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Citations de Israël Joshua Singer (127)


Dans les yeux noirs du jeune homme s'exprimaient une tendresse, une douceur, une délicatesse infinies. Ses lèvres fines comme celles d'une jeune fille souriaient tout le temps. Face aux pires insultes, aux pires tourments, elles souriaient. Sur son grand front de rabbi, quelques fines veinules bleutées vibraient en permanence.
Tout son être suppliait: ne m'offensez pas, ne me faites pas de mal, ce qui le rendait encore plus insupportable aux yeux de Lerner qui éprouvait pour lui jusqu'à de la haine, une haine mêlée de compassion.
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Comme la plupart des gamins juifs de maisons pieuses, j’ai pendant un certain temps tremblé devant les chiens en qui je voyais des ennemis d’Israël. Tout comme les jeunes goyim, les chiens ne pouvaient souffrir les longues basques des Juifs, et j’étais sûr que la haine canine des Juifs était quelque chose d'éternel, d'immémorial ;
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Ils nous rosseront toujours. Quand on a installé des machines nouvelles à Lodz, ils nous ont rossé; quand des étudiants russes ont assassiné le tsar, ils nous ont rossé; maintenant c'est au tour des ouvriers. Plus tard ce sera les révolutionnaires. Et jamais rien ne changera tant que nous serons juifs et eux chrétiens.
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A propos de ce bonhomme, on racontait dans la bourgade une histoire curieuse : quand on l’avait reçu comme abatteur rituel on lui avait également demandé d’apprendre à circoncire. Mais Reb Hénekhl qui abattait très facilement un bovin redoutait de s’approcher d’un enfant avec le couteau du circonciseur ; on l’avait donc fait s’entraîner avec du persil. Mais il était si effrayé qu’il n’avait pas osé toucher au persil…
- Ah, Juifs, je n’ai pas le courage… disait-il d’un ton plaintif.
Des plaisantins l’appelaient Reb Hénekhl Persil. Mais Reb Hénekhl niait toute l’histoire.
- Savez quoi ? Ridicule ! murmurait-il.
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Les boutiques juives rouvrirent l'une après l'autre. Les vitriers remplacèrent les vitres cassées, les Confréries du Dernier Devoir enterrèrent les cadavres, les médecins pansèrent les blessés, le Grand Rabbin proclamera un jour de jeûne et, dans les oratoires, des juifs très pâles récitèrent les prières des jours de jeûne.
Les ouvriers non juifs, domptés et abattus, se pressaient aux portes des usines et imploraient, tête basse, qu'on les réembauchât à n'importe quel prix. Les directeurs les reprirent, non sans réduire les salaire comme ils l'entendaient. A nouveau les cheminées crachèrent leurs colonnes de fumée vers le ciel, polluant l’atmosphère comme avant, les sirènes déchirèrent le matin, les machines se remirent à gronder.
Une chanson nouvelle monta du côté de la rue Feiffer, chantée par les mendiants en commémoration du massacre :
Écoutez, bonnes gens, écoutez
Ce qui à Lodz s'est passé.
Au premier jour du mois d'Iyar
Les juifs furent victimes des pillards.
Des ouvriers déchaînés
Ont dépecé, brûlé, tué
Tous ceux qu'ils ont rencontrés
Et tous les juifs se sont sauvés
Seigneur à la miséricorde infinie,
Tes agneaux n'ont jamais de répit.
Étends sur nous Ta puissante main,
Ramène-nous sur notre terre, enfin.
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"Sois fort, mon fils, comme moi et comme tous les Juifs de l'ancienne génération, nous sommes habités à cela depuis toujours et nous le supporterons, comme des Juifs."
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"Les enfants disent que je suis un juif, papa.
- C'est ce que tu es à la maison, mais à l'extérieur, tu es un Allemand. Tu comprends maintenant ?"
Georg ne comprenait pas. Comme tous les enfants, il savait que le bien était le bien, le mal était le mal, Blanc c'est blanc et noir c'est noir. David Karnovski n'eut pas d'autre solution que de lui dire qu'il était encore trop jeune et trop ignorant pour comprendre ce genre de choses, mais que quand il serait plus grand, il comprendrait. Georg sortit du bureau de son père insatisfait, mettant en doute la sagesse des grandes personnes et le fait qu'elles sachent tout. Il voyait bien que, non seulement sa mère et Ema, mais aussi son père ignorait un bon nombre de choses. Il essaya de réfléchir tout seul aux différents noms dont les enfants de la cour l'affublaient. Mais comme il n'arrivait pas à repousser ses attaquants par la seule raison, chaque fois qu'on le traitait de juif, il en venait aux mains.
