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Citations de Henri Queffélec (73)


Feu Potron devait tout ignorer des gardiens de phare, de la rudesse de leur métier, de leur zèle à le pratiquer, pour avoir introduit dans les modalités de sa donation la contrainte d'un tel resserrement des travaux. Sept années. Cela se comparait à un défi, à un pari stupide. Le service des Phares et Balises, quant à lui, a soutenu la provocation. Avec quelques jeux d'écritures qui ne trompaient personne, il a respecté le délai. Faux triomphe. Puisque le temps du renforcement ou de la consolidation se révèle, dès à présent, largement deux fois plus long que le temps de la construction et cela n'en finit pas encore. De Rouville se persuade que le dénouement sera heureux, tout de même il éprouve une amertume. Il pense à la somme d'endurance qui a été exigée, pendant un tel nombre d'hivers, des gardiens au grand cœur.
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La mer... Il faut un acte de foi pour ne pas s'en tenir à ses immédiates et profondes apparences de champ d'épandage travaillé par un séisme, de cratère en fusion. Pour retrouver, sous le furieux maquillage, sous les coups de fouet les tremblements de la tempête, l'éclair tenace des lignes de force. Grisées par l'alcool trouble des rafales, toutes les vivantes divisions régulières de la houle qui déferlent et se jettent dans le plus furieux des corps à corps parmi les courants barbares, armés de remous, qui les disloquent. Dans cette révolution aveuglante, assourdissante, d'ondes et de masses, d'attaques, de soubresauts et de chocs, un ordre se recherche et se détruit sans cesse, et une secrète, une étrange discipline assigne à la violence un dessein qui la limite...
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Si un homme s'avisait de démêler un jour tout ce qui a pu intervenir et survenir pour l'édification d'un phare, la Jument par exemple, il ne perdrait pas non plus le temps lent et difficile qu'il y passerait. Quels que fussent les atermoiements, les labyrinthes où il engagerait sa recherche.
Et à supposer que cet homme retraçât dans un livre tout ce qu'il aurait découvert, son lecteur ou sa lectrice ne perdraient pas davantage leur temps lorsqu'ils suivraient les hésitations de sa démarche.
Se battre avec l'inconnu, voilà ce qui compte. Fouiller. Tenter de comprendre. Tant pis si la clarté de dérobe chaque fois qu'on avait imaginé entendre son rire et qu'on se promettait d'y accéder...
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Femmes qui lisez ces pages et vous trouveriez mal servies par l'exaltation d'un métier de mâles, calmez-vous. Quand nous prenons les chemins de la mer matricielle, nous ne cherchons pas à vous fuir. Entre la mer et vous une alliance est établie. Souveraine. Pourrait-on s'écarter de vous jamais, donatrices de la vie par accord de l'océan ? Quelles solitudes vos images n'envahissent-elles pas aussi ardentes que le lançon pénétrant le sable, tenaces que le goémon proliférant sur la quille des bateaux ? L'homme naît dans la femme. Les organes de sa virilité autant que ses glandes lacrymales et le fuselage de son squelette. Tout cela repose dans la même moiteur originelle. Tout l'homme est de vous. Ses ongles, ses dents, son sang vif, son rire.
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Les grands calvaires qui se dressent dans quelques-uns des cimetières de Bretagne et passent pour des monuments originaux de la province, se déploient toujours au-dessus d'un vaste et robuste soubassement, qui a reçu le nom technique de « mace ». Chaque phare de mer, aussi, monte au-dessus d'une plate-forme, d'un bloc de béton qui fournit à la tour une meilleure assise et la délivre du plus grand nombre des chocs de vagues. L'ingénieur de Joly s'attend que la plate-forme de la Jument soit achevée en 1906... Méfiance, travailleurs. Veillez que le beau fût que vous commencerez peut-être d'édifier en ouvrant la campagne de 1907 ne mérite jamais de s'appeler un calvaire...
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Le Finistère chauffe la besogne. Le conducteur du chantier, Heurté, semble déployer en même temps une activité de général révolutionnaire et un génie de bricoleur qui ferait rougir les artisans parisiens. Aussi bien les obstacles eux-mêmes que les moyens que l'administration fournit pour les vaincre l'émoustille. On ne sait pas toujours à quoi s'emploie son zèle, il y a en lui du cachottier, mais il inspire confiance. Il vaincra la Jument. Il lui clouera son phare aux pattes, à cet écueil sauvage que malmènent des courants de huit nœuds et demi, et l'opération se déroulera dans les délais.
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Année après année, mètre cube de maçonnerie par mètre cube de maçonnerie, il avait fallu arracher l'exécution d'Ar-Men à l'exiguïté d'une roche, à la sauvagerie tyrannique de l'Océan. Et puis ! Une fois qu'on avait réussi à édifier l'ouvrage, il s'était révélé château branlant. Il avait fallu - encore une lutte menée dans l'angoisse - le reprendre par la base. Et aujourd'hui, chaque soir, le phare d'Ar-Men s'allumait, quel que fût l'état de la mer et du ciel, à la minute réglementaire, imperturbable. Et des centaines de navigateurs déchiffrant leur route le guetteraient dans la nuit. Il gardait quant à ses drames la même discrétion que le solide guerrier du désert dont on ne voit que le yeux dans son burnous et qui a pu être nouveau-né souffreteux, disputé à la mort... Ar-Men. Une défaite, refusée, qui se transforme en victoire. La technique, dont les méthodes s'amélioraient chaque jour, y tenait un encouragement merveilleux pour ses audaces. Jamais peut-être l'ingénieur Eiffel n'eût dressé en plein Paris, sur le Champs-de-Mars, face à la colline du Trocadéro, la girafe de métal, harmonieuse et démesurée, dont le monde entier, après Paris, était en train de s'enticher, s'il n'avait eu l'exemple de la stabilité d'Ar-Men.
