Je retrouve avec plaisir Hermann Hesse, cet écrivain d’origine allemande, vivant exclusivement en Suisse, cet écrivain à une citoyenneté cosmopolite, toujours en lien avec la littérature mondiale, cet homme respire la terre qui l’entoure, son ouvrage Description d’un paysage, au sous-titre miniature suisse, nous livre la Suisse de son cœur à travers différents tableaux, glanés au fil des années à travers quelques récits de proses intimes, de carnets personnels, réalisés au fil de ces balades helvétiques et d’autres moments vécus dans son pays d’adoption La Suisse. Au fil de mes lectures passées, j’ai lu Siddhartha, ce roman spirituel, philosophique m’emportant en Inde, Le loup des steppes, un roman sur la dérive de soi et l’acceptation et Demian, un roman intime inspiré de ces entretiens et analyses avec le Docteur Josef Bernard Lang, son psychanalyste, trois découvertes littéraires différentes, de diverses émotions, souligne la pluralité d’écriture d’Hermann Hesse.
J’aime errer dans la Nature auboise, lieu où je réside, Description d’un paysage, est une visite de la Suisse à travers le regard d’Hermann Hesse, ses excursions, ses promenades en bateaux sur le lac des 4 cantons, puis d’autres moments plus aériens, comme le vol en avion au-dessus de Berne, des souvenirs d’enfance à Bâle, ceux du Tesson : comme la fête de la Madone, un jour d’automne, une soirée d’été et ses Églises et ses chapelles, ses randonnées au gré des saisons, aussi cet observatoire bernois, la cabane de berger et tant de souvenir qui enveloppe ces années de 1905 à 1960 de la vie d’Hermann Hesse. Une préface de Siegfried Unseld résume parfaitement la citoyenneté de l’auteur et de son regard sur la Suisse, Hermann Hesse en 1950 pensait que la Suisse était devenue sa patrie, tout en disant le contraire plus tard, c’est l’ambiguïté de ces origines qui font de lui un habitant de la terre et non celui d’un pays exclusif. Presque un demi-siècle d’échange intime est couché dans ce recueil ou lors des errances d’Hermann Hesse dans les paysages qui ont peuplé ces vagabondages, l’écrivain s’abandonne à de diverses réflexions sur le monde qui l’entoure. Un amour inconditionnel pour la région du Tesson déborde dans ce livre, la plupart de ses textes choisis sont une déclaration personnelle pour cette région si particulière pour l’écrivain, peintre, artiste qu’il peut être, Hermann Hesse aime voyager, aimant les excursions, les balades, la recherche de moment solitaire et en groupe pour retrouver en lui, la part de Dieu, celle perdue par l’industrialisation et ce monde moderne qu’il distille dans certains de ces passages écrits, comme ces profiteurs de guerre rencontrés dans un hôtel et ces touristes berlinois lors de Pâques polluant sa ville, Hermann Hesse évapore ses états d’âmes dans une description humaine, intime, du paysage que son regard absorbe dans la légèreté prosaïque émotionnelle de son être, comme le titre de ce livre Description d’un paysage, issu d’un écrit de 1947, Hermann Hesse se perd lentement dans le paysage qui le protège d’une douceur fraternelle, aspiré dans la bivalence d’une nature sauvage et domestique s’affrontant dans la passivité du temps, Herman se dissout dans l’absolu beauté de ce qui l’entoure, pour le noter dans un texte où se fige à nous le tableau de son regard, cette perception chavirant son esprit pour le plaisir de l’offrir à son double du futur, comme la peinture littéraire d’un nouveau regard. Ces écrits figent Hermann dans le passé de ces émotions face aux paysages qu’il foule lors de ces promenades et excusions, ces réflexions dans la solitude de ces rêveries pédestres, sont souvent très sages, avec des notions philosophiques très humanistes, puis des positions personnelles sur le monde qui se dévore de l’intérieur par des guerres qui brisent des vies et assombries la jeunesse, Hermann Hesse s’interroge, s’émerveille, poétise, nous invite à voyager avec lui sur ces terres sublimes, toutes cachent une émotion, une anecdote, un sentiment, une pensée, une rencontre, un état de grâce, de béatitude, de souvenirs, de jeunesse qui fait écho à la plénitude de l’âge.
Dès son premier texte, profession de foi alémanique, Hermann Hesse exprime son cœur humaniste de raison, son amour pour sa petite patrie au-delà de la nation qui cristallise la déraison d’une utopie guerrière, oubliant l’humanité pour des frontières, des guerres comme cette grande guerre, il se dit adversaire de ces vanités nationalistes, le langage du terroir est pour lui son abri et sa confiance.
