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Citations de Guy Rechenmann (92)


Les loups s’adaptent grâce à leur épaisse fourrure et les bêtes se réchauffent, les unes contre les autres, dans ce pays glacé où seul le corps à corps rapproche les âmes.
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Deux semaines de pluie intense sur ce versant, c’est chose courante. Hommes et bestiaux en ont fait leur quotidien. Autour du troupeau dissipé, un chien rugueux fait des va-et-vient, aboyant plus souvent qu’à son tour pour rappeler à l’ordre les fortes têtes.
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Je reste encore un court moment devant la sépulture improvisée, vaste pour un si petit corps, mais déjà bien fréquentée, à l’opposé de nos tombes traditionnelles, visitées une fois au mois de novembre, dans le meilleur des cas. Vous me direz que c’est un lieu de promenade qui en vaut un autre en cette morne saison d’après cèpes. Un camaïeu de gris. Dommage pour moi, car c’est en quelque sorte mon fonds de commerce, mais la mort ne fait plus recette. En plus, elle ne fait même pas peur à l’enfant qui croit pouvoir agir à tout moment sur le destin d’un être disparu. En fait, Lily ne pleure pas devant la stèle de son chat, elle veut juste servir de passerelle entre son désir d’aventure et l’avenir céleste de son greffier. La petite vient plusieurs fois par jour ici et je suppose qu’elle fait vivre à Tomy de nouvelles aventures...
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Je ne suis ni grand ni costaud, un mètre soixante-cinq pour cinquante-six kilos, attaches fines, mains de pianiste, une vraie brute ! Alors, le trampoline naturel de la mousse entre chênes et pins menant à la clairière me confère des airs de passe muraille. D’ailleurs au boulot, les collègues m’appellent Colombo, uniquement pour mon gabarit, pas pour mon imperméable ni pour ma perspicacité. Tant pis, je suis inspecteur de police.
Les enfants sont étonnants, ils savent être égoïstes et ingénieux… ma quête en quelque sorte car moi, je suis un altruiste handicapé des autres, inquiet en permanence du bien-être de mon voisin, ne voulant gêner ni importuner quiconque, l’adverbe « non » étant quasiment rayé de mon vocabulaire. Une espèce d’autiste de l’affectif, ne pouvant exprimer mes sentiments tellement ils sont nombreux à se bousculer dans mes pensées. Je suis obligé de me faire violence pour exercer mon métier. Mon souci de justice et d’équité m’a fait choisir cette voie.
Lors de mes premières visites, j’ai essayé le chemin des écoliers en faisant le tour du Bassin pour rejoindre le village du Canon depuis le commissariat d'Arcachon. J’ai vite compris que cette gymnastique ne durerait qu’un temps. Une heure cinq, gyrophare en émoi, à fond la. caisse, contre quinze minutes, par beau temps, peinard, le cigarillo au bec sur la navette reliant la jetée Thiers à Bélisaire, lieu d’accostage au Cap Ferret. Les collègues locaux m’avaient prévenu, mais le Savoyard est têtu. Quatre kilomètres balancé sur l’écume contre soixante dix bornes, crispé sur un anneau en ski. Le Savoyard n’est pas obtus....
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ŕ Vous devez connaître alors la réflexion de notre Victor Hugo national : « C’est parce que l’intuition est surhumaine qu’il faut la croire; c’est parce qu’elle est mystérieuse qu’il faut l’écouter ; c’est parce qu’elle semble obscure qu’elle est lumineuse » Ŕ Il s’arrête, me regarde de bas en haut. Dites-moi, vous êtes un drôle de gaillard. Vous êtes « légèrement improbable » comme disait je ne sais plus qui. D’abord vous prenez la déposition d’un rêve ou d’un cauchemar, c’est selon et aujourd’hui vous faites encore plus fort car, je me répète, il n’y a ni déposition, ni plainte, ni corps, enfin rien du tout, seulement une illuminée sur une plage, débitant une litanie. Comprenez-moi, Viloc, vous êtes dur à suivre... vous savez aussi bien que moi que l’onirique est à la police ce que la franchise est à la politique. Cependant, je dois l’avouer, vous avez fait du bon boulot avec la petite Frontjoie et le ferrailleur dément1, une vraie performance – il fait une pause. Je vous laisse un mois, allez, j’attends votre rapport... Filez...
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Dehors il neige. Le petit garçon a toujours l’impression qu’il neige dans ce pays. Ce n’est pas son pays, non, il vient avec sa famille de plus au sud, pas trop quand même, là où les saisons donnent des repères, la neige l’hiver, les bourgeons au printemps, la baignade l’été et les cèpes en automne. Sa petite main a écarté la buée d’un des quatre carreaux de l’unique fenêtre de la pièce chauffée par un gros poêle à bois en fonte grise. Il faut l’alimenter le poêle, car l’endroit, sans être grand, est mal isolé. Il doit toujours faire bon ici, c’est le studio de répétition en quelque sorte, les instruments y dorment et les instruments, c’est sacré. La grosse différence de température fait qu’il y a toujours de la buée. Le garçon sent l’air glacial du dehors s’infiltrer entre le mastic brun et le verre en collant son front lisse contre le carreau. La pendule indique 16h15, il fait presque noir et dans la pénombre, il aperçoit une cohorte de silhouettes voutées tracer un sillon dans le passage immaculé. Il ne perçoit pas le crissement des chaussures sur la neige fraîche, mais il entend des voix d’hommes crier des mots qu’il ne comprend pas, il se doute que ce n’est pas amical. Il a peur. Il ne sait pas au juste pourquoi il est là, lui dans cette pièce et son père et sa mère, séparés, chacun dans un dortoir bondé, chauffé par la seule présence humaine. Il les voit presque tous les jours, quelques minutes. Sans le satisfaire, ça le rassure.
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Elle le soulève pour le remettre en place et là, marque un temps d'arrêt et manque à nouveau défaillir ; il est des jours comme ça. Ses yeux s'embrument, son cœur se serre car à moitié recouverts par les détritus, gisent deux gants, l'un bleu ciel...
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Mais est-ce vraiment nous qui décidons ? Les chemins sont légion et les questions les mêmes : lequel choisir ? Vais-je pouvoir aller jusqu'au bout ? Avec qui ? Une question d'équilibre sans doute. Même une feuille blanche est remplie de chemins, la plume qui la parcourt peu tracer, à son gré, des destins fabuleux ou des vies de misère. Nous sommes l'encre de l'écrivain, et suivant son humeur et son imaginaire, nous nous trouverons prince ou valet d'indigence. Les écrits sont perdus, il me reste un buvard virtuel pour comprendre l'histoire. Il a fait sécher l'encre à l'envers sur un papier fragile, mais il est maculé de lignes en tous sens, enchevêtrées, baveuses, une peinture abstraite.
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Il ne faut pas grand-chose pour être heureux dans ce paradis. Une mouette, intriguée, est venue se poser sur la poupe du petit canot… ici, même les mouettes sont domestiques. Je me suis réveillé, d’abord ahuri, puis après quelques secondes de flottement, heureux de me retrouver là, car si la nature ne m’a pas conféré de qualités exceptionnelles, physiques ou intellectuelles, je ne peux pas lui en vouloir, à la vue du spectacle que je contemple chaque jour. J’aime l’observer et je sais qu’elle m’examine elle aussi par l’œil rond d’une mouette ou peut-être celui effilé d’un chat aux longs cils. La sensation d’apaisement que j’éprouvais déjà à l’âge de dix ans devant les roselières de mon lac du Bourget ne m’a jamais quitté, même dans les moments de détresse les plus intenses. Je n’ai certes pas le flair du policier de légende ni sa vitesse de réflexion, non, je suis un besogneux, mais un besogneux contemplatif, un circuit direct doit exister entre mon œil et mon cerveau diesel.

Cette appétence pour l’observation a contribué à la petite réputation de « dénoueur » d’énigmes qui commence à me coller à la peau, la capacité d’attention aux petits détails qui, comme il est dit dans un conte zen, peut détruire complètement la vie d’un homme. On peut acquérir des biens matériels, les voler ou les gagner, « l’homme est un loup pour l’homme », mais heureusement ce qui n’est pas comptabilisable et commandé par la raison ne se chaparde pas, entre autres le talent, le bon sens, la repartie, l’intuition ou l’observation et c’est tant mieux. Je ne crois plus en l’homme, mais je crois en son âme.
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La petite fille est à genoux, en position de prière. Je l’aperçois légèrement en contrebas, devant une croix rudimentaire ornée de brins de muguet et de fleurs des champs. Une senteur de nature s’échappe de la parcelle de terre récemment retournée devant elle. La fraîcheur de ce tableau intime me procure un sentiment de bien-être, de respiration soudaine comme un apport d’oxygène inattendu. À l’évidence, la vie enveloppe le décor. La gamine plisse fortement les yeux dans une mimique crispée, les mains fermement serrées, croisées sous le menton, à l’effleurer, comme si de la force de cet étau dépendait le résultat de sa prière. Elle porte une robe bayadère rose et bleu, les bras nus en ce début du mois de mai. Ses cheveux bruns sont tressés et une raie bien tracée équilibre un visage encore poupin. Elle ne m’a pas entendu descendre, les lichens denses du chemin de sous-bois ont amorti mes pas jusqu’au quasi-silence.
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19h. Fred ouvre la porte à Hubert de Vignal. L’homme au gant rose et au gant bleu est à l’heure, l’inverse l’aurait étonné. Cette fois il n’a pas dû passer par la loge, Madame Rodrigo l’aurait prévenu. Le regard du représentant à la barbe impeccable le transperce. Fred est soudain pris d’une bouffée de chaleur en tendant à la main gantée de rose le dossier contenant le document dûment rempli et signé que le personnage est venu récupérer. Il a pourtant pris son temps pour lire et relire la douzaine de feuillets noircis de lettres tapuscrites dans une police confortable, pourvu qu’il n’ait aucun regret... mais il n’est plus sûr de rien ; il espère avoir coché la bonne case parmi les quatre proposées, la première, la deuxième, la troisième ou la quatrième? L’individu n’entre pas, il reste sur le seuil, son sourire figé fait ressortir une fossette sur la joue gauche. Victor, le chat, en position de défense sur la petite table en pin, sous la lampe, fixe le bonhomme dans l’encadrement de la porte. Fred transpire, tout s’embrouille dans sa tête. Il ne fait pourtant pas chaud dans le studio en bordure de Garonne, en lisière d’un quartier négligé, mal éclairé, aux murs sales et aux pavés mal jointés, celui des Chartrons. Ici les huisseries sont en accord avec la demeure ; d’un autre temps. À intervalles réguliers, Victor émet d’étranges sons, indescriptibles, entre le râle et le feulement, mêlés de ronronnements. Dehors, la noirceur du soir se mélange à la mini-tempête de la fin d’après- midi qui peine à se calmer. Le volet gauche à persiennes tape alors violemment contre la façade sud-est du vieil immeuble, signature du XVIIIème. Le volet droit, lui, est bloqué depuis des lustres frustrant l’espace de vie de lumière naturelle. Alerté par le choc du bois contre la pierre dorée, Fred fait un demi-tour: il était certain d’avoir coincé le battant récalcitrant. Quand il se retourne vers son vis-à-vis, celui-ci a disparu, parti, envolé... comme par magie. Seules flottent les effluves d’un parfum aux senteurs bizarres.
Fred se demande pourquoi de la sueur inonde son front et pourquoi la porte est ouverte, il a déjà oublié son visiteur et le but de la visite ; un document à récupérer avec la case choisie...



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Alors tout à coup Fred se demande pourquoi de la sueur inonde son front et pourquoi il s’est mis dans cet état, essayant de retrouver ses perceptions habituelles. Il ne pense plus à son étrange visiteur et au but de sa visite. Un but bien insolite, un document à récupérer avec une case à choisir !
