Intégrale 6 à la maison - 3 mars 2021
Lambert Wilson, Jean-Luc Martinez, Candice Nedelec, Camille Thomas, Aïssa Maïga, Maurice Barthélemy, Fabrice Midal, Ismaël Saidi
Artistes, humoristes, intellectuels, acteurs de l'actualité : chaque mercredi, nos invités se réunissent autour d'Anne-Elisabeth Lemoine et Patrick Cohen pour proposer aux téléspectateurs une émission à la fois sérieuse et légère autour de la culture et de l'actualité, dans une ambiance chaleureuse et moderne.
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Une copine juive ? Merde ! Mais ça changeait tout en fait ; et la Palestine ? Et Israël ? Et les colonies ? Et... en fait... et ...quoi ?
ça changeait quoi finalement ? Je me suis posé la question en rentrant chez moi. ça changeait quoi ? Elle restait la même, non ? Elle n'était pas différente maintenant qu'elle est juive.
Si vous avez zéro en maths c’est parce que vous n’avez pas étudié, pas parce que le prof est raciste.
[Journal "Tel quel" n° 958 du 2 au 8 juillet 2021]
Je voulais rencontrer les autres, encore et encore, je ne me satisfaisais plus des ombres... J'avais besoin de la lumière...
Ismaël - C'est de la mayonnaise ?!
Reda - Ouaip !
Ismaël - Je déteste la mayonnaise !
Reda - Désolé, je ne savais pas !
Ismaël - Pffff.
Reda - Mais au moins, elle est halal !
Ismaël - Comment ça elle est halal ? Comment ils l'ont rendu halal cette mayonnaise ? Ils ont égorgé la bouteille ?
Reda - J'en sais rien moi. Y'a écrit halal dessus donc je l'achète.
Ismaël - J'achète halal donc je suis.
Reda - Quoi ?
Ismaël - Rien.
Ismaël - Je veux dire qu'on ne sera jamais considérés comme des autochtones. Jamais, même dans cinquante générations. J'ai toujours été un problème dans le regard des gens, des médias, des profs, de tout le monde. D'abord, on était une erreur statistique. On n'aurait jamais dû naître là. Nos parents auraient dû rentrer au bled après s'être brisé le dos dans les mines. Puis, on était "la problématique des enfants d'immigrés". Après ça, c'était "le problème de l'intégration". Puis quand ça, c'était réglé, y'a eu le problème des "musulmans de deuxième génération". On ne sera jamais comme les autres. En fait, on sera toujours un problème. C'est juste le nom du problème qui change avec le temps, c'est tout
REDA.
On a été manipulés, mon frère, mais pas seulement par le système, les nôtres aussi, mon frère. Nous sommes victimes, mon frère, victimes d'un système qui nous dénigre, d'une société qui nous considère comme un problème alors que nous sommes la solution, d'une société qui n'investit pas dans les écoles où nous aurions appris notre Histoire, mon frère, l'Histoire de notre civilisation construite sur la connaissance, l'amour, la tolérance et le savoir, mon frère. Mais nous sommes aussi victime des nôtres qui nous utilisent comme des moutons, qui profitent de notre ignorance; Alors, mon frère, dépose les armes, mon frère, fais la paix avec ton âme et regarde autour de toi. Le monde est plein de gens prêts à t'aimer, donne-leur juste une chance, mon frère. Is sont comme nous, mon frère.
Tableau 8.
Ismaël - Je veux dire qu'on ne sera jamais considérés comme des autochtones. Jamais, même dans cinquante générations. J'ai toujours été un problème dans le regard des gens, des médias, des profs, de tout le monde. D'abord, on était une erreur statistique. On n'aurait jamais dû naître là. Nos parents auraient dû rentrer au bled après s'être brisé le dos dans les mines. Puis, on était "la problématique des enfants d'immigrés". Après ça, c'était "le problème de l'intégration". Puis quand ça, c'était réglé, y'a eu le problème des "musulmans de deuxième génération". On ne sera jamais comme les autres. En fait, on sera toujours un problème. C'est juste le nom du problème qui change avec le temps, c'est tout.
Ismaël - Ben c'est clair, non ! Ils ne veulent pas de nous ! Partout, on nous le répète. Dès qu'un truc ne va pas dans ce pays, c'est pour notre gueule. Depuis que je suis né, on me demande de m'intégrer. Pourquoi nous, on doit s'intégrer ? Personne ne demande à un Philippe, Frédéric ou Jean-Jacques de s'intégrer. Pourtant, il est né comme nous, a été aux mêmes écoles et vit dans la même ville. Quoiqu'on fasse, notre gueule ne sera jamais acceptée.
Les pensionnaires de la résidence Rainbow n'échappant pas à cette règle. Au contraire, même, le côté final de leur séjour les pousse à se révolter encore plus. Ils mangent, donc ils sont encore... pour quelques temps, du mois. Les infirmières et intendants ne savent plus où donner de la tête et le bruit ambiant met leurs nerfs à rude épreuve. On ne dirait plus qu'il s'agit d'une résidence, mais plutôt d'un camp de vacances. Et au milieu de ces preuves de vie, des derniers soubresauts de présence qu'envoient ces corps pliés par le poids de deux âges déjà consommés, se trouve Rachel, seule, silencieuse, calme.
Au milieu des touristes, Rachel. Elle affiche fièrement une soixantaine bien assumée. Elle ne regarde pas le paysage. Elle serre un livre dans sa main et tente de lire malgré le vent, le soleil et le mouvement du bateau qui en aurait fait chavirer plus d'un. Elle est têtue, Rachel, elle s'accroche à ce livre comme une noyée à sa bouée de sauvetage. Bornée, mais pas téméraire, elle se tient malgré tout de la main droite à la rambarde afin de ne pas passer par-dessus bord. Elle lève de temps en temps la tête et regarde l'horizon, attentive, comme si elle voulait se souvenir de quelque chose.