait tout le monde, sans exclure personne, à la rencontre d'un inévitable avenir. Et alors, puisque maintenant le piège s'était déclenché et que toute évasion était impossible, autant valait continuer par la route où l'on s'était déjà engagé, en participant volontairement, ne fût-ce que par pitié et par humilité, aux rêves solitaires, aux passe-temps désespérés, aux tristes et misérables rêves de prisonniers, qui étaient le lot de ses compagnons de voyage.
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Avec la peur et avec la haine on ne raisonne pas.

(Une plaque commémorative via Mazzini)
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Pour un platane énorme, de fait, au tronc blanchâtre et noueux, plus gros que celui de n'importe quel autre arbre du jardin et, je crois bien, de la province tout entière, son admiration confinait au respect. Naturellement, ce n'était pas « sa grand-mère Josette » qui l'avait planté, mais qui sait, Ercole I d'Este en personne, ou bien Lucrèce Borgia.
— Tu comprends ? Il a presque cinq cents ans ! murmurait-elle, en écarquillant les yeux. Pense un peu à toutes les choses qu'il a dû voir, depuis qu'il est venu au monde !
Et l'on eût dit que lui aussi, ce gros animal, ce gigantesque platane, avait des yeux : des yeux pour nous voir et des oreilles pour nous écouter.

[Giorgio BASSANI, "Il giardino dei Finzi-Contini" / "Le jardin des Finzi-Contini , Feltrinelli ed. (Milano) / Giulio Einaudi ed. (Torino), 1962 — traduit de l'italien par Michel Arnaud pour les éditions Gallimard (Paris) , coll. Du Monde entier", 164 ; rééd. aux éditions Gallimard, coll. "folio" — DEUXIEME PARTIE, page 141]
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Da molti anni desideravo scrivere dei Finzi-Contini — di Micòl e di Alberto, del professor Ermanno e della signora Olga —, e di quanti altri abitavano o come me frequentavano la casa di corso Ercole I d’Este, a Ferrara, poco prima che scoppiasse la guerra. Ma l’impulso, la spinta a farlo veramente, li ebbi soltanto un anno fa, una domenica d’aprile del 1957.

Fu durante una delle solite gite di fine settimana. [...]

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Depuis plusieurs années, je désirais écrire sur les Finzi-Contini — sur Micòl et sur Alberto, sur le professeur Ermanno et sur la signora Olga — et sur tous ceux qui, quelque temps avant qu'éclate la dernière guerre, habitaient ou, comme moi, fréquentaient la maison du corso Ercole I d'Este, à Ferrare. Mais l'impulsion, l'incitation à le faire vraiment, je ne la reçus qu'il y a un an, un dimanche d'avril 1957.

Cela se passa au cours de l'une des habituelles randonnées de fin de semaine. [...]

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[Giorgio BASSANI, "Il giardino dei Finzi-Contini" / "Le jardin des Finzi-Contini , Feltrinelli ed. (Milano) / Giulio Einaudi ed. (Torino),1962 — traduit de l'italien par Michel Arnaud pour les éditions Gallimard (Paris) , coll. Du Monde entier", 164 ; rééd. aux éditions Gallimard, coll. "folio" — PROLOGUE (incipit), page 13]
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