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Citations de Israël Joshua Singer (127)


"Comme on dit : qu'il s'appelle Fritz ou Salomon, on déteste le Juif, on aime son pognon..." C'est sur cette rime que Salomon Bourak conclut, et il se frotte les mais l'une contre l'autre, ce qui signifie que la cause est entendue et qu'il n'y a plus rien à ajouter.
Les distingués Berlinois aux yeux noirs qui envient à l'immigré sa blondeur chrétienne hochent la tête, l'air anxieux. Ils savent bien qu'il dit la vérité, qu'il s'appuie sur des faits vécus, mais ils ne veulent cependant pas entendre cela de la bouche de cet ancien colporteur qui a fait irruption avec tant d'éclat dans l'avenue Landsberger. Ils sont inquiets face à ces gens qui, avec leurs noms, leurs manières, leur parler et leurs méthodes commerciales, les éclaboussent, eux qui sont depuis longtemps installés et germanisés. Leur cœur se serre d'effroi lorsqu'ils voient ces nouveaux venus faire ressurgir sous terre ce judaïsme qu'eux, les anciens, ont depuis de longues années dissimulé et camouflé.
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C'étaient des tisserands allemands et moraves qui venaient s'installer en Pologne. Chez eux il y avait trop de monde et pas assez de pain, alors qu'en Pologne il y avait du pain mais point de marchandises. Les paysans polonais portaient des vêtements de grosse toile de lin qu'ils tissaient eux-même. Citadins et militaires devaient recourir à des importations étrangères que les juifs faisaient généralement venir de Dantzig par la Vistule, d'où une sortie des capitaux du pays. Des agents envoyés en Allemagne incitèrent les tisserands allemands à venir s'installer en Pologne : on leur offrait de la terre gratuitement, l'exemption du service militaire, une remise d'impôts les premières années, la liberté de respecter leurs coutumes et de pratiquer la religion protestante.
Ces tisserands, paysans pour la plupart, apportaient avec eux tous leurs biens, du bétail aux animaux domestiques, des fuseaux aux accordéons, des fouets aux charrues. Avec eux se trouvaient des pasteurs luthériens et leurs familles chargés de défendre la foi protestante dans ce foyer de papisme qu'était la Pologne, et de perpétuer leur allégeance au Dieu allemand et au Kaiser.
Les caravanes se dirigèrent vers les basses terres qui s'étendaient de Zyrardow à Kalisz, de Pabjanice à Zgierz et à Piotrkow. Certains tisserands établirent domicile autour de la ville de Lodz, toute proche de l'étang Ludka. Aux abords de la ville, près d'une route qui menait à des forêts de pins, ils construisirent des maisons, aménagèrent des jardins, creusèrent des puits, firent pousser du blé, des pommes de terre, et installèrent leurs métiers de bois.
Les Polonais appelèrent cette communauté Wilki (loups en polonais), en raison des loups qui venaient souvent roder par les jours de grand froid. Ils interdirent aux juifs de s'y établir.
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Des Juifs pieux achètent des taleths, des franges rituelles, des recueils de prières, des phylactères et des mezouzas. Des femmes d’un certain âge cherchent des livres en yiddish avec des histoires de brigands, de princesses et de magiciens mais aussi de vieux récits sur Dreyfus à l’île du Diable accompagnés de poèmes et de chansons. Entre des calottes, des bougeoirs pour le shabbat, des chandeliers à sept branches, des plats en cuivre pour les mets symboliques de Pessah, des formulaires imprimés d’actes de mariages et de contrats de fiançailles, on trouve également des linceuls et des tentures noires pour corbillard.
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Le tsar, vêtu à la cosaque d’un long manteau et d’un bonnet de fourrure, arpentait son quartier général, comme à son habitude lorsqu’il devait prendre une décision. Rien ne l’angoissait davantage que d’avoir à penser. Son plus grand souhait eût été qu’on ne le dérangeât jamais.
