Jandy Nelson

Je veux qu'elle sache qu'il n'existe pas d'histoire dont elle serait exclue, qu'elle est comme le ciel, partout.

Je ne sais pas comment c'est possible, mais c'est vrai :
un tableau est à la fois exactement le même et entièrement différent chaque fois qu'on le regarde. Entre ma sœur et moi, maintenant, c'est pareil.

Je me demande pourquoi les gens endeuillés prennent la peine de s'habiller en noir, alors que le chagrin constitue à lui seul un vêtement à part entière.

Je me met à penser à toutes les choses que je n'ai pas dites depuis la mort de Bailey, tous ces mots enfermés au fond de moi, dans notre chambre orange, ces mots qu'on ne prononce jamais quand quelqu'un meurt parce qu'ils sont trop tristes, trop enragés, trop dévastés, trop coupable pour être formulés à voix haute - et ces mots commencent à fourmiller partout en moi comme un torrent incontrôlable. j'inspire tout l'oxygène dont je suis capable jusqu'à ce qu'il n'y ait sans doute plus le moindre souffle d'air disponible à Clover et je souffle dans ma clarinette comme une déflagration retentissante.

Je suis dingue de tristesse et, tout au fond de moi, je voudrais m'envoler.

Platon avait une théorie selon laquelle il existait autrefois des êtres dotés de quatre jambes, quatre bras et deux têtes. Ils étaient parfaitement indépendants, heureux et puissants. Trop puissant au goût de Zeus, qui les a coupés en deux et éparpillés aux quatre coins du monde, si bien que les humains sont maintenant condamnés à rechercher éternellement leur moitié, celle qui partageait jadis leur âme. Seuls les êtres humains les plus chanceux retrouvent leur moitié coupée, tu sais.

Mais si je n’avais pas besoin de son accord, de sa permission, de sa bénédiction pour être qui je veux être et faire ce que j’aime ? Si j’étais maître de mon propre interrupteur ?

Vite, fais un vœu. Saisis ta (deuxième ou troisième ou quatrième) chance. Refais le monde.

Je plonge mon regard dans le sien, dans ses yeux tel-
lement étrangers au chagrin, et je sens s'ouvrir une
porte tout au fond de moi.
Et quand il m'embrasse, je vois que derrière cette porte, il y le ciel.

Qui sait si le destin n'est pas juste la manière dont on se raconte sa propre histoire ?

l'amour pèse autant que le chagrin

J'aimerais que mon ombre se lève et marche à mes côtés.

je voudrais tant, tant disparaître. Il me prend l’envie subite d’écrire sur les murs oranges - j’ai besoin d’un alphabet composé de dernières phrases, d’aiguilles arrachées aux horloges, de pierres glacées, de chaussures vides remplies uniquement par le vent.

Elle répand de la lumière. Moi, de l’obscurité.
(p. 82)

‘’Je t’aime’’, lui dis-je, mais il n’en sort que : ‘’Salut’’
‘’À la folie’’, me répond-il, sauf qu’il n’en sort que : ‘’Hé, bonsoir.’’

Les gens meurent, mais votre relation avec eux ne s’éteint jamais. Au contraire, elle dure et s’inscrit dans l’éternité. 
Citation de Margaux

Elle me manque, la personne que j'étais avec elle me manque, ce que nous étions tous ensemble me manque. Nous ne serons plus jamais ces personnes. Elle les a toutes emmenées avec elle.

C'est exactement l'expression qu'il devait avoir, seul dans le noir, enfermé dans ce placard à mesure que les heures passaient. C'est à ça que doit ressembler votre visage quand on vous arrache tous vos rêves d'un coup. Et cette fois, c'est moi le bourreau. Moi.

Vite, fais un voeu.
Saisis ta (deuxième ou troisième ou quatrième) chance.
Refais le monde.

Comment vais-je survivre à cette absence? Comment font les autres? Des gens meurent, tout le temps. Tous les jours. Toutes les heures. Le monde entier est rempli de familles fixant du regard des lits dans lesquels plus personne ne dort, des chaussures que plus personne n'utilise. Des familles qui n'ont désormais plus à acheter telle boîte de céréales, telle marque de shampooing. Partout des gens font la queue au cinéma, achètent des rideaux ou promènent leur chien alors qu'en dedans, ils ont le coeur en miettes. Pendant des années. Pendant le restant de leur vie. Je ne crois pas que le temps guérisse les blessures. Je ne veux pas qu'il guérisse quoi que ce soit. Si je guéris, n'est-ce pas la preuve que j'ai accepté le monde sans elle?