Au-delà de son regard sur la société, sur le monde qui l’entoure, comme Stefan Zweig avec Le monde d’hier, Hermann Hesse laisse sa mélancolie de ces humeurs peintre sa prose, dans le canton d’Appenzell, il la nomme par un naufrage dans le scepticisme, dans Temps de pluie, regrettant ces périodes d’angoisse, de nausée, de désespoir qui trouble sa vie si belle et si chère, dans La maison rouge, sa vie oscille, attirée par de multiples couples opposées, Herman Hesse a des cycles de dépression, alternée par des moments de satisfaction. Beaucoup de sagesse se dégage dans ces derniers textes, écrit vers la fin de sa vie, laissant au loin un paysage qu’il a foulé dans la fougue de sa jeunesse et aussi celle de la maturité de son corps encore vaillant, sa mémoire n’oublie pas ces randonnées pédestres, son ami Peter Suhrkamp, dans Rapport avec des amis écrit en 1959, Hermann Hesse lui rend un bel hommage, soulignant aussi le changement de société qui s’opère, il n’oublie pas La Forêt-Noire, la montée de l’industrialisation, son petit village Montagnola qui se meurt de cette maladie que Knut Hamsun a décrite dans deux de ces livres, Les enfants de l’époque et La ville de Segelfoss, un village se métamorphosant avec la fièvre spéculative foncière…
Lors d’une de mes ballades, j’ai écouté une émission radiophonique philosophique sur la beauté de la nature, avec comme inviter Alexandre Lacroix, nous offrant, à travers son essai Devant la beauté de la nature, son regard lucide et émerveillé sur la beauté des paysages que notre regard perçoit, comme Hermann Hesse le fait à travers ces différents textes sur ces paysages qu’il a eus le bonheur de travers au fil de sa vie. Dans le texte, Souvenir d’une randonnée, notre amoureux de la nature, à travers plusieurs récits, entremêle la nature comme rôle principale et les émotions qui s’en évaporent, la montagne lui rappelle la naissance de la terre par sa force et son gigantisme, au Gothard, la beauté du lieu le rend heureux, et lui vient en mémoire le premier chapitre du roman de Vischer Auch, Eine (Encore Un). Hermann Hesse s’émerveille du soleil en haute montagne, écrivant,
« Il n’y a dans ce vaste monde rien de plus merveilleux, de plus noble, de plus beau que le soleil de la haute montagne en hiver. »
La sensation de beauté inonde notre auteur en poète par des vers qui rende hommage à cette montagne à la fin du récit, Journée d’hiver dans les Grisons, mais d’autres textes sont jalonnés de poème encore plus long qui les clôt avec une forme d’apothéose artistique humaine, celle de la poésie. Dans L’Ebenalp, la beauté entre dans son paroxysme, avec cette phrase d’une sincérité enfantine,
« De toute ma vie, je n’avais vu si belles frondaisons automnales. »
Au-delà des paysages, des sensations s’encrent dans la chair de notre auteur comme celles de l’odeur du bois réchauffé par le soleil, cette émotion reste une empreinte indélébile, comme Proust avec sa madeleine, cette odeur réveille le passé des enfances lointaines, dans le texte, Le col de la montagne, une envolée lyrique emporte Hermann Hesse, désirant avoir la liberté de vivre sous la joute de la Beauté du monde. Dans le récit, Un village, notre poète s’enivre de la beauté d’une jeune inconnue pour devenir l’amoureux du monde, cette allégresse de l’imaginaire qui vagabonde dans ce cœur, sème ces envolées passionnelles, laissant son regard s’unir avec la beauté du monde, comme dans le récit, Une métairie, ayant cette langueur de la beauté de ce monde qu’il regarde d’un œil poétique, dans le passage Randonnée au Tessin, fractionné de plusieurs récits, Hermann Hesse termine par un poème comme pour rendre hommage à cette nature, sublimant cet émerveillement par la féérie humaine de l’art poétique, l’homme devient l’hôte de la beauté naturelle de cette terre, pour ne devenir l’artisan et puiser en elle toutes les ressources nécessaires pour tentant de l’égaler, elle devient la muse idéale aux artistes qui sait la regarder. La chapelle, ce texte amorce la piété de l’auteur, cet homme pieux dans l’âme, païen de nature, il oscille entre l’équilibre et la joie sereine, retrouver une confiance en soi, pour accéder à la foi intérieure, même dans le récit Églises et chapelles dans le Tessin, sans être Chrétien, il souligne la joie de ces lieux, de ces édifices de pierres qui se fondent dans cette beauté sauvage, qu’il aime s’y perdre pour découvrir dans la solitude l’être des « secrets et ravissants spécimens d’art ancien. » Hermann Hesse se perdre dans la « fugacité du temps qui soupire », il aime être heureux d’un bonheur aussi fou et stupide, cette joie qui remonte du fond des âges, l’hymne à l’amour, Hermann Hesse le dessine dans le récit Fête de la madone dans le Tessin.
Hermann Hesse, dans ce recueil de textes divers, Description d’un paysage, partage l’amour qu’il porte en lui de sa région qu’il dessine en aquarelle, avec des mots, dans des poèmes et récits divers, l’auteur de langue allemande s’engage dans une vérité de soi où son intimité est à nu quelques fois, Bâle est une ville importante dans la compréhension littéraire de cet auteur suisse, côté cœur, c’est le berceau de son œuvre littéraire, la genèse de tous ces mots qui coulent dans le sang de ces pages qui bat au rythme de ces émotions.
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