Citations de Henri Laborit (534)
Quel que soit ce que l'avenir nous réserve, évolution complexifiante ou révolution, il paraît probable que le réformisme ne suffira pas pour fournir des solutions vraiment neuves. D'autre part, on peut penser que le phénomène essentiel n'est pas d'influencer l'évolution, ce qui n'est le plus souvent qu'une croyance pieuse issue de l'ignorance où nous sommes des déterminismes cosmiques auxquels nous sommes soumis, mais d'avoir suffisamment conscience de cette évolution, et de tâcher d'en découvrir les mécanismes. C'est en effet le seul espoir qui nous reste pour nous rendre indépendant des déterminisme du passé.
p214
Les idéologies les plus altruistes prétendent "libérer l'Homme de ses aliénations" alors que toutes ses aliénations ne sont que la conséquence de son aliénation première à la structure et au fonctionnement de son système nerveux dont personne ne parle jamais.
p202
Il s'agit donc de regarder le monde comme un vaste laboratoire et d'aborder l'écologie sans passion conservatrice [...] Les rapports de l'Homme avec son milieu ne peuvent être considérés comme un écosystème stable, il est même impossible de le souhaiter "car cela supposerait que l'aventure humaine est parvenue à son terme" (René Dubos, 1968).
p110
Rien ne peut être fait ans une révolution - et cette révolution c'est d'abord en nous qu'il faut la réaliser. Mais comment la réaliser sans la diffusion des informations qui lui sont nécessaires, les moyens de diffusions, de l'enseignement aux mass média étant la propriété d'un pouvoir en place ? Faudra t'il attendre, comme le prévoyait Marx, que le capitalisme ne s'écroule sous le poids de ses propres contradictions ? Ne risquons nous pas alors de retrouver un autre pouvoir dominateur peu favorable aux cerveaux imaginants ? Il ne nous reste plus qu'à espérer qu'en la force de persuasion des faits scientifiques pour ouvrir une nouvelle voie à l'évolution humaine. L'examen de certains arguments écologiques que nous allons envisager permet peut-être d'alimenter cet espoir.
On a pu écrire : "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme." Il y aurait été plus efficace de dire : "Conscience sans science de l'inconscient n'est que ruine de l'Homme."
p99
Personne n'ose dire que le profit capitaliste n'est pas une fin en soi, mais simplement un moyen d'assurer les dominances , et que le désir de puissance possède bien d'autres moyens de s'exprimer lorsque la nouvelle structure sociale s'est organisée, institutionnalisée en faveur d'un nouveau système hiérarchique.
Mais évidemment, ceux qui profitent de cette ignorance, sous tous les régimes, ne sont pas prêts à permettre la diffusion de cette connaissance. Surtout que le déficit informationnel, l'ignorance, sont facteurs d'angoisse et que ceux qui en souffrent sont plus tentés de faire confiance à ceux qui disent qu'ils savent, se prétendent compétents, et les paternalisent, que de faire eux-mêmes l'effort de longue haleine de s'informer. Ils font confiance pour les défendre, pour parler et penser à leur place, aux hommes providentiels que leurs prétendus mérites ont placés en situation de dominance, et ils vous disent non sans fierté : « Vous savez, je n'ai jamais fait de politique », comme si celle-ci dégradait, avilissait celui qui s'en occupe.
Pour nous, la cause primordiale de l'angoisse c'est donc l'impossibilité de réaliser l'action gratifiante, en précisant qu'échapper à une souffrance par la fuite ou par la lutte est une façon aussi de se gratifier, donc d'échapper à l'angoisse. (p. 43)
Aimer l'autre, cela devrait vouloir dire que l'on admet qu'il puisse penser, sentir, agir de façon non conforme à nos désirs, à notre propre gratification, accepter qu'il vive conformément à son système de gratification personnel et non conformément au nôtre. Mais l'apprentissage culturel au cours des millénaires a tellement lié le sentiment amoureux à celui de possession, d'appropriation, de dépendance par rapport à l'image que nous nous faisons de l'autre, que celui qui se comporterait ainsi par rapport à l'autre serait en effet qualifié d'indifférent. (p. 33)
Mais l'angoisse était née de l'impossibilité d'agir. Tant que mes jambes me permettent de lui, tant que mes bras me permettent de combattre, tant que l'expérience que j'ai du monde me permet de savoir ce que je peux craindre ou désirer, nulle crainte : je puis agir.
