Il était fortement attendu sur la Croisette, dans la sélection officielle du Festival de Cannes : et pourtant, Loro, le nouveau film de Paolo Sorrentino, qui raconte la vie personnelle de Silvio Berlusconi, n'a pas été sélectionné par Thierry Frémaux et le comité de sélection de Cannes.
Dans ce long-métrage en deux volets, Toni Servillo incarne avec son charisme indéniable le plus fantasque des hommes politiques italien pour une interprétation des plus hypnotisantes, comme il a pris l'habitude de le faire depuis une vingtaine d'années.
Pour Hélène Frappat, qui vient de consacrer un livre à l'acteur, Toni Servillo le nouveau monstre (on note la référence du titre aux films de Dino Risi (Les Monstres - 1963 et Les Nouveaux monstres - 1977), ce nouveau rôle de Servillo s'inscrit de façon totalement cohérente dans sa filmographie globale, tant tous les personnages qu'incarnent l'acteur, qui a pris l'habitude d'entrer dans l'inconscient de l'homme de pouvoir se confondent pour faire de Toni Servillo un "monstre" au sens étymologique du nom.
En effet, selon les arguments- particulièrement judicieux- d'Hélène Frappat, "le monstre ne rapproche pas mais éloigne il ne ressemble, ni ne rassemble". A Hollywood, on appelle ce type d'acteur, séparé du public par son "rayonnement mystérieux", une star ; en Italie, un monstre. "D'un monstre, on ne retient d'ailleurs jamais un personnage, ni même un film, mais plutôt le film continu que la constellation de ses rôles dessine."
Dans ce très bel objet critique qui va au bout de son idée, tout au long de sa centaine de pages, l'auteure nous explique que le monstre est ainsi toujours associé à une unique fonction, et en l'occurence pour Toni Servillo, il s'agit de celle du pouvoir. "Il a interprété toutes les formes du pouvoir humain", qu'il soit frivole (La Grande Bellezza), violent (Gomorra, Une vie tranquille, Un Tigre parmi les singes), en mutation (Il Divo et Loro).
Servillo, que Hélène Frappat a tendance dans son ouvrage à comparer à Isabelle Huppert, autre actrice monstre- qui ont partagé ensemble l'affiche du film de Marco Bellochio "La Belle endormie", ne suscite pas contrairement aux comédiens lambda un phénomène d'identification auprès des spectateurs, mais au contraire un processus de répulsion et d'attrait qu'on peut ressentir pour les monstres.
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