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Ici, à l’intérieur du bâtiment, les huisseries sont déformées, en accord avec l’usure du temps. À intervalles réguliers, Victor émettait d’étranges sons, indescriptibles, entre le râle et le feulement. Résonances mêlées de ronronnements. C’était à la fois étrange et inquiétant. Dehors, la noirceur du soir se mélangeait à la mini-tempête de la fin d’après-midi qui peinait à se calmer.
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Le bonhomme n’avait pas l’air de saisir grand-chose à ce qui s’était passé, tout flic têtu et doué qu’il doit être.
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En fait il m’a sorti de ma torpeur sur ce pavé souillé grâce ou plutôt à cause de cette tonalité dérangeante équipée d’une haleine aillée, une marque de fabrique certainement ! Qu’est-ce que ça puait ! Si les voies du Seigneur sont impénétrables, celles du Justicier peuvent se révéler irrespirables
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Et puis il y a eu le flic. Un flic curieux.
Un drôle de zèbre ! Commissaire, je suppose, tout le monde l’appelait patron, du moins ceux qui étaient en uniforme. Il est arrivé avec la sirène qui caractérise l’affaire urgente et le condé pressé...
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— Vous avez dû le remarquer mon p’tit Viloc, on ne fait pas un métier facile. Le public nous imagine en Maigret, Derrick ou encore Moulin, volant de succès professionnels en succès professionnels, assortis, je parle pour un Moulin nanti de la belle gueule d’Yves Rénier, de conquêtes féminines à tout va. Mon ami, le commissaire principal de Tours, était constamment en quête de célébrité, il avait la gloriole comme on dit. Mais depuis quelque temps, la réussite n’était plus au rendez-vous, sa réputation en pâtissait, son humeur a emboîté le pas et sa famille s’est disloquée dans la foulée. En conséquence de quoi il a utilisé son calibre comme thérapie. En ce qui me concerne Viloc, j’ai toujours dans la tête la citation de mon célèbre poète : « Mieux vaut une bonne conscience tranquille qu’une destinée prospère. J’aime mieux un bon sommeil qu’un bon lit. »
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le commissaire Plaziat, se profiler sur le mur du couloir par ma porte entrouverte :
— Nous serions mieux à nous faire une douzaine d’huîtres à Piraillan chez le Cholot, les pieds en éventail, hein patron ? (D’une voix forte, j’anticipe son passage).
— C’est pas faux mon p’tit Viloc, j’aimerais bien, mais là j’ai un suicide sur les bras et j’avoue que je n’ai la tête ni aux coquillages ni aux crustacés
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(...) Castéja, le commissariat emblématique de la capitale girondine, grouillait de toutes parts, il ne faut pas croire que les affaires de meurtres ou de disparitions se résolvaient par l’intervention du Saint-Esprit. Au contraire même, les techniques policières étaient moins sophistiquées qu’actuellement, il fallait suer sang et eau. Depuis Bertillon (créateur de l’anthropométrie en 1882), bien sûr, les choses ont bougé, mais, par exemple, la recherche d’ADN en était à ses balbutiements, le premier « profileur » encore dans son berceau et les séries policières encore rares sur nos écrans.
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Fred a conscience de sa tristesse, il relativise, prend acte, respire et relit une dernière fois en diagonale les trois feuillets. Il les connaît par cœur. À la fin de la relecture, il recommence à transpirer, le doute s’invite à la table. Comme au bridge et aux cases à cocher, ils sont maintenant quatre : l’inquiétude, la peur, l’apaisement, et le petit nouveau, le quatrième, le doute. Les annonces sont timides, les enchères hésitantes. Fred doit choisir sa place, il a pourtant la connaissance des jeux, sauf un. Aucun de ceux qu’il connaît ne lui semble meilleur que l’autre. Mais dans cette partie, seule une couleur pourra remplir le contrat, il va devoir l’afficher, un sans-atout ne s’envisage pas. L’autre différence sera que, à la fin, les trois autres devront faire le mort, pour de bon.
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