(p 554)
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Etonnant, incompréhensible est le cerveau humain, qui accueille des images souvent sans importance qu'il conserve toujours, et en rejette d'autres souvent très importantes dont il ne veut pas.
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La distance était considérable entre le port et la Moldavanka où logeait Pinas Pradkhin, un gars de la campagne originaire d'Israëlevkè, une colonie agricole juive de la région de Kherson. Ce long trajet, il le parcourait cependant très souvent, traversant ainsi à pied pratiquement toute la ville d'Odessa.
Non pas que Pinas Pradkhin, ce garçon de dix-huit ans replet aux joues rouges, eût quoi que ce soit à faire dans le port russe où les navires roumains, grecs et turcs apportaient raisins secs, figues, dattes, mandes, noix et pastèques et d'où ils repartaient chargés de céréales et de bois. Parce que, bine que né sur la terre grasse de Kherson, grosse exportatrice de céréales vers les pays du pourtour de la mer Noire, Pinas Pradkhin n'était en rien concerné par le seigle ou le blé. En fait, son père était un pauvre petit rabbin dans une colonie juive, Israëlevkè, rabbin qui faisait office tout en même temps d'abatteur rituel, de circonciseur, de chantre et d'instituteur et qui même chauffait le bain du village tous les vendredis ainsi qu'un milieu de semaine quand une femme devait aller se purifier.
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Plus fort que tous priait mon grand-père, bien que ce fût un misnaged et un parlant peu, il entrait en extase au moment de prier, particulièrement le vendredi soir. Il priait avec ferveur, avec jouissance, comme si un surcroît de force lui venait des prières, de la synagogue, de la pieuse communauté des prieurs dont il était le pasteur. Les chefs de famille de la synagogue, pour la plupart des gens pauvres, des artisans, parce que les richards et les hassidim priaient pour la plupart dans leurs propres oratoires hassidiques, regardaient avec orgueil leur rabbin qui n’allait jamais prier nulle part ailleurs mais priait selon le rite ashkénaze à la synagogue, dans leur synagogue à eux, et ils s’abandonnaient encore plus pieusement à leurs prières du vendredi soir, louant Dieu pour le saint jour du shabbat dont il avait gratifié son peuple Israël.

(misnaged : « résistant » au hassidisme)
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Entre le cabinet du grand-père et la cuisine il n’y avait qu’un vestibule où se trouvait un grand tonneau d’eau. Mais ce vestibule séparait mari et femme davantage qu’une mer sépare entre eux des peuples. Le monde du cabinet rabbinique n’avait rien à faire avec le monde de la cuisine. Le grand-père avec obstination ignorait le monde féminin. On disait à la maison que depuis des dizaines d’années il n’avait réellement pas dit un mot à sa femme, à moins d’être obligé de lui répondre. Et la petite femme vive en souffrait, elle avait honte et se révoltait contre son mari.
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Ses livres sont toutes sa vie. A aucun prix il ne vendrait ses pièces de collection aux bibliothèques ou aux musées qui sont prêts à lui faire un pont d'or pour cela. Au contraire, tout ce que sa fille gagne avec ses recueils de prière et ses disques, il l'engloutit dans de nombreux ouvrages. Les marchands de livres de Lemberg comme de Varsovie, de Vilna comme de Berditchev et de toutes les autres villes, savent bien que reb Efroïm Walder de Berlin est à la recherche de livres rares et chaque fois qu'ils mettent la main sur une pièce ancienne, ils lui écrivent pour le prévenir. Aussi ne laisse-t-il personne toucher à ses livres.
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Les soldats reçurent l'ordre de se retirer et les Juifs de Lentshtiz commencèrent à s'installer à Lodz en toute liberté. Mais lorsque d'aventure un Juif se risquait dans le quartier allemand de Wilki, des jeunes gens blonds lui lançaient une volée de pierres et lâchaient leurs chiens sur lui au vieux cri de : "Hep, Hep, Jude!...".
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Et si tout ce en quoi il avait cru si fort n'était rien d'autre que mensonge, illusion? Et s'il était vraiment mauvais par nature, l'homme, et qu'on y puisse rien changer ? Et si?
