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Bernard Lortholary (Traducteur)
EAN : 9782070121960
400 pages
Gallimard (11/02/2010)
3.92/5   126 notes
Résumé :
"La peur n'est pas une vision du monde."
C'est par ces mots qu'en 1933, Kurt von Hammerstein, chef d'état-major général de la Reichswehr, résolut de tourner le dos à l'Allemagne nouvelle, et à Hitler devenu chancelier. Issu d'une très ancienne lignée d'aristocrates prussiens, Hammerstein méprisa profondément l'hystérie funeste où s'engageait son pays. On voulut ignorer son avertissement, et c'est en vain que le général, de complots en dissidences, tenta de fr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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le baron Kurt von Hammerstein est une figure oubliée de l'histoire allemande.
Ce militaire supérieurement intelligent a pourtant dirigé la Reichswehr jusqu'à sa mise à la retraité d'office début 1934, un an après l'arrivée au pouvoir de Hitler.
Sans s'engager ouvertement contre le régime nazi, il a gardé, jusqu'à sa mort en 1943, ses distances avec lui. Ses enfants, eux, n'ont pas hésité à franchir le pas : ses filles rejoindront le parti communiste, se marieront avec des Juifs, espionneront pour le compte de l'URSS, ses fils comploteront avec von Stauffenberg contre Hitler. Sans jamais s'en vanter : "ils ont simplement fait ce qui devait être fait" (p. 374).
Si Hans Magnus Enzensberger, phare intellectuel de la gauche allemande, s'est intéressé à lui, c'est parce que "l'histoire de la famille Hammerstein (...) en dit long sur la façon dont on pouvait survivre sous le régime hitlérien sans capituler devant lui" (p. 210)
Qu'il y ait eu dans l'hostilité au "petit caporal autrichien", un certain snobisme de classe n'enlève rien à l'intransigeance de Hammerstein.
Il mesure avec réalisme le soutien dont jouit Hitler dans la population allemande. Quand on lui parle d'assassiner le Führer, il répond avec clairvoyance : "Vous allez faire de Hitler un martyr". Et avec un mélange de fatalisme et d'élitisme, il ajoute : "Pusique le troupeau de moutons que sont les Allemands a élu un tel Führer, qu'ils le paient jusqu'au bout" (p. 214)

Il faut reconnaître à Enzensberger le mérite d'avoir exhumer de l'oubli cette figure admirable.
Pour autant, son livre, élu meilleur livre de l'année 2010 par la revue Lire, appelle de ma part quelques réserves de forme. Il se présente comme un patchwork d'extraits de mémoires ou de documents officiels, de photos, d'interviews posthumes (sic !). Là où Daniel Mendelsohn avait trouvé une forme stupéfiante pour faire revivre "Les disparus", Enzensberger livre un travail de bric et de broc, un peu fourre-tout. Outre qu'il fait peu de cas de la rigueur universitaire, il présente le danger de tout niveler, le véridique et le vraisemblable, l'anecdotique et l'essentiel.
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Les Hammerstein s'y rendent en voiture, ordinairement en automne ou en hivers pour la chasse. Au château, les hôtes de marque se succèdent. Il s'agit d'amis du conte – la litanie des von quelque chose. La famille du généralissime apprécie le charme discret de cet endroit idyllique. Elle est logée à la « commanderie ». Les parties de chasse comptent parmi les rites de cette société très aristocratique. Dès l'aube, le réveil au cor est donné à chaque angle de la grande bâtisse. Il est sonné encore au premier et au dernier rabat. La chasse s'achève seulement au crépuscule et toute la meute masculine rejoint alors le château. Canards, sangliers, lièvres, outardes, chevreuils, sont alignés par espèce, sur un lit de sapin, au pied du solennel perron tandis que les cuivres retentissent une dernière fois. Les invités, femmes et hommes en tenue de soirée, réapparaissent la nuit tombée dans la grande salle brillant de tous ses lustres.

Il existe des photos des enfants du général Hammerstein, elles sont reproduites dans le livre de Hans Magnus Enzensberger. Maria Therese à cheval sur sa grosse moto, vous fixe droit dans les yeux, souriante, provocante, épanouie. Marie Luise au contraire, sur un autre cliché, cheveux coupés à la garçonne regarde au loin, pensive, volontaire, elle vous ignore royalement. Helga, quant à elle, pétillante de malice et d'intelligence, vous éclate de rire au nez. Ludwig, lunettes d'intellectuel et demi sourire, ne semble pas à sa place dans son uniforme de la Wermarth. Et que dire des portraits d'Hammerstein père, ce chef d'état-major de la Reichswehr ? Bonhomme, grand seigneur, le regard froid, sans doute est-il d'une extrême intelligence ?