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Qu'ils eussent aimé se présenter à Dieu avec les mages! Un quatrième mage existait dans leurs rêves, un simple pêcheur, apte à suivre sur les collines désertiques les mêmes étoiles qui le guidaient sur les eaux, et qui ne pouvant rien offrir de rare, aucun parfum, aucun métal, eût offert à Dieu les pauvres biens de son corps, sa fidélité, sa ruse et sa force. Mais tandis que les autres n'offraient qu'une part de leurs biens, il avait tout apporté...
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Quel miracle cette île! Combien il avait raison, M. Pennaneach, le dernier curé, de soutenir que tous les enfants de l'île devraient porter, comme second prénom, celui de Moïse, sauvé des eaux. L'île de Sein, ni plus ni moins que la corbeille de Moïse, avait été protégée par Dieu. Elle eut dû mille fois couler sous la mer. Elle défiait les éléments, cette petite chose plate, ce récif maigre et venteux, elle était dans la mer comme Jonas dans la baleine, comme Daniel dans la fosse aux lions. C'était miracle qu'une fois pour toutes, un beau jour, les flots ne déferlent pas dessus, ne l'arrachent, ne l'entraînent pas dans les abîmes, et le miracle, et le miracle à chaque instant se poursuivait.
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L a tempête file, et les bateaux, et la nuit. A chaque seconde éclatent des milliers de lames et les étraves défoncent la mer. La nuit et les hommes iront jusqu'au bout d'eux-mêmes, le mécanisme est déclenché.
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La mer mangeait l’île. Eux, ils capturaient les poissons de la mer. Ils s’étaient installés sur le dos de la mer comme des puces sur le dos d’un chien et ils vivaient de sa substance tandis qu’elle cherchait à les abattre. Guerre sans paix ni trêve.
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Le raz de Sein apparut. Les vagues dansaient, sautaient, la mer se creusait et se boursouflait, s'écrasait contre les récifs. Sur un large espace, damné ou sacré, elle semblait en ébullition et en furie constantes, clapotant, s'effondrant, se dressant, avec des gestes monotones et farouches d'ivrogne ou de sourd-muet.
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Un crabe, les deux pinces ouvertes, voilà très exactement à quoi ressemble notre île. [...] Ce n'est pas nous qui l'avons modelée ainsi, pas plus que nous ne l'avons ceinte de ses courants fantastiques, virant bord pour bord à la marée, ni flanquée de son île Keller, auberge rouge pour tempêtes. Ce n'est pas nous qui avons éparpillé dans ses eaux les mille éclats de granit, que l'on peut nommer indifféremment des rochers, des cailloux ou des pierres, et qui sont tous capables, dès qu'on les sollicite, de crever un bateau dont le capitaine eût déjà fait le tour du monde.
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C'est ça la liberté. Envoyer promener un temps les couvertures.
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Mes chers futurs collègues, je vous invite avec une extrême solennité à ne jamais embarquer de lapins, vivants ou morts, ces bêtes vous causeraient les pires ennuis. J’ai dit “jamais ” et je le répète. L’homme de mer qui écrit ces lignes une rage au cœur sait de quoi il parle. Car il aime et admire toute la Création. Il aime et admire le lapin lui-même... À terre ! Je vous en supplie, Messieurs et chers amis les capitaines de bateaux, laissez à terre tous les représentants de la gent lapine.
Pour vous faciliter l’exécution de ma consigne, je vous en laisse une deuxième. Personne, sur vos bateaux, ne prononcera jamais le mot “lapin ”. Que la présence de ce bisyllabe dans les conversations de bord soit interdite avec la même rigueur que la forme de l’animal lui-même du haut en bas de vos unités.
Sain de corps et d’esprit, je signe ce message qui clôt mon journal et je m’apprête à surveiller le débarquement.
Fait à bord de L’Arche.
Amiral Noé, capitaine du bâtiment. 
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Un gravat s'éparpille et, comme un trésor sous la pioche du démolisseur, la lune se montre, qui jette sur les choses sa lumière pâle, égarée. Astre inachevé, rogné sur les bords comme un vieux sou, mais ayant trouvé sa posture de reine fainéante de la nuit.
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Les mots sont des nasses ridiculement étroites. On y enferme trop peu d'idées.
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Sous le ciel bas et maintenant hurleur, elle traversait les champs et les prairies de son lourd pas masculin, en larges hanchées qui déportaient son corps, tantôt à droite, tantôt à gauche, et le vent soulevait ses cheveux comme des algues et claquait dans ses jupes comme sur une armoire.
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Vous interdisez les épaves et vous voulez qu'on se marie ? Y a pas de raison. Les chrétiens n'ont pas été mis sur la terre pour manger des cailloux et boire de l'eau salée.
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Nuit sans étoiles, grasse et gluante comme du varech frais, peuplée de gouttes de pluie solitaires et menues qui touchaient le corps avec douceur.
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