Citations de Janine Teisson (98)
"La peur ne set à rien." Et ça me sert à quoi de savoir ça ? Et aussi : "Devant le danger, tu as le choix entre deux attitudes : fuir ou, si c'est impossible, faire face." Me voilà bien avancée. Les pas s'approchent. ça y est, la poignée de ma porte grince. La porte est ouverte. Respirer calmement sous le ventre de Tigrou, c'est faire face ou s'enfuir ou ni l'un ni l'autre ? Il y a une troisième solution alors ?
Elle déchire le papier, ouvre le carton glacé. C'est doux, très doux, ça fuit sous les doigts, léger, si léger. Un foulard de soie.
Avant que tout le monde se lève pour partir, monsieur Piot a annoncé le prochain film. Un muet. Elle a dit : "Je ne viendrais pas la semaine prochaine, je n'aime pas les films muets." Il a eu envie de l'embrasser.Lui non plus, bien sûr, il ne viendra pas.
Son corps est un hurlement. Que revendique-t-elle ?
Dans notre entourage, le gens disent :"Tomber amoureuse la guérirait.". Moi je pense qu'elle sera amoureuse lorsqu'elle s'aimera elle-même. Il en est de même pour la nourriture. Manger ne la fera pas guérir, mais guérir la fera manger. Et guérir , qu'est-ce ? Reconnaîtrons-nous le signe de la guérison quand il sera là ?
La vie c'est une montagne d'obligations, une vallée de corvées, une forêt de contraintes, un océan de fatigue. (p.19)
Je ne veux être ni homme ni femme.
Seulement un être humain qui pense. (p.18)
Je ne veux pas être une femme au service de celui qui dit je t'aime. (p.18)
Elle ne reviendra pas, pense-t-il, j'en suis sûr. Elle se méfie de moi. Je lui ai fait peur avec mon cadeau. J'en fais trop, sûrement, ou pas assez, ou bien elle a compris... Et elle n'ose pas m'en parler. Jamais personne ne m'a manqué à ce point. Dès qu'elle s'éloigne d'un mètre, je l'attends. Si elle devait ne plus jamais revenir... [...] Arrête, se dit-il, arrête, tu es complètement fou, les histoires d'amour entre une princesse blonde et un type comme moi, même dans les films, ça n'existe pas... Ou alors, c'est tout à fait exceptionnel...
Sur l'accoudoir leurs bras se touchent, elle retire le sien. Il voudrait lui dire "non", mais, dans le mouvement qu'elle a en mettant le foulard sur ses épaules, la soie frôle la joue de Mathieu. Un baiser de papillon. Le film commence.
Qu'importe un film muet, ou pas de film du tout, même, pourvu que je sois assise près de lui.
Germaine se souvient de son amie Claire. Un premier assassin lance un chien sur elle ; elle se traîne à l'infirmerie, où un deuxième refuse de la soigner. Les morsures ne cicatrisent pas, un troisième assassin l'envoi à la baraque des "inutiles". Dans la colonne qui mène à la mort, un quatrième l'empêche de fuir. Un cinquième veut lui faire avaler du poison, elle refuse. Un sixième assassin l'assomme à coups de bâton et un septième la tue.
Elle trouve des "boîtes aux lettres", des gens qui acceptent de recevoir, garder et transmettre des messages. Beaucoup de femmes se chargent de cette mission, au risque d'être arrêtées et torturées. Les messages circulent dans les guidons de bicyclette, dans les chaussettes et même dans les chignons !
Les sourds sont revenus le lendemain avec leur interprètes.
Ne t'inquiète pas ,ils sont tous sourds,ils ne viennent que pour les images .
Ceux qui critiquent toujours tout disent que "ces gens-là" sont bizarre, que leurs gestes sont ridicules
— Je te le dis, l’Algérie se hait. Ce peuple est un chien fou. Après avoir dévoré ses petits, il bouffe ses propres entrailles.