Le décor est planté pour un remake germanique de » Gosford park », le film d'Altman. À l'occasion d'une partie de chasse, on devrait voir se mettre en place, en pleine résistible ascension d'Hitler, les deux univers parallèles, presque symétriques, des maîtres et des petites gens : hiérarchie, formalisme, mesquinerie, querelles intestines, racisme ordinaire, solidarités… La réalité est plus complexe que la fiction et la littérature que le cinéma. La personnalité, l'anti conformisme d'une famille, l'intelligence introduisent de l'altérité. Les personnages pensent contre eux-mêmes. le généralissime, en pleine période de terreur fasciste, faisait preuve d'une froide désinvolture et d'une glaciale intransigeance. « Il allait droit son chemin, tenait le cap qu'il estimait s'imposer, et ne se souciait pas de savoir s'il plaisait ou était rejeté». Les filles fréquentaient les milieux intellectuels cosmopolites, elles militaient et tentaient de s'opposer au nazisme. Les fils participaient à l'attentat contre Hitler en juillet 44. Nous découvrons avec ce «non roman» des aspects tout à fait inconnus de l'histoire allemande.

L'auteur, à plus de 80 ans, prend une liberté folle avec les genres : utilisation de documents, témoignages, entretiens imaginaires, conversations posthumes et réflexions digressives (gloses : République de Weimar ; Russie ; aristocratie et ses valeurs ; ambiguïté). Une composition en étoile autour du général lui permet de multiplier les points de vue et les interlocuteurs. Hans Magnus Enzensberger maitrise parfaitement l'art de la description, de l'anecdote et de la mise en scène. Nous remontons avec lui aux origines de la catastrophe allemande, nous pénétrons les cercles du pouvoir. Ce livre, avec ces courts chapitres, est un objet hors norme. Entrez, l'auteur vous convie à une belle, passionnante et dense méditation sur la morale individuelle, la transmission, le refus et la résistance.
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A travers le portrait de ce général Kurt Hammerstein et de sa descendance (il sera père de sept enfant) c'est le refus d'allemands de suivre Adolf Hitler dans sa folie funeste et dévastatrice que nous raconte l'auteur. Hammerstein issue de la haute bourgeoisie prussienne refusa clairement de donner les pouvoirs à ce petit caporal arrogant et sanguinaire. Un choix clairement assumé, lui qui donna une éducation libérale à ces enfants, ceux-ci prenant clairement la voix de la résistance au péril de leur vies. Enzensberger livre un travail remarquable entre biographie, essai, photographie historique d'une époque qui allait devenir une honte à jamais refermée pour l'Allemagne. Et le courage de dire non d'une famille alors que les sbires d'Hitler commençaient la purge des opposants. Hammerstein qui ironie du sort, mourut n'on pas comme beaucoup d'opposants devant un peloton d'exécution mais d'un cancer en 1943. Et preuve du courage de la famille, celle-ci refusa que le drapeau à croix gammée ne recouvre le cercueil. Une fascinante plongée dans une période trouble, Enzersberger démontre à force de témoignages, d'archives, de conversations posthumes, avec aussi un grand nombre de photographies, les années sombres d'un pays basculant dans le nazisme. Un récit historique passionnant à l'écriture érudite.
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"Dans les circonstances qui prévalent en Allemagne, il me semble que le général von Hammerstein s'est engagé dans un jeu risqué". Ainsi parle un attaché militaire américain en 1934 à propos du personnage fascinant de Kurt von Hammerstein.

Membre de la noblesse, militaire de haut rang, ayant gravi tous les échelons jusqu'au poste de responsable général de l'armée, von Hammerstein est débarqué, à sa propre demande, par Hitler lors de son arrivée au pouvoir, pour avoir exprimé, très tôt et avec une admirable clarté, son hostilité pour les idées nazies. Au travers du destin d'Hammerstein et des siens, c'est toute l'histoire récente de l'Allemagne qui est restituée, dans ses paradoxes et ses ambiguïtés.