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Il quitta le village pour se rendre au cimetière, la Maison éternelle. Là, il posa son sac replié sur une dalle, il s'étendit et s'endormit. La lune eclaira son visage, elle veillait sur lui.
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Cette foule qui voyageait à pied ou accrochée aux wagons des trains, mendiant quelques miettes pour survivre, comportait des Russes blancs, des Caucasiens, des Tchouvaches, des Kalmouks, des Yakoutes, des Ouzbeks, des Kirghiz, des Juifs et des Ukrainiens, des Tatars et des Circassiens, des Cosaques, des Géorgiens, des Arméniens.
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Après le repas, le vieux s’installait dans un fauteuil, et demandait à sa fille de lire la Bible. Wolf n’était pas dépaysé. Les histoires des Patriarches, des Hébreux en Égypte persécutés par Pharaon… lui rappelaient ses années d’enfance, quand il étudiait la Torah avec son maître. Cette fille goy aux cheveux raides qui lisait l’histoire des Hébreux, d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, tout cela l’emplissait de fierté.
– Nice stories ! De belles histoires ! disait le vieux. Tu connais ?
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Le docteur Karnovski prit place dans la file et attendit sans rien dire, comme tous les autres qui ne disaient rien aux non plus.
Il voulait sauver Teresa, son père et sa mère, lui-même, et surtout son enfant, son fils unique, malade d'un sentiment d'infériorité et de haine de soi.
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Georg restait sur le côté, rayonnant. Il avait redouté cette première rencontre entre sa femme et sa mère et leur était reconnaissant à toutes deux d'avoir trouvé si simplement un terrain d'entente. Ce à quoi son père et lui n'étaient pas parvenus par la logique et la raison, elles, ces femmes simples et peu instruites, y étaient parvenues par le coeur et les sentiments.
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« Qui êtes-vous ? / Je ne sais pas. / Vous ne savez pas ? […] / Aucun homme ne sait qui il est, répondit l’étranger. » (p. 320)
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« Yoshe ne disait rien. Ses lèvres remuaient, mais pour entonner des Psaumes. Jamais il n’arrêtait de dire des Psaumes, ni quand il allait en courses, ni quand il entretenait le poêle, ni quand il balayait la synagogue. » (p. 179)
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Il refusait de penser à propos de la Russie, de sa Russie, à propos de ses camarades, la même chose que ce qu'il lisait des camarades des partis étrangers. La Russie n'est pas l'étranger-il en était sûr. Mais alors brusquement apparaissaient devant ses yeux ses paysans à lui, ses paysans russes, et le doute s'infiltrait dans son esprit, son cœur s'alarmait.
-Et si?
Et si tout ce en quoi il avait cru si fort n'était rien d'autre que mensonge et illusion? Et s'il était vraiment mauvais par nature, l'homme, et qu'on n'y puisse rien changer? Et si?
Pour la centième fois, il fermait les yeux, s'efforçait de s'endormir mais n'y parvenait pas. Les cris des malades se mêlaient aux aboiements des chiens dans la campagne. Tout cela formait un brouhaha qui lui tambourinait dans la tête. Il lui semblait que ces voix entremêlées répétaient à l'infini la pensée qui l'obsédait: et si? Et si? Et si?
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Debout, là, dans le rang, avec autour de lui la masse grise des gens plongés dans l'ombre, les marins en cuir leur lanterne à la main, le commandant Meyer, la place jonchée de bois, de ferrailles, de pierres, le fleuve noir qui arrache , brise, fonce, le vent nocturne qui agite les lanternes et jette des lambeaux de lumière sur un groupe d'hommes, puis aussitôt sur un autre, il lui semblait être devenu une créature différente, transplantée dans un autre pays, un de ces milliers de nègres conduits de force au travail dans les plantations sous la menace des verges ou des fusils. Ce sentiment était si fort qu'il devait passer sa main sur son visage pour se persuader qu'il était bien lui.
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