Ce mail pour féliciter Janine pour Thalasso-crime que j'ai adoré, lu d'une traite et trouvé excellent! Bravissimo! Dans tous les registres, tu écris avec talent et j'ai toujours plaisir à te lire! Bravo aussi pour ton Non + bref, réussi aussi! La force de ton polar (pour moi qui aime bcp en lire) c'est que tu as eu l'intelligence et la subtilité de dénoncer dans ses pages les intolérances et fanatismes de tous bords sans tomber dans le piège d'aucune stigmatisation. Ta tolérance, ton humour et ton ouverture d'esprit se jouent du risque de réductions faciles où échouent nombre de pseudo- humanistes, intellos de tous poils, qui s'indignent dans le confort de leurs salons. Moi qui prétends écrire aussi désormais, j'ai particulièrement apprécié le recul où tu places Madame Merle/ton avatar dont je me suis régalée des monologues en italique. La mise en abyme où tu nous entraînes avec ses confidences est voluptueuse pour le lecteur! Ton auto-dérision, les doutes que tu nous balances comme des détails négligents, l'air de ne pas y toucher, nous portent à un énième degré, nous égarant dans le labyrinthe jubilatoire de ta trame, sacrée sorcière de la plume!!! Où te caches-tu, Janine-Ariane, se dit-on ? et où choper ton fil pour regagner la surface où se -re-oxygéner, reprendre notre souffle dans la course machiavélique où tu nous a égarés?! Tu nous peins l'écrivaine Noëlle Merle - derrière laquelle tu te planques et nous nargues! - qui elle-même se planque derrière son alter ego Éva Brodin dans les histoires qu'elle invente pour ses lecteurs fictifs, et qui se paye même le luxe d'usurper l'identité de la kiné Juliette Renaud pour aider à démêler le sac de nœuds de ton enquête policière thalassothérapique! On se marre! Ça foisonne de personnages croquignolesques de tous âges, milieux, origines géographiques; ça grouille de pataquès dignes de faire dresser sur les têtes jusqu'aux cheveux coincés sous la laque des permanentes les plus protectrices! Et ça va crescendo dans une démesure exponentielle de révélations à nous flanquer la sinistrose - si nous ne l'avions déjà - et à nous faire cauchemarder sur nos frères humains qui près de nous vivez... On sort notre boussole intime pour se réorienter dans ce capharnaüm qui nous ravit de frissons! Putain, Janine Teisson, se dit-on, où vas-tu encore nous emmener? Tu trouves que ce n'est pas encore assez glauque? ... mais on en redemande; et on t'en redemande; et tu nous en ressers jusqu'à la lie, jusqu’à la dernière page où tu nous déposes, essoufflés, sur la plage, au bord de l'eau... Sonnés mais ravis de l'être! Merci et j'attends désormais avec impatience le moment de lire des nouvelles de ton bébé... hermaphrodite!?! Nic Sirkis
"Qui est le handicapé ici ? C'est moi !" ai-je pensé. Je me suis senti anormal. C'était bizarre.
J'ai questionné l’interprète, elle m'a appris qu'il y a cent mille sourds en France. Rares sont les sourds profonds qui parviennent à parler. Mais alors, pourquoi ne m'a t-on pas appris leur langage ? Je suis sûr qu'enfant j'aurais dansé des mains, de la bouche, des yeux et de tout le corps avec fougue, moi à qui l'on a tant dit "Tais-toi !" Je suis sûr que tous les enfants adoreraient s'initier à ce langage aérien, secret, farceur, aussitôt effacé, eux qui ne vivent qu'au présent.
(...) Je ruminais tout en montant la côte : "Quand je pense que j'ai appris l'anglais pendant des années au collège et que je n'ai parlé, dans ma vie, qu'à deux ou trois Anglais ! Presque tous les fonctionnaires savent dire : "Bonjour", "Quel est votre problème ?" et "remplissez ce formulaire" en anglais, je suppose, mais pas en sourd !
Au cinéma :
Ne t'inquiète pas, ils sont tous sourds, ils ne viennent que pour les images