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Des yeux comme ceux-là, il en avait déjà vu une autre fois, c'était ceux de deux malheureux chiens accouplés dans la rue que des voyous frappaient sur la tête à coups de bâtons, des yeux où s'exprimait un mélange de soumission, de honte et de peur.
C'était la deuxième fois que ces yeux le regardaient, implorant son aide, mais il plongea le regard dans les ferrailles pour ne pas les voir. Dans cette sale nuit glacée, pendant ces heures de travail "volontaire" non payé, il ne se sentait pas la force de se dresser seul contre tous, de prendre sous son aile le plus faible, le plus persécuté, le plus comique et le plus tragique des êtres.
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Tout était péché. Péché de dire de Méir le melamed que c'était un fou, péché d'attraper des mouches le jour du shabbat ; courir était un péché, parce qu'un Juif ne court pas, mais un jeune goy oui ; dormir sans calotte, même par une chaude nuit d'été nuit d'été, c'était un péché, comme peindre de petits bonshommes. Tout ce qu'on pouvait faire était un péché. Aller sans rien faire était évidemment un péché.
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Les propriétaires des grands magasins, les banquiers et les gros commerçants, les directeurs de théâtre, les comédiens et artistes célèbres, de même que les professeurs de renommée mondiale qui appartenaient également à la communauté ne pensaient pas non plus que le sang qui devait couler pouvait être le leur. En vérité, leur appartenance à la communauté était purement formelle. Ce côté formel mis à part, ils n'avaient rien à voir avec le judaïsme. Ils étaient enracinés dans la vie allemande, dans la culture du pays. Ils avaient bien mérités de la patrie.
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Sans permis ni autorisation légale, la construction se faisait de nuit, dans un désordre absolu et sans aucune planification. Des immeubles s'écroulaient, d'autres naissaient, certains poussaient de travers, d'autres étaient instables, inclinés d'un côté ou de l'autre, toute symétrie sacrifiée à l'opportunité du moment. La ville qui grandissait à pas de géant, ne laissait pas le loisir de faire autrement.
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Une tension chaotique, mélange d'attente, d'espérance et de crainte, s'empara de la capitale quand les hommes bottés furent devenus maîtres de ses rues et de ses places.
Ils étaient partout, et en nombre, les hommes bottés. Ils défilaient et paradaient, passaient à toute allure dans leurs automobiles, sur des motocyclettes, portaient des torches allumés, jouaient dans des fanfares, claquaient des talons et défilaient, défilaient sans fin, défilaient interminablement.
Le bruit de leurs bottes éveillaient des pulsions. On ne savait pas vraiment ce que les nouveaux maîtres bottés allaient apporter, le bonheur ou le malheur, des promesses tenues ou de grandes désillusions, mais on était excité, excité et émoustillé, on se laissait aller sans retenue, comme on joue son va-tout, que l'on brave un interdit formel sans savoir ce qui en sortira, gain ou perte, mais que, quoi qu'il en soit, on s'amuse et on se sent tout permis. Il y avait quelque chose de différent de l'habitude, de nouveau, de festif, d'inquiétant et de frénétique comme dans un jeu d'enfant.
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Ce conseil d'administration comptait toute l'élite de Lodz, des industriels allemands rondelets, blonds, le cheveu lissé, portant des couleurs claires, et, tranchant avec eux, quelques banquiers juifs sobrement vêtus de noir, un noble polonais à grosses moustaches, une douairière ratatinée dans un costume d'un autre âge et, bien sûr, les barons Huntze, l'air las, blasés et hautains, ce qui ne cachait pas leur dégaine de palefreniers en monocle.
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Il était prêt à partir en guerre contre tous.
Pour commencer, il mit le rabbin au défi de lui montrer ne serait-ce qu’un seul mot hérétique dans les «commentaires » de Moïse Mendelssohn, ensuite il aligna les citations de la Torah et les traits d’esprit pour prouver que ni le rabbin ni les notables ne connaissaient un traître mot des écrits de Mendelssohn et qu’ils étaient même bien incapables de les comprendre.
Après quoi, il se mit dans une telle colère qu’il déclara que ce que son maître Moïse Mendelssohn de mémoire bénie avait comme érudition, comme sagesse et comme piété dans la seule plante des pieds, le rabbin et tous les rabbis hassidiques réunis ne l’avaient pas dans tout leur corps et dans tout leur être.

