Citations de Jean Birnbaum (80)
Bien sûr que les dictatures essaient d'enrôler les enfants, et le monde totalitaire est précisément celui où les hommes, désertés par l'espérance, finissent "par armer jusqu'à leurs nourrissons".
Chaque nouvelle naissance est comme une garantie de salut dans le monde, comme une promesse de rédemption pour ceux qui ne sont plus un commencement.
de Hannah Arendt.
..., en donnant la vie, nous proclamons à la fois l'incertitude de l'avenir et notre capacité à engager le futur.
Pour Hannah Arendt, la pensée libre requiert l'indépendance du jugement. Et cette indépendance s'éprouve d'abord dans la capacité à faire de l'humour. (p. 65)
Le djihadisme change tout. Depuis qu’il s’est constitué en force planétaire, l’Occident n’est plus seul au monde. Ou plutôt il ne peut plus se raconter qu’il l’est. Parmi les puissances qui menacent sa suprématie, objectera-t-on, il y a aussi la Chine ou encore la Russie, dont le nationalisme fascine nombre de militants et d’intellectuels souverainistes en Occident. Mais la capacité d’attraction de ces pays n’est en rien comparable à celle du djihad. Combien d’Européens sont-ils prêts à s’engager, voire à sacrifier leur vie pour l’impérialisme poutinien ou l’expansionnisme chinois ? Pas beaucoup. Seul le djihadisme, avec ses dizaines de milliers de combattants venus de la planète entière, défie l’Occident sur le terrain de l’idéal universaliste, de la fraternité sans frontières. Il le fait en misant sur la vitrification doctrinaire d’une religion aux immenses richesses spirituelles et au rayonnement millénaire, l’islam. Au nom d’une civilisation, donc, qui a connu un récent déclin mais qui fut longtemps assez forte pour tenir tête à l’Occident, et qui se propose de nouveau, aujourd’hui, comme avenir du monde. Au point de constituer l’unique alternative globale à la modernité occidentale : « Il est difficile de trouver des blocs d’humanité d’une taille démographique, d’une épaisseur historique et d’une conscience de soi comparables à celles de ces deux géants », résume l’historien Gabriel Martinez-Gros.
Alors que l'amour est souvent décrit comme acosmique, hors du monde, nous proposons de souligner en quoi l'histoire d'amour est inscrite dans un monde. Notre hypothèse est la suivante : on ne désire pas tant quelqu'un que vivre une histoire avec quelqu'un, et cette histoire est ancrée dans un contexte, elle est située. Cela fait la fragilité d'une relation conditionnée par un milieu, liée à des circonstances qui risquent toujours de changer, mais cela fait aussi sa force puisqu'elle a la consistance d'une histoire qui a ses événements, ses lieux, son sens.
Chapitre IV
"Où ont lieu les histoires d'amour ?"
Valérie Gérard
(p.82)
En 1962 comme en 2016, la génération FLN ne peut envisager l'islam autrement que comme la religion des dominés, l'instrument politique que les pauvres se sont trouvé pour mener le combat de l'émancipation.
(citant Derrida dans une lettre à Pierre Nora en 1961)
"Si, à un moment ou à un autre, une argumentation "ultra" utilise tel ou tel élément objectif, celui-ci devient "tabou", quelle que soit sa valeur intrinsèque, sa vérité propre, et il ne faudra plus y toucher, ni le regarder, sous peine de contamination et de "complicité objective", crime de lèse-révolution. Tous les dogmatismes et tous les sectarismes commencent là, les révolutionnaires et les autres..."
Que la bibliothèque soit le lieu de toutes les rencontres, et que l'espace où les livres trouvent refuge soit aussi celui où se donne la vie (...)
L'enfance ne saurait se réduire à un âge de la vie. C'est un élan d'âme, une grâce à préserver, une sincérité qui se met en travers de l'imposture. C'est le langage des héros et des prophètes, celui qui se fait chair pour nommer les choses telles qu'elles sont. C'est donc d'abord un langage premier, qu'il n'a rien de naïf. A la fois élémentaire et supérieur, il enveloppe plus d'un paradoxe. Sa spontanéité a la mémoire longue, son insouciance est surnaturelle, sa révolte résonne comme une prière.
Parce que son monde est encore mouvant, le bébé célèbre la multiple splendeur du réel, il s'en porte garant.
Sur les réseaux sociaux, à l'occasion de tel ou tel débat public mais aussi dans les conversations entre amis, j'avais éprouvé la brutalisation des paroles, le raidissement des esprits, et j'avais à cœur d'affirmer ceci : quand la violence et le dogmatisme triomphent, le doute n'est pas une dérobade, c'est la première des audaces ; dans le brouhaha des évidences, il n'y a pas plus radical que la nuance.
Car la meilleure façon d'être honnête, c'est de renoncer à une illusoire 'objectivité' et d'assumer pleinement son propre point de vue. (p. 90)
« J'ignore pour qui j'écris, mais je sais pour quoi j'écris. J'écris pour me justifier. - Aux yeux de qui ?-Je vous l'ai déjà dit, je brave le ridicule de vous le redire. Aux yeux de l'enfant que je fus », dit-il dans Les Enfants humiliés. A ses yeux, l'enfance est bien plus qu'un âge de la vie. C'est une grâce à préserver, un élan qui se met en travers de l'imposture et du fanatisme. C'est un esprit insupportable aux imbéciles ordinaires comme aux surhommes totalitaires. C'est le langage des héros et des prophètes, le verbe qui se fait chair pour nommer les choses telles qu'elles sont.
L'humour fait vaciller les discours trop sûrs d'eux-mêmes, il mine d'avance les partages rigides où étouffe la pensée
Dans l'esprit de Camus, les deux griefs ne font qu'un. Manichéisme idéologique et mensonge existentiel sont inséparables, la langue de bois est sécrétée par un cœur en toc.
Entrer dans un livre aide à s'en sortir
Ce qui est en jeu, c’est la réticence qui est la nôtre à envisager la croyance religieuse comme causalité spécifique, et d’abord comme puissance politique. On adhère spontanément aux explications; mais la foi, personne n’y croit. (p. 23)
Simplement, son sujet principal est ailleurs : il préfère célébrer la puissance subversive de l'enfant qui naît.
L’enfant est le plus renversant des philosophes