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Citations de Giorgio Bassani (91)


Malheureusement, c'était vrai, avait-il commencé de récapituler, infatigable, le 22 septembre dernier, après le premier communiqué officiel du 9, tous les journaux avaient publié cette circulaire additionnelle du Secrétaire du Parti qui parlait de diverses "mesures pratiques", à notre égard, à l'immédiate application desquelles les fédérations provinciales devraient veiller. A l'avenir, " étant, bien entendu, établies l'interdiction des mariages mixtes et l'exclusion de tous les jeunes gens, reconnus comme appartenant à la race juive, de toutes les écoles d'Etat de n'importe quel ordre ou degré", ainsi que la dispense, pour ceux-ci, de l'obligation "hautement honorifique" du service militaire, nous autres Juifs, ne pourrions plus faire insérer des notices nécrologiques dans les quotidiens, figurer à l'Annuaire du téléphone, avoir des domestiques de race aryenne, ni fréquenter des "cercles récréatifs" de quelque genre que ce soit.
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Mais oui, mais oui, s'écria-t-elle, et en ce sens que, moi aussi, comme elle, je ne disposais pas de ce goût instinctif pour les choses qui caractérise les gens normaux. Elle le sentait très bien : pour moi, non moins que pour elle, ce qui comptait c'était, plus que la possession des choses, le souvenir qu'on avait d'elles, le souvenir en face duquel toute possession ne peut, en soi, apparaître que décevante, banale, insuffisante. Comme elle me comprenait ! Mon désir que le présent devint tout de suite du passé, pour pouvoir l'aimer et le contempler à mon aise, était aussi le sien exactement pareil. C'était là notre vice : d'avancer avec, toujours, la tête tournée en arrière.
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Mon pere, engage volontaire pendant la guerre, avait pris sa carte du fascio en 19; moi-meme, j'avais appartenu jusqu'a ces derniers temps au G.U.F. [Gruppo Universitario Fascista]. En somme, nous, nous avions toujours ete des gens tres normaux, et meme banaux dans leur normalite, aussi me semblait-il vraiment absurde que maintenant, de but en blanc, on exigeat justement de nous un comportement exceptionnel. Convoque a la Federation pour s'entendre annoncer qu'il etait expulse du parti; expulse ensuite du Cercle des Commercants comme indesirable; il eut ete vraiment etrange que mon pere, le pauvre, opposat a un tel traitement un visage moins angoisse et eperdu que celui que je lui connaissais. Et mon frere Ernesto, qui, lorsqu'il avait voulu entrer a l'Universite avait du emigrer en France et s'inscrire a l'Ecole polytechnique de Grenoble? Et Fanny, ma soeur, a peine agee de treize ans, contrainte de poursuivre ses etudes secondaires a l'ecole israelite de la via Vignatagliata? Est-ce que d'eux aussi, arraches brusquement a leurs camarades de classe, a leurs amis d'enfance, on attendait par hasard un comportement exceptionnel? N'insistons pas, l'une des formes les plus odieuses de l'antisemitisme etait precisement celle-ci: se plaindre que les Juifs ne soient pas assez comme les autres, et puis, vice versa, apres avoir constate leur assimilation a peu pres totale au milieu environnant, se plaindre de l'oppose: se plaindre qu'ils soient tels que les autres, c'est a dire meme pas un peu differents de la moyenne commune.
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Combien d'années s'est-il écoulé depuis ce lointain après-midi de juin ? Plus de trente. Pourtant, si je ferme les yeux, Micol Finzi-Contini est toujours là, accoudée au mur d'enceinte de son jardin, me regardant et me parlant. En 1929, elle n'était guère plus qu'une enfant, une fillette de treize ans maigre et blonde avec de grands yeux clairs, magnétiques. Et moi j'étais un jeune garçon en culotte courte, très bourgeois et très vaniteux, qu'un petit ennui scolaire suffisait à jeter dans le désespoir le plus puéril. Nous nous regardions fixement l'un l'autre. Au-dessus d'elle, le ciel était bleu et compact un ciel chaud et déjà estival, sans le moindre nuage ; Rien ne pourrait le changer, ce ciel, et rien, effectivement, ne l'a changé, du moins dans le souvenir.
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A travers les vitres, elle voyait, au premier plan, la cime barbue de ses Washingtoniae graciles que la pluie et le vent étaient en train de frapper "indignement" - et qui sait si les soins de Titta et de Bepi, lesquels avaient déjà commencé à emmailloter leurs troncs avec les habituelles chemises de paille hivernales, allaient réussir à les préserver, ces prochains mois, de la mort par le froid qui les menaçait à chaque retour de la mauvaise saison et jusque-là, heureusement, toujours évitée. Puis, plus loin, cachées parfois par des lambeaux de brouillard errants, elle voyait les quatre tours du château, que les averses de pluie avaient rendues noires comme des tisons éteints. Et derrière ces tours, livides à vous faire frémir et, eux aussi, cachés de temps en temps par le brouillard, les marbres lointains de la façade et du campanile de la cathédrale... Oh, ce brouillard ! Elle ne l'aimait pas quand il était comme ça : il la faisait penser à des chiffons sales. Mais, tôt ou tard, la pluie finirait : et alors le brouillard matinal, transpercé par les faibles rayons du soleil, se muait en un je ne sais quoi de précieux, de délicatement opalescent, aux reflets changeants semblables à ceux des "lattimi 1" dont elle avait sa chambre pleine.