Là, c’en était trop. Il avait outragé le rabbin et tous les rabbis hassidiques et avait parlé d’un mécréant en accompagnant son nom des mots « maître » et « de mémoire bénie », et ça dans un lieu saint !
Tout cela fit sortir les hassidim de leurs gonds : sans plus de façon, ils saisirent le gendre du magnat sous les bras, le mirent à la porte de la maison de prière et l’accompagnèrent de leurs vociférations :

« Va-t’en à tous les diables et ton maître de mémoire maudite avec toi ! Va rejoindre l’apostat de Berlin — qu’il pourrisse en enfer ! »

David Karnovski suivit leur conseil.
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Reb Pesachiah n'élevait jamais la voix. Il avait ordonné sa vie selon les enseignements des moralistes, et maîtrisé tous ses mauvais penchants. Il savait que la colère était un mal ; céder à la rage équivalait à s'agenouiller devant une idole. Il savait aussi que les sages avaient dit : un homme coléreux ne peut être professeur. Durant toutes ses années de labeur, jamais il n'avait adressé une parole dure à un élève, même sous le coup d'une extrême provocation. A Rachmanivke, il lui était parfois arrivé de lancer un regard sévère à Nahum ; à présent il pourrait encore moins se le permettre, car Nahum était le gendre du rabbi de Nyesheve ! Il se contentait de lui lire une page ou deux de l'ouvrage d'un sage en guise de sermon.
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A chaque nouvelle période scolaire, pour les jours ouvrables de Souccot ou ceux de Pessah, je reprenais confiance, car on m'enlevait à un melamed pour louer les services d'un autre, dans l'idée que le nouveau serait meilleur que l'ancien. Chaque fois j'étais déçu dans mes espérances. Les nouveaux n'étaient pas la plupart du temps pas meilleurs que les anciens. Les premiers jours chacun d'eux était bon, pour respecter apparemment le principe qu'un balai neuf balaie bien. Mais passé les premiers jours, ils montraient leur vraie nature.
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Pour la première fois de leur vie on ne leur parlait pas de leur insignifiance et de leur indignité à la manière des prédicateurs et des rabbins. Au contraire, on exaltait leur force, leur importance, leur valeur. Leur vie semblait prendre un sens nouveau et leur détermination devint plus forte encore lorsqu’on eut prononcé les mots de « conspiration révolutionnaire », mots étranges et pleins de mystère qui les pénétrèrent jusqu’à la moelle.
(p 303)

La police faisait de fréquentes rondes dans les rues de Balut, pénétrait dans les usines, écoutait tout, ne comprenait rien et était toujours sur le qui-vive. Et les gendarmes, le doigt menaçant, criaient :
« Vous perdez rien pour attendre, les youpins, on vous aura ! »
(p 307)
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Mais il était déjà trop âgé pour les femmes et se contentait de petites filles qui acceptaient d’embrasser un grand-père ou de jouer avec lui pour un morceau de sucre.Toutes les mères n’étaient pas d’accord pour laisser jouer leurs filles chez Jostel au lieu de lui payer leurs dettes, mais bon nombre le faisaient sans en parler à leurs maris. Elles pensaient à leur propre enfance, quand elles aussi s’étaient laissé caresser par un « oncle » du même style, l’instituteur de village ou l’épicier. Mais cela ne leur avait pas causé de tort puisque, depuis cette époque, elles s’étaient mariées, étaient devenues de bonnes épouses et avaient eu des enfants. Elles envoyaient donc leurs petites filles chez l’oncle Jostel en leur recommandant de bien faire comme on leur disait et de ne le répéter à personne.
(p 280)

Les ouvrières affluaient, lui procurant, à lui et à son directeur, un admirable choix. Elles revenaient invariablement de chez Albrecht avec des bleus sur le cou et les bras et une robe ou un rouble en cadeau. Melchior était grassement payé pour son goût et l’infinie variété des filles qu’il lui envoyait. Tout le monde était content, sauf peut-être les filles.
(p 281)
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Dans le feu de l'amour, Karnovski oublie et sa position de notable et ses recherches sur la religion. Mais il y a une chose qu'il n'oublie jamais, c'est son allemand. Même dans les moments d'extrême extase, c'est dans cette langue qu'il dit des mots tendres à Léa. Elle se sent blessée. Ces mots tendres dans une langue étrangère ne lui font pas chaud au cœur. Ils n'ont pas pour elle le vrai goût de l'amour.
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Ce qui m'attirait, c'étaient les jeux, la liberté des champs, le soleil, le vent et l'eau, les gamins. Le monde n'était pas vain, mais d'une beauté inouïe et plein de joie. Chaque arbre, chaque cheval paissant sur le pré, chaque poulain, chaque tas de foin, chaque cigogne, chaque oie avec ses oisons m'appelaient, me remplissaient de joie, de vie et de désir. J'attendais la première minute où mes père et mère seraient endormis, et comme un voleur je me faufilais hors de la prison de la Torah, de la piété et du judaïsme.
Vite, pour que père et mère ne se réveillent pas et ne m'arrêtent pas, je courais au monde de la liberté, ouvert et baigné de lumière, que tous les Justes avais juré de rendre méprisable à mes yeux ; mais il n'en était que plus beau et plus attirant.
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