Citations de Israël Joshua Singer (127)
Faute de temps pour aller à la synagogue, il ne s’y rendait que pendant les Jours redoutables.
Il ne faisait pas non plus la moindre remarque à son beau-père quand celui-ci batifolait au milieu du malheur, faisant le pitre avec ses blagues et ses farces.
Elle ne parvenait pas à trouver en elle la moindre parcelle d’amour pour lui. Elle vivait comme dans un brouillard, comme dans une gare au milieu d’une ville étrangère où on doit passer un moment, croiser des inconnus mais qu’on a hâte de quitter au plus vite pour se retrouver chez soi. Ce qu’elle attendait, elle ne le savait pas elle-même, mais elle attendait comme on attend un miracle.
Un homme qui parlait un allemand par trop chatié et veillait à la correction de sa langue comme seul un étranger peut le faire
Dans les grands hôtels de Berlin où de toute éternité étaient descendus des princes, des diplomates étrangers et des chanteurs d’opéra de renommée mondiale, séjournaient à présent des hôtes d’un genre nouveau tels qu’on n’en avait jamais vus par le passé. C’était de joyeux Américains en chemises bariolées, qui parlaient d’égal à égal avec les garçons d’hôtel, allant même jusqu’à poser amicalement la main sur leurs épaules garnies de boutons dorés.
Conscient de l’absurdité de son entêtement, il ne parvenait à le briser pas plus qu’aucun Karnowski.
David Karnovski sentait bien que Léa avait raison mais il ne voulait pas céder. C’est précisément parce qu’elle avait raison et lui tort qu’il ne pouvait pas céder.
Elle se sentit offusquée. Mais le plus grave, c’est qu’il avait emmêlé le fil qu’elle venait de tendre pour entamer la conversation et bouleversé sa manière habituelle de recevoir.
Mais avec sa haine croissait son amour pour elle, un amour qui n’en devenait que plus fort parce que malheureux, non payé de retour.
« Vous aviez raison, docteur, le front, rien d’autre qu’une boucherie et nous, des bouchers. Il n’y a rien à raconter. »
Son gros cigare en bouche, aidé par son accent des faubourgs berlinois, des astuces et des plaisanteries allemandes ou yiddish, il trouva rapidement un terrain d’entente avec celui qui avait la haute main sur la reglementation et s’assura qu’on ne viendrait pas lui chercher noise.
Le vaste ciel ruisselle d’argent, d’azur et de soleil.
Quant aux couturières, elles étaient folles de lui. La nuit, elles le suivaient dans les coins pour goûter à l’amour cosaque.
C’est sur ce joyeux drille échevelé que Georg Karnovski jeta son dévolu
« Bardach, les enfants », avait-il coutume de dire, ce qui signifiait que rien n’avait d’importance, du vent, qu’il ne fallait rien prendre au sérieux et se laisser vivre, jouir du monde tel qu’il était. En russe, bardach = foutaises.
« Je sais, rabbi Karnovski », il a l’habitude d’appeler rabbi tous les érudits, « je peux même vous trouver ça dans mes livres ».
Des Juifs pieux achètent des taleths, des franges rituelles, des recueils de prières, des phylactères et des mezouzas. Des femmes d’un certain âge cherchent des livres en yiddish avec des histoires de brigands, de princesses et de magiciens mais aussi de vieux récits sur Dreyfus à l’île du Diable accompagnés de poèmes et de chansons. Entre des calottes, des bougeoirs pour le shabbat, des chandeliers à sept branches, des plats en cuivre pour les mets symboliques de Pessah, des formulaires imprimés d’actes de mariages et de contrats de fiançailles, on trouve également des linceuls et des tentures noires pour corbillard.
Qu’est-ce que vous voulez de plus, même les Juifs de Poznan, eux-mêmes autrefois polonais, se croient très supérieurs aux Juifs polonais, dit indigné, un des dîneurs.
-Ça va mal, il va falloir faire venir quelques Goyim pour leur montrer comment s'y prendre.
-Pas un seul ! On doit tout faire par nous - mêmes, déclara Aaron Lvovitch.
Gnendel, fais comme je dis, quand la pitié aura disparu, le dégoût aussi disparaitra. C'est aussi comme ça que je fais...