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Citations de Jean Clair (210)


Je ne suis retourné qu’une seule fois revoir les deux fermes, la paternelle et la maternelle. L’une avait été transformée en résidence secondaire pour Parisiens retraités. La seconde était vide. Mes cousins l’avaient quittée pour aller vivre dans le P3 d’une HLM de banlieue près de Laval, subsistant avec les allocations versées par la Communauté européenne, devenus pareils aux Indiens qu’au Canada on a parqués dans des réserves. Et comme eux buvant dru.
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Mieux que promouvoir les Fêtes de la Musique et les Nuits des Musées, ne devrait-on pas créer une nuit sans lumière, sans phares, sans vitrines, sans signaux, une nuit où Paris serait plongé dans le noir, un black-out absolu, pour rappeler aux habitants, une fois par an au moins, que le ciel existe au-dessus de leur tête, et pouvoir comme Dante, au sortir de l’Enfer, riveder le stelle ?
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La personne, personne ne veut plus s’en embarrasser. Les « ressources humaines », c’est la réserve zoologique, la biomasse, le fond naturel dans quoi l’économie du tertiaire puise ce qui lui est nécessaire, comme l’âge industriel a puisé dans le charbon et le pétrole.
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Je pense à ces couples de gisants qu’on voit parfois dans les églises, allongés l’un à coté de l’autre, les plis des vêtements soigneusement repassés, tuyautés, frisés, godronnés, gaufrés, les mains jointes, un oreiller brodé glissé sous la tête, le chien familier leur servant de repose-pied. Qui peut aujourd’hui espérer connaître un pareil repos ? Une telle amitié dans la mort ? Les gens vivent seuls, mourront seuls, seront déposés seuls dans la terre ou préféreront, face à la peur de pareille solitude, se faire incinérer, devenir poussière parmi les poussières, cendre perdue au vent, quand même l’Église requérait qu’il y eût un peu de chair, un front par exemple, pour déposer la poudre grise, l’honorer - car on honorait en effet la cendre -, et par là lui donner un sens.
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En attendant, le français batifole sur la nuance superficielle. Qui minusculise les substantifs ne croit pas à la substance. J’en voudrais pour preuve que, récemment, est apparu en français le phénomène qui consiste à déplacer la majuscule sur l’adjectif accolé au nom : « club Célibataire » là où l’on aurait écrit « Club célibataire », « musée National » pour « Musée national », « modernité Viennoise » pour « Modernité viennoise », etc. C’est accorder plus d’importance à l’attribut qu’à la substance, aux qualités transitoires qu’à l’être, aux chatoiements du phénomène qu’aux propriétés durables. Civilisation des apparences, tyrannie des surfaces.
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Mais les jardins de notre enfance,
Où fleurissent-ils à présent ?
Quel soleil les éclaire et quelle eau les arrose,
Ces jardins délicieux où fleurissaient les roses ?
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 8

§§ d

  Freud dit quelque part qu’il existe un lien intérieur
entre le fait d’uriner et celui d’écrire. Il note que les pre-
miers troubles provoqués par sa prostate ont entraîné
chez lui la crampe de l’écrivain… Ses premiers signes,
dit-il, sans oser forcer l’interprétation, sont apparus en
Amérique.

p.44
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 8

§§ a

  L’urinoir de Marcel Duchamp, l’origine de Dada, du
surréalisme, du Pop Art, de l’avant-garde, de l’art dit
« libéré »… L’origine, l’or : l’urine, à l’orée du corps.
L’auteur de la Joconde à moustache avait été le premier
à oser revenir a un thème ancien, central à la peinture,
l’Uroscopie. Dürer lui-même l’avait illustré dans un des-
sin du Livre de prières de l’empereur Maximilien Ier, où
l’on voit un médecin observant un urinal. De l’examen
minutieux des urines, de leur coloris et de leur trans-
parence ou de leur brouille, on tirait la nature du mal
dont le patient était atteint. Empli de son liquide ambré,
le récipient dont on observait dans la lumière du soleil
la couleur d’or était l’attribut de saint Côme et de saint
Damien, les patrons des médecins. C’était le mercure
des alchimistes mêlant dans sa couleur le soufre et l’or.


p.43
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I L'INTRUS


Extrait 32

§§ 2

  Se pourrait-il que je doive un jour laisser ce qui s’est
révélé n’être qu’une dépouille, et donner créance a cet
autre, près de moi, visible, identique, qui semble être
le moi avec qui j’ai vécu si longtemps, mais que je ne
reconnais pas assez pour l’accueillir, quels que soient les
épisodes dont il me faut attester qu’ils ont été ceux de
ma vie ? Un désarroi, un peu de folie en effet.

p.33
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I L'INTRUS


Extrait 19

Un livre déplacé devient  introuvable. Je me sens in-
trouvable. Qui m’a déplacé, de sorte que je ne pourrai
plus me lire ?
La coïncidence est le début de l’effroi, Narcisse et son
double. Un corps fantôme ? Dans un miroir, le corps
devient spectral. Pourquoi voile-t‑on les miroirs lorsque
la mