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Citations de Hans Magnus Enzensberger (113)


Hans Magnus Enzensberger
"On peut oser dire qu'il serait impossible de mener une guerre sans la force des femmes".
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L'analphabétisme, que nous avons enfumé dans ses repaires, est revenu, vous le savez tous, sous une forme qui n'a cette fois plus rien de respectable. J'ai nommé le personnage qui domine depuis longtemps la scène sociale : l'analphabète secondaire. (...) Notre technologie a développé, en même temps que les données du problème, la solution adéquate : la télévision, média idéal pour l'analphabète secondaire. On verra, en règle générale, des analphabètes secondaires occuper les premières places dans la politique et l'économie ...
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Un jour qu’on lui demandait de quels points de vue il jugeait ses officiers, il dit : « Je distingue quatre espèces. Il y a les officiers intelligents, les travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont par deux. Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller à l’état-major. Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90% de toute armée et sont aptes aux tâches de routine. Celui qui est intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle et la force nerveuse de prendre des décisions difficiles. Il faut prendre garde à qui est sot et travailleur, car il ne provoquera jamais que des désastres. »
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Au demeurant, la dictature se heurtait aussi, dans ces années trente et quarante, à des limites techniques. Les possibilités de surveillance qui font aujourd'hui partie de la vie quotidienne dans les sociétés les plus démocratiques étaient encore inimaginables à l'époque. Cela explique peut-être l'impression étonnante de franchise et d'imprudence que nous donnent beaucoup de journaux intimes et de lettres de ces années-là, et l'impunité relative de la "rouspétance" générale. La principale source qu'exploitait la Gestapo, ce n'était pas un système omniprésent d'écoutes et de surveillance, c'était le phénomène épidémique de la dénonciation.
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Comme tout criminaliste l'apprend à ses dépens, les déclarations des témoins oculaires ne sont pas toujours à prendre pour argent comptant. Même les rapports faits de bonnes volontés présentent plus d'une fois des lacunes et des contradictions. Le désir de se faire valoir ou d'enjoliver les choses peut créer autant de confusion qu'une mémoire défaillante ou d'insolents mensonges.
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- Attends ronchonna le bonhomme, c'est une véritable pagaille... Quelle malédiction ! Tu as raison, ça ne marche pas ! Comment le savais-tu ?
- Je ne savais rien du tout, répondit Pierre, j'ai simplement deviné. Je ne suis pas stupide au point de calculer une chose pareille !
- Espèce de malappris ! En mathématiques, on ne devine pas, compris ? En mathématiques on travaille dans l'exactitude.
- Mais c'est toi qui m'as dit que ça continue jusqu'à perpète ! Ça ne s'appelle pas deviner peut-être ?
-Tu te prends pour qui ? Qui es-tu ? un pauvre débutant, rien de plus ! Et tu prétends me dire comment faire ?
À chaque mot qu'il éructait, le démon des maths grandissait et grossissait. Il cherchait de l'air. Pierre finit par avoir peur de lui.
- Espèce de nain des nombres ! Tête de piaf ! Nullité pointée ! hurle le vieux diable, et à peine eut-il lâché ce dernier mot qu'il explosa de pure fureur dans un grand boum !
Pierre se réveilla. Il était tombé du lit. Il avait un peu le vertige, mais il ne put s'empêcher de rire en pensant à la manière dont il avait mis K.-O. le démon des maths.
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Les époques normales, ça n'existe pas. Savez-vous ce que disent les italiens ?
dans le pire, il n'y a pas de fin.
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On est conduit à penser que ce que voulaient profondément Hitler et ses fidèles, c'était moins la victoire que la radicalisation et la perpétuation de leur statut de perdants. Certes, la rage accumulée s'est déchaînée dans une guerre d'extermination sans précédent contre tous ceux qu'ils tenaient pour responsables de leurs propres défaites - il s'agissait d'abord d'anéantir les Juifs et le camp qui avait imposé sa loi en 1919 -, mais ils ne songeaient pas un seul instant à épargner les Allemands. Leur véritable but n'était pas la victoire, mais l'extermination, l'effondrement, le suicide collectif, la fin dans l'effroi. Il n'y a pas d'autre explication au fait qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale les Allemands ont continué à se battre à Berlin, jusqu’au dernier bâtiment en ruines. Hitler lui-même a confirmé ce diagnostic en affirmant que le peuple allemand ne méritait pas de survivre. Au prix de sacrifices inouïs, il a obtenu ce qu'i voulait : perdre. Mais malgré tout, les Juifs, les Polonais, les Russes, les Allemands et tous les autres sont encore là.
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"Je ne suis pas un héros, tu te trompes sur mon compte. Je fais face quand il le faut. Mais je ne me bouscule pas pour empoigner la roue de l'Histoire, comme vous autres !" Et vint alors un mot complètement désarmant : "Je suis trop paresseux pour ça !" L'explication qui suivit, sur la belle qualité qu’était la paresse, qui permettait à ;l'homme de développer sa raison et d'agir avec réflexion, culmina dans cette sentence : "On a le temps de penser. L'application au travail ne fait que gêner."
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Hans Magnus Enzensberger
EMPRISE DU VENT
  
