Citations de Israël Joshua Singer (127)
Des messieurs en frac et linge blanc amidonné cotoient des peintres en veste de velours, la pipe à la bouche. Chacun s’asseoit aussi au gré de sa fantaisie, qui dans un fauteuil moderne, qui sur un pouf, qui à la turque sur le tapis bariolé, les jambes repliées sous soi, qui encore sur les marches menant du salon aux pièces voisines.
Le docteur Karnovski sait que l’hérédité est quelque chose de très fort. Des générations très lointaines reviennent poser leur marque sur les arrière-arrière-petits-enfants.
Son gros cigare en bouche, aidé par son accent des faubourgs berlinois, des astuces et des plaisanteries allemandes ou yiddish, il trouva rapidement un terrain d’entente avec celui qui avait la haute main sur la reglementation et s’assura qu’on ne viendrait pas lui chercher noise.
« Bardach, les enfants », avait-il coutume de dire, ce qui signifiait que rien n’avait d’importance, du vent, qu’il ne fallait rien prendre au sérieux et se laisser vivre, jouir du monde tel qu’il était. En russe, bardach = foutaises.
A présent, ses yeux bleus et mornes ne voyaient plus qu’un point, le dernier dans sa vie.
Comme cela arrive souvent aux personnes entre deux âges, il se dit que les années passaient vite, il n’y a pas si longtemps, il était lui même un jeune garçon en conflit avec son père pour des histoires de mauvaise conduite et aujourd’hui, c’était son tour d’être père d’un grand garçon qui faisait des fredaines.
Un garçon qui faisait des fredaines.
Jegor Karnovski savait qu’il devait désormais se taire, se taire et rien d’autre, mais il ne pouvait pas. Le sang lui montait à la tête, le précipitait vers l’abîme.
En passant son permis de conduire, il commis quelques grosses fautes mais il fit un clin d’oeil au bon moment à l’inspecteur en veste de cuir, lui laissant entendre que, un dollar de plus, un dollar de moins, vivre et laisser vivre, et il décrocha son permis.
Salomon Bourak n’était pas homme à prendre des vessies pour des lanternes. Il avait senti le bon moment pour partir, tout comme il avait senti par le passé le bon moment pour arriver.
C’est pourquoi, les Juifs déjà installés, hommes ou femmes, se firent très réservés vis à vis de ces étrangers hautains avec leurs grands airs. Eux aussi, anciens émigrants, ils se rappelaient comment ils avaient débarqué dans leur nouveau pays après avoir quitté leur shtetl de Russie ou de Pologne. Une arrivée de pauvres avec sacs et ballots, sans caisses et sans meubles, seulement leur literie et les chandeliers du shabbat, la vaisselle de Pessah, les récipients pour les aliments lacrés et les aliments carnés.
Pendant le grand remue-ménage, quand la ville s’était retrouvée envahie de discours, de torches, d’orchestres et de proclamations, elle aussi avait suivi le courant et donné son bulletin de vote aux hommes nouveaux qui promettaient le bonheur, la victoire et un avenir radieux.
Cet homme fuyant, pédant, avec un visage au teint terreux, évoquant le bouillon figé de la carpe farcie, avec de gros yeux de poissons et des cheveux raides, couleur de fer rouillé, n’avait jamais, de toute sa vie, été aimé de ses élèves.
Avec plaisir aussi qu’il prêtait l’oreille à la langue des gens de la rue, écoutait les propos grossiers, crus et pleins de sève qui avaient pour lui tous les charmes du monde. Il était question des temps nouveau si proches, des défilés, des torches, des parades….
Elle a déjà senti la poudre dans la période de transition de l’immédiat après-guerre.
Ses bras d’un blanc marmoréen
Des messieurs en frac et linge blanc amidonné cotoient des peintres en veste de velours, la pipe à la bouche. Chacun s’asseoit aussi au gré de sa fantaisie, qui dans un fauteuil moderne, qui sur un pouf, qui à la turque sur le tapis bariolé, les jambes repliées sous soi, qui encore sur les marches menant du salon aux pièces voisines.
Dans le salon du patron de presse, Rudolf Moser, dans le vieux quartier Ouest de Berlin, se retrouve tout le gratin de la ville
Le docteur Karnovski sait que l’hérédité est quelque chose de très fort. Des générations très lointaines reviennent poser leur marque sur les arrière-arrière-petits-enfants.
Un sourire inonda ses yeux noirs