La Pitié permet à celui qui l'éprouve de se retrouver en situation de dominance subjective et de placer celui qui en est l'objet en position de dépendance. C'est un sentiment réconfortant.
Nos désirs du futur ne sont que la pâle image poétisée de notre connaissance du présent.
Toute autorité imposée par la force est à combattre. Mais la force, la violence, ne sont pas toujours du côté où l'on croit les voir. La violence institutionnalisée, celle qui prétend s'appuyer sur la volonté du plus grand nombre, plus grand nombre devenu gâteaux non sous l'action de la marijuana, mais sous l'intoxication des mass media et des automatismes culturels traînant leur sabre sur le sol poussiéreux de l'Histoire, ceux-là même qui envoyèrent le Christ en croix, toujours solidement accrochés à leur temple, leurs décorations et leurs marchandises, la violence qui s'ignore ou se croit justifiée, est fondamentalement contraire à l'évolution de l'espèce. Il faut la combattre et lui pardonner car elle ne sait pas ce qu'elle fait. On ne peut en vouloir à des êtres inconscients, même si leur prétention a quelque chose d'insupportable souvent. Prendre systématiquement e parti du plus faible est une règle qui permet pratiquement de ne jamais rien regretter.
Les moyens de dominance ont changé, mais la domination persiste.
Il est amusant de constater que les pouvoirs tentent de nous persuader de la nécessité de tirer des bordées successives entre l'inflation et le chômage pour atteindre le but souhaité du bien-être dans l'expansion continue. Or, utiliser le profit pour maintenir les échelles hiérarchiques de dominance, c'est permettre, grâce à la publicité, une débauche insensée de produits inutiles, c'est l'incitation à dilapider pour leur production le capital-matériel et énergétique de la planète, sans souci du sort de ceux qui ne possèdent pas l'information technique et les multiples moyens du faire-savoir. C'est aboutir à la création de monstres économiques multinationaux dont la seule règle est leur propre survie économique qui n'est réalisable que par leur dominance planétaire. C'est en définitive faire disparaître tout pouvoir non conforme au désir de puissance purement économique de ces montres producteurs.
On devine ainsi la tromperie que peut constituer ce qu'il est convenu d'appeler la démocratie. L'opinion "politique" d'un individu n'exprimant le plus souvent que sa satisfaction ou son insatisfaction en fonction du niveau qu'il a atteint dans l'échelle hiérarchique, suivant l'image qu'il s'est faite de lui-même, l'opinion d'une "majorité n'est jamais le fait d'une connaissance étendue, à la fois globalisante et analytique des problèmes socio-économiques, mais le résultat de l'intégration d'innombrables facteurs affectifs individuels et de groupe, qui trouve toujours un discours logique ensuite pour valider son existence.
Il est illogique d'ailleurs de vouloir critiquer des faits, mais on peut critiquer l'interprétation prétendument logique de ces faits et le choix prétendument conscient et désintéressé de l'action politique qui en découle.
Je souhaite une culture faisant l'école buissonnière, le nez barbouillé de confiture, les cheveux en broussaille, sans pli de pantalon et cherchant à travers les taillis de l'imaginaire le sentier du désir.
Quand les sociétés fourniront à chaque individu, dès le plus jeune âge, puis toute sa vie durant, autant d'informations sur ce qu'il est, sur les mécanismes qui lui permettent de penser, de désirer, de se souvenir, d'être joyeux ou triste, calme ou angoissé, furieux ou débonnaire, sur les mécanismes qui lui permettent de vivre en résumé, de vivre avec les autres, quand elles lui donneront autant d'informations sur cet animal curieux qu'est l'Homme, qu'elles s'efforcent depuis toujours de lui en donner sur la façon la plus efficace de produire des marchandises, la vie quotidienne de cet individu risquera d'être transformée.
(...) l'ordre ne peut venir que du désordre, puisque seul le désordre permet des associations nouvelles.