L'intérêt réside principalement dans la singularité irréductible du récit. La forme, très originale, et pour tout dire inclassable, alterne des fragments d'une enquête (menée de manière minutieuse), des conversations posthumes menées avec les protagonistes aujourd'hui disparus, et ce que l'auteur appelle des "gloses", passionnantes réflexions menées sur la période. Des emprunts à tous les genres - roman, biographie, essai - sont pour beaucoup dans l'oeuvre talentueuse que construit ici Hans Magnus Enzensberger.

Les chapitres, courts et bien balancés, rythment une lecture jamais ennuyeuse pour ce qui n'est pourtant pas un roman. Il faut toutefois un peu de concentration, surtout si l'on est contraint à une lecture hachée qui permet difficilement de s'y retrouver, surtout au départ.

Néanmoins, c'est progressivement un portrait familial attachant et même émouvant qui se dessine, révélant l'admirable dignité des Hammerstein jamais compromis avec le régime, et même résistant, au travers de la désinvolture apparente et de l'intransigeance du père, du militantisme des filles, et de l'engagement des fils dans l'organisation de l'attentat et de la tentative de coup d'Etat du 20 juillet 1944. Un écheveau de vies broyées par le nazisme et la guerre, des personnages complexes au existences courageuses.

"Je n'ai guère connu personne qui fût aussi manifestement hostile au régime, sans aucune prudence, sans aucune crainte. [...] [Sa] bonhomie apparente était aux antipodes des condamnations cinglantes qu'il prononçait, avec un léger accent berlinois, lentement, comme en passant, mais en mettant dans le mille. Cela lui valait la réputation d'être aigri. On a vite fait d'appliquer cet adjectif à ceux qui voient clair."
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Ça parle d'un général de bonne famille, très intelligent et très influent qui s'est opposé à la prise de pouvoir par Hitler car il avait vite perçu l'immense danger.

Comme il ne souhaitait pas travailler pour le Führer, le général a quitté la vie active et s'est adonné à la chasse au sanglier (à vrai dire uniquement de manière occasionnelle, car son train de vie n'était pas fastueux). Il aurait pu organiser un putsch avec son camarade haut placé, mais il a laissé les choses suivre leur cours. Il avait ses compatriotes en piètre estime pour avoir, par désespoir, porté au pouvoir le parti nazi. Il a déclaré qu'ils méritaient de boire la coupe jusqu'à la lie. le général est décédé en 1943 et n'a plus été témoin de l'ampleur du désastre.

Ce général, avec sa vaillante et belle épouse de bonne famille, a eu sept enfants. Les sept enfants se sont opposés activement aux nazis : deux d'entre eux en se ralliant à la cause communiste et en espionnant pour les soviétiques, deux autres en participant à l'attentat de 1944 contre Hitler. Ils ont pris des risques. A ce moment, notre histoire prend des multiples ramifications.

Ce livre est une réflexion sur l'histoire, dense et très exigeante. Attachez vos ceintures. Avec ce compte rendu j'ai simplifié.

A mes yeux cet essai historique est passionnant : parce qu'il se penche sur un moment à la fois complexe et trouble de l'histoire. J'ai bien aimé suivre les destins d'exception des protagonistes. La posture tragique de Hammerstein père, hyper lucide, il voit les choses venir mais ne trouve pas le moyen d'arrêter la catastrophe. « Toute cette guerre doit être qualifiée de crime, un crime dont nous périrons tous. » (p309).

Une mention particulière pour la manière de présenter les évènements et les figures - l'auteur n'a pas peur de laisser planer l'ambiguïté, il fait travailler nos neurones.
Le début du livre est particulièrement ardu. Dans un premier temps j'ai zappé en page 55 et je suis revenue après. Wikipédia m'a été d'un grand secours.