1- On appelle lattimi les matières qui ont la couleur du lait.
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Regarde plutôt là-bas la périssoire, et admire, je t'en prie, avec quelle honnêteté, avec quelle dignité et avec quel courage moral elle a su tirer de sa totale perte de fonction les conséquences qu'elle devait en tirer. Les choses, elles aussi, meurent, mon cher. Et alors, puiqu'elles aussi doivent mourir, eh bien, mieux vaut les laisser mourir. De plus, cela a beaucoup plus de style, tu ne crois pas ?
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Micòl répétait continuellement également à Malnate que son avenir démocratique et social la laissait totalement indifférente, qu'elle abhorrait l'avenir en soi, lui préférant de beaucoup « le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui » et plus encore le passé, le cher, le doux, le charitable passé.
Et comme ce n'était là, je le sais, que des mots, les habituels mots trompeurs et désespérés que seul un véritable baiser eût pu l'empêcher proférer, que justement de ces mots et non d'autres soit scellé ici le peu de chose que le cœur a été capable de se rappeler.

[Giorgio BASSANI , "Il Giardino dei Finzi-Contini" / "Le Jardin des Finzi-Contini", Giulio Einaudi editore (Torino), 1962 - traduit de l'italien par Michel Arnaud pour les éditions Gallimard (Paris), 1964 : "EPILOGUE", page 372 de l'édition de poche "Folio" (citation publiée à la fin de la critique de notre amie enjie77)]
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Restammo per un po' sulla soglia, addossatti al portone. Pioveva a dirotto, a strisce d'acqua oblique e lunghissime, sui prati, sulle grandi masse nere degli alberi, su tutto. Faceva freddo. Battendi i denti, guardavamo entrambi dinanzi a noi. L'incantesimo a cui fino allora era stata sospesa la stagione si era rotto irréparabilmente.