  
  
  
Quelques mots
légers comme
des graines de peuplier

S’élèvent
tournoient au vent
retombent

Difficiles à saisir
ils portent loin
semblables aux graines du peuplier.

Certains mots
libèrent la terre
plus tard peut-être

Ils jettent une ombre
une ombre mince
ou peut-être pas.


/ Traduction Elisabeth Gerlache
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"Puisque le troupeau de moutons que sont les Allemands a élu un tel Führer, qu'ils le paient jusqu'au bout" Il ne fallait pas épargner cette expérience amère aux Allemands p. 198
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DÉFENSE DES LOUPS


HÔTEL FRATERNITÉ

Celui qui n'a pas de quoi se payer une île
Celui qui devant le ciné attend la reine de Saba
Celui qui de colère et de chagrin déchire sa dernière chemise
Celui qui cache en douce un doublon dans sa godasse
Celui qui se contemple dans l'œil glacé du maître chanteur
Celui qui grince des dents sur les manèges
Celui qui renverse du vin rouge sur sa paillasse
Celui qui fait flamber lettres et photographies
Celui qui sur les quais siège sous les grues
Celui qui nourrit l'écureuil
Celui qui n'a pas le sou
Celui qui se contemple
Celui qui cogne au mur
Celui qui crie
Celui qui boit
Celui qui ne fait rien

mon ennemi
sur le balcon accroupi
sur le lit sur l'armoire
par terre partout
accroupi
les yeux braqués sur moi
mon frère.

p.20
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Notre vie fourmille d’anachronismes. J’entends par là, pour employer les termes d’une honorable source devenue elle-même entre-temps anachronique, «anything done or existing out of date; hence, anything which was proper to a former age, but is, or, if it existed, would be, out of harmony with the present» (Oxford English Dictionary, 1971). L’écriture, la lecture de poèmes et a fortiori toute réflexion sur ces deux activités, comptent sans doute parmi les manifestations les plus remarquables de cette catégorie.
Je ne vois pas pourquoi l’on devrait pâlir à cette idée. Mesurées aux normes dominantes de nos sociétés, la plupart de nos occupations sont en fin de compte anachroniques, et l’on peut très légitimement se demander si le suicide ne serait pas préférable à une vie menée de bout en bout et sans aucune faille de manière absolument contemporaine. Il n’est pas déshonorant de ne pas vivre avec son temps ; c’est seulement gênant, du moins quelquefois. Et le plaisir que l’on y prend parfois ne saurait pâtir de la conscience que l’on en a.
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Le fait que l'énergie destructrice des activistes islamistes se tourne essentiellement, au contraire de ce que semble croire l'Occident, contre les musulmans eux-mêmes n'est donc de ce point de vue ni une erreur tactique ni un "dommage collatéral". Rien qu'en Algérie, leurs actes terroristes ont coûté la vie à au moins 50 000 de leurs concitoyens ; d'autres sources évoquent jusqu'à 150 000 assassinats, auxquels toutefois ont également participé les militaires et les services secrets. En Irak et en Afghanistan aussi, le nombre des victimes musulmanes dépasse largement celui des victimes étrangères. D'ailleurs, la susceptibilité hystérique dont ils font preuve dans leurs rapports au monde extérieur disparaît comme par enchantement lorsqu'il s'agit de conflits internes au monde arabe. Lorsqu'en Irak, au Tchad, au Darfour ou en Afghanistan des musulmans tuent d'autres musulmans, on s'en soucie comme d'une guigne, pas l'ombre d'une fatwa ne se profile à l'horizon. Tout comme l'unité panarabique, la solidarité de l'oumma conjurée dans le Coran se révèle être un pieux mensonge.

Le projet des perdants radicaux consiste, comme en ce moment en Irak ou en Afghanistan, à organiser le suicide de toute une civilisation. Il est peu probable qu'ils réussissent à étendre indéfiniment et à perpétuer leur culte de la mort. Leurs attentats représentent un risque toujours présent en arrière-plan, comme la mort quotidienne sur les routes, à laquelle nous sommes habitués. Il faudra bien qu'une société globalisée, qui dépend de combustibles fossiles et qui produit constamment de nouveaux perdants en prenne son parti.
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Orage d’hiver
  
  
  
  
Quand l’air devient blanc,
que la vision perd la vue,
que le ciel tonne et fulmine,
que dans les bureaux s’éteint la lumière,
et que seule la sirène des pompiers
traverse le voile de neige
qui s’amoncelle en congères lumineuses,

les soucis, les affaires, les urgences
disparaissent pour un quart d’heure,
et sans penser à rien, enfin,
tu laisses ton regard se perdre
dans ce monde d’une aveuglante obscurité.


/ Traduction de l’allemand par Frédéric Joly et Patrick Charbonneau
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Le seul acteur à viser dès le départ un but clair était Adolf Hitler. Tous, et les communistes les premiers, ont sous-estimé son énergie destructrice et son absence de scrupules, ainsi que sa capacité à mobiliser les masses désespérées. P.53.
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J'aurais voulu faire l'éloge de l'aurore boréale
parce qu'elle est belle
et qu'elle ne saurait être mutilée.
j'aurais voulu dire :
pense à ces comètes rares
à l'abri de tout,
à ce vieux coeur du Groenland
impassible
dans sa cuirasse ; et pense, ma main,
à ce que tu ne toucheras jamais,
c'est cela le monde, et c'est beaucoup,
et nous, pas grand chose.
j'aurais voulu faire l'éloge de l'aurore boréale.

mais dans ses crevasses de glaces sans âge
il ne dit rien
le coeur du Groenland
qui de mensonge convainc le mien.
je parlerai donc de nous, ma main,
de ce qui est fragile,
si peu digne d'éloge -
et quels éloges en un temps si bref ! -
car c'est un chancre là qui qui ravage
les crevasses ; et toi, ma main,
je te plongerai
dans ce purin de morts et de cris.
(Le cœur du Groenland)
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Il ne fallut pas longtemps à Durruti pour se rendre compte que le Comité central n'était qu'un organe de gestion. On discutait, négociait, votait, il y avait des dossiers, on y accomplissait un travail de bureaucratie. Mais Durruti n'était pas un rond-de-cuir. Dehors, on tirait. Il ne supporta plus cet état de choses. Il mit sur pied sa propre division, la colonne Durruti et, à sa tête, prit la route du front d'Aragon.
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"Rien n'indique pour le moment que les Européens inclinent à se défendre contre leur mise sous tutelle politique. Certes, les manifestations de mauvaise humeur ne manquent pas, ni les sabotages silencieux ou patents, mais au total le célèbre déficit démocratique ne provoque pas de révolte, plutôt du désintérêt et du cynisme, le mépris pour la classe politique, et une dépression collective."
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C'est d'ailleurs un trait caractéristique des scandales et des révélations : plus on les dévoile et moins sérieuses en sont les conséquences. (...) On le constate pour des choses aussi courantes que les ententes de cartels, les financements biaisés de partis, les scandales aux subventions, le blanchiment d'argent, la corruption et le trafic d'armes. Chaque mention de ce genre d'activités est reçue sans ciller puis oubliée de la même façon.
Les scènes de torture dans l'enceinte d'Abou Ghraib, visibles en permanence sur YouTube, ont seulement conduit à ce que les soldats directement impliqués soient condamnés à des peines de prison -six mois ferme pour la photographe par exemple- sans que l'on inquiète les huiles du Pentagone.
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