Suggestion de lecture en complément : les livres de Sebastian Haffner
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critiques presse (1)
Lexpress
25 novembre 2011
Hammerstein ou l'intransigeance dresse le portrait du chef d'état-major de l'armée de la république de Weimar.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Lorsqu'ils se rendirent compte que Hindenburg les avait dupés, Hammerstein se concerta dans la matinée du 29 janvier avec Scleicher au ministère de la Défense ; étaient présents Ferdinand von Bredow, second du ministre de la Défense, Eugen Ott du service de la Wehrmacht, Erwin Planck et Bussche. Hammerstein dit qu'il estimait que Hindenburg n'était plus responsable de ses actes. Qu'il fallait proclamer l'état d'urgence, arrêter Hitler et se mettre d'accord avec le SPD. Pour cela il était nécessaire de mettre la garnison de Potsdam en état d'alerte.
Schleicher refusa, disant que la troupe n'était pas prête à une telle action. Que Hindenburg, dans le peuple, était vénéré comme un demi-dieu ; rien que pour cela déjà, la Reichswehr ne pouvait rien entreprendre contre Hindenburg.(...Il existe une note manuscrite où Hammerstein a résumé ce qui s'est passé ensuite ce jour-là :
"Le 29 janvier a eu lieu dans mon bureau une explication entre le chancelier démissionnaire, mais expédiant encore les affaires, von Schleicher, et moi. Nous nous rendîmes compte tous les deux que seul Hitler était possible comme Reichskanzler. Tout autre choix ne pouvait qu'entraîner la grève générale, voire la guerre civile, et du coup une intervention extrêmement inopportune de l'armée à l'intérieur et contre deux côtés, contre les nationaux-socialistes et contre la gauche. Nous examinâmes tous deux si nous connaissions des moyens pour uniquement influer sur la situation de manière à éviter ce malheur. Le résultat de nos réflexions fut négatif. Nous ne voyions pas de possibilités d'exercer encore quelque influence sur le Reichspräsident. Finalement je décidai, en accord avec Schleicher, de chercher à avoir une explication avec Hitler. Elle eut lieu le dimanche entre 3 et 4 heures de l'après-midi dans la maison des Bechstein. J'y ai fait part à Herr Hitler de mes préoccupations."
Il s'agissait de savoir si Hitler, au cas où Hindenburg le nommerait chancelier, conserverait le général von Scleicher, l'ami de Hammerstein, comme ministre de la Reichswehr. Hitler l'assura à Hameerstein, bien que dès ce moment la cause fût entendue : Schleicher serait débarqué et remplacé par le général von Blomberg.
Ces conversations mettent en lumière deux choses : la direction de l'armée était mal informée sur la situation réelle au cours de ces journées, et elle ne se voyaiy pas en état d'opposer une résistance sérieuse à la nomination de Hitler.
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Un jour qu’on lui demandait de quels points de vue il jugeait ses officiers, il dit : « Je distingue quatre espèces. Il y a les officiers intelligents, les travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont par deux. Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller à l’état-major. Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90% de toute armée et sont aptes aux tâches de routine. Celui qui est intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle et la force nerveuse de prendre des décisions difficiles. Il faut prendre garde à qui est sot et travailleur, car il ne provoquera jamais que des désastres. »
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Au demeurant, la dictature se heurtait aussi, dans ces années trente et quarante, à des limites techniques. Les possibilités de surveillance qui font aujourd'hui partie de la vie quotidienne dans les sociétés les plus démocratiques étaient encore inimaginables à l'époque. Cela explique peut-être l'impression étonnante de franchise et d'imprudence que nous donnent beaucoup de journaux intimes et de lettres de ces années-là, et l'impunité relative de la "rouspétance" générale. La principale source qu'exploitait la Gestapo, ce n'était pas un système omniprésent d'écoutes et de surveillance, c'était le phénomène épidémique de la dénonciation.
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"Je ne suis pas un héros, tu te trompes sur mon compte. Je fais face quand il le faut. Mais je ne me bouscule pas pour empoigner la roue de l'Histoire, comme vous autres !" Et vint alors un mot complètement désarmant : "Je suis trop paresseux pour ça !" L'explication qui suivit, sur la belle qualité qu’était la paresse, qui permettait à ;l'homme de développer sa raison et d'agir avec réflexion, culmina dans cette sentence : "On a le temps de penser. L'application au travail ne fait que gêner."
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Comme tout criminaliste l'apprend à ses dépens, les déclarations des témoins oculaires ne sont pas toujours à prendre pour argent comptant. Même les rapports faits de bonnes volontés présentent plus d'une fois des lacunes et des contradictions. Le désir de se faire valoir ou d'enjoliver les choses peut créer autant de confusion qu'une mémoire défaillante ou d'insolents mensonges.
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Vidéo de Hans Magnus Enzensberger
Hammerstein ou l'intransigeance Marque-page 26-02-2010
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