Traduction:
Nous restâmes encore un peu sur le seuil, adossés au portail. Il pleuvait à verse, des traînées d'eau obliques et très longues, sur les prés, sur les grandes masses noires des arbres, sur tout.
Il faisait froid. Claquant des dents, nous regardions tous deux devant nous. L'enchantement à la fin duquel était alors suspendue la saison s'était brisé , irréparablement.
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Il est certain que, comme présageant sa mort prochaine et celle de ses parents, Micol répétait continuellement également à Malnate que son avenir démocratique et social la laissait totalement indifférente, qu'elle abhorrait l'avenir en soi, lui préférant de beaucoup "le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui" et plus encore le passé, le cher, le doux, le charitable passé.
Et comme ce n'était là, je le sais, que des mots, les habituels mots trompeurs et désespérés que seul un véritable baiser eût empêché de proférer, que justement de ces mots et non d'autres soit scellé ici le peu de chose que le coeur a été capable de se rappeler.
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Mais qui peut jamais prévoir ? Que pouvons-nous savoir de nous-mêmes et de ce à la rencontre de quoi nous allons ?
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Le passé n’est pas mort, affirmait à sa manière la structure même de mon récit [la Promenade] : il ne meurt jamais. Il s’éloigne, certes : à chaque instant. Récupérer le passé est donc possible. Il faut néanmoins, si l’on veut vraiment le récupérer, parcourir une sorte de couloir à chaque instant plus long. Là-bas, au fond du lointain et ensoleillé point de convergence des noires parois de ce couloir, il y a la vie, aussi vivante et palpitante que jadis, quand elle s’est manifestée pour la première fois. Éternelle alors ? Bien sûr.
(Là-bas au fond du couloir)
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«  Depuis que
j’ai décidé de ne plus jamais
répondre à une lettre de toi
jamais aucune lettre
je n’ai pu
même ouvrir


Je les laisse
arriver
tomber autour de moi
s’étaler là à mes pieds
à l’envers et sans réponse
muettes ….
comme moi comme désormais ma
vie » .
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Ici, à leur place, ce soir-là , c'étaient nous, les vivants, qui étions assis. Mais en nombre réduit par rapport à naguère et non plus joyeux, riants et bavards, mais tristes et pensifs, tels des morts. Je regardais mon père et ma mère, l'un et l'autre très vieillis en quelques mois ; je regardais Fanny qui avait maintenant quinze ans mais qui, comme si une crainte secrète eût arrêté son développement, n'en paraissait plus que douze ; je regardais l'un après l'autre, autour de moi, oncles et cousins ; une grande partie desquels, quelques années plus tard, allaient être engloutis par les fours crématoires allemands et qui n'imaginaient certes pas qu'ils finiraient ainsi, et moi non plus je ne me l'imaginais pas, mais malgré cela, alors déjà, ce soir-là, même en les voyant si insignifiants avec leurs pauvres visages surmontés de leurs petits chapeaux bourgeois ou encadrés de leurs bourgeoises permanentes, même les sachant d'esprit tellement obtus, si incapables d'évaluer la portée réelle du présent et de lire dans le proche avenir, déjà alors ils m'apparaissaient enveloppés dans la même aura de mystérieuse fatalité sculpturale qui les enveloppe maintenant dans la mémoire.

Pp.186-187
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C'était chic de n'avoir plus rien à redouter de l'école, chic de pouvoir sortir tout à l'heure dans la lumière limpide et bleue de dix heures du matin, une lumière qui vous clignait de l'oeil, là-bas, par la poterne d'entrée, chic d'avoir devant soi de longues heures d'oisiveté et de liberté à passer du mieux qu'on voudrait. Tout était beau, tout était extraordinaire en ces premiers jours de vacances.
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E siccome queste, lo so, non erano che parole, le solite parole ingannevoli e disperate che soltanto un vero bacio avrebbe potuto impedirle di proferire, di esse, appunto, e non di altre, sia suggellato qui quel poco che il cuore ha saputo ricordare.
traduction:
Et comme c'étaient seulement, je le sais, des paroles - les habituelles paroles, trompeuses et désespérées, que seul un vrai baiser aurait pu l'empêcher de proférer - que de ces paroles-là justement, et non d'autres , soit scellé ici le peu que le cœur a su retenir.
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Certes, je n'étais nullement désespéré ce premier soir de décembre où je retraversai à bicyclette le Barchetto del Duca. Micol était partie : et pourtant je pédalais dans l'allée d'entrée, dans l'obscurité et le brouillard, comme si, quelques instants plus tard, je m'étais attendu à la revoir, elle et seulement elle. Je regardais devant moi, cherchant avec le phare de mon vélo les lieux d'un passé qui me semblait lointain, oui, mais encore récupérable, pas encore perdu.
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Pour un platane énorme, de fait, au tronc blanchâtre et noueux, plus gros que celui de n'importe quel autre arbre du jardin et, je crois bien, de la province tout entière, son admiration confinait au respect. Naturellement, ce n'était pas « sa grand-mère Josette » qui l'avait planté, mais qui sait, Ercole I d'Este en personne, ou bien Lucrèce Borgia.
— Tu comprends ? Il a presque cinq cents ans ! murmurait-elle, en écarquillant les yeux. Pense un peu à toutes les choses qu'il a dû voir, depuis qu'il est venu au monde !
Et l'on eût dit que lui aussi, ce gros animal, ce gigantesque platane, avait des yeux : des yeux pour nous voir et des oreilles pour nous écouter.

