Le cinquième roman de Hemley Boum est une magnifique fresque familiale camerounaise sur trois générations. Elle brosse des portraits nuancés d'hommes et de femmes, nous transportant tour à tour au Cameroun, à Campo et à Douala, et en France, à Paris.
Zacharias mène une vie paisible à Campo, un petit village de pêcheurs, zone frontalière située à l'extrême sud-est du Cameroun, face à l'Atlantique. avec son épouse bien-aimée Yalana et ses deux filles, Dorothée et Myriam. La famille connaît une vie simple, se contentant des produits de la terre et de la pêche. Ce quotidien tranquille est bouleversé par l'arrivée d'une compagnie forestière et la création d'une coopérative de pêcheurs, qui vont bouleverser l'économie locale et déstructurer la vie du village. Au début, le progrès semble être une bénédiction, offrant aux pêcheurs les moyens d'améliorer leur quotidien en leur permettant de s'endetter sur leur salaire, mais bientôt les chalutiers remplacent les petites embarcations des pêcheurs qui ne sont plus compétitifs. Ce métier ancestral ne leur permettra bientôt plus de rembourser les dettes accumulées ni de vivre décemment.
Parallèlement, nous suivons la vie de Dorothée, désormais mère d'un garçon auquel elle a donné le nom de son père. Tous deux vivent de façon précaire dans un quartier de Douala et s'aiment d'un amour inconditionnel. Enfin, le destin de Zachary, devenu Zack.
Zacharias va commettre un crime, un acte presque réflexe et non prémédité qui aura de graves répercussions. Son petit-fils, Zachary, répétera cette erreur de jugement. Hemley Boum met en scène ces deux hommes à la croisée des chemins, qui ont le choix de leurs actions, mais qui feront le mauvais choix. Elle construit son récit en mettant en miroir leurs histoires : chacun d'eux commet un délit qui change sa vie et celle de son entourage, et sera confronté à ses responsabilités personnelles.
L'un des thèmes explorés dans ce roman est celui de l'exil, à travers celui de Dorothée à Douala et celui de son fils Zack à Paris. « L’exil est un bannissement et une mutilation, il y a là quelque chose de profondément inhumain. Les terres lointaines ne tiennent pas leurs promesses. » Mais ce roman est très riche et aborde aussi les questions de la transmission, des différences entre la vie au village et à la ville, du racisme ordinaire, et dépeint les travers humains de manière très subtile.
L'écriture de Hemley Boum est belle et émouvante, et je suis tombée sous le charme de cette fresque familiale qui, comme un opéra, se termine en apothéose. Ligne après ligne, en véritable artiste, elle a construit un récit qui plonge le lecteur, sans le perdre, au cœur d'une histoire où de nombreux personnages aux noms similaires évoluent dans des temps et des lieux différents. Après avoir refermé ce livre à regret, je n'ai qu'une envie : mettre la main sur ses précédents romans !
Retrouvez ma critique complète de ce roman magistral sur mon blog
Lien :
https://lavaliseauxlivres.wi..