[Giorgio BASSANI, "Il giardino dei Finzi-Contini" / "Le jardin des Finzi-Contini , Feltrinelli ed. (Milano) / Giulio Einaudi ed. (Torino), 1962 — traduit de l'italien par Michel Arnaud pour les éditions Gallimard (Paris) , coll. Du Monde entier", 164 ; rééd. aux éditions Gallimard, coll. "folio" — DEUXIEME PARTIE, page 141]
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"Combien d'années s'est-il écoulé depuis ce lointain après-midi de juin ? Plus de trente. Pourtant, si je ferme les yeux, Micòl Finzi-Contini est toujours là, accoudée au mur d'enceinte de son jardin, me regardant et me parlant. En 1929, elle n'était guère plus qu'une enfant, une fillette de treize ans maigre et blonde avec de grands yeux clairs, magnétiques. Et moi, j'étais un jeune garçon en culotte courte, très bourgeois et très vaniteux, qu'un petit ennui scolaire suffisait à jeter dans le désespoir le plus puéril. Nous nous regardions fixement l'un l'autre."
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Da molti anni desideravo scrivere dei Finzi-Contini — di Micòl e di Alberto, del professor Ermanno e della signora Olga —, e di quanti altri abitavano o come me frequentavano la casa di corso Ercole I d’Este, a Ferrara, poco prima che scoppiasse la guerra. Ma l’impulso, la spinta a farlo veramente, li ebbi soltanto un anno fa, una domenica d’aprile del 1957.

Fu durante una delle solite gite di fine settimana. [...]

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Depuis plusieurs années, je désirais écrire sur les Finzi-Contini — sur Micòl et sur Alberto, sur le professeur Ermanno et sur la signora Olga — et sur tous ceux qui, quelque temps avant qu'éclate la dernière guerre, habitaient ou, comme moi, fréquentaient la maison du corso Ercole I d'Este, à Ferrare. Mais l'impulsion, l'incitation à le faire vraiment, je ne la reçus qu'il y a un an, un dimanche d'avril 1957.

Cela se passa au cours de l'une des habituelles randonnées de fin de semaine. [...]

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[Giorgio BASSANI, "Il giardino dei Finzi-Contini" / "Le jardin des Finzi-Contini , Feltrinelli ed. (Milano) / Giulio Einaudi ed. (Torino),1962 — traduit de l'italien par Michel Arnaud pour les éditions Gallimard (Paris) , coll. Du Monde entier", 164 ; rééd. aux éditions Gallimard, coll. "folio" — PROLOGUE (incipit), page 13]
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L'avenir pouvait bouleverser le monde à sa guise. Mais là, dans l'étroite enceinte consacrée aux morts familiers, au cœur de ces tombes où, en même temps que les morts, on avait soin de faire descendre tout ce qui rendait la vie belle et désirable; dans ce coin du monde défendu et abrité : là, au moins (et leur pensée, leur folie planait encore, au bout de vingt-cinq siècles, autour des tumulus coniques, recouverts d'herbes sauvages), là au moins, rien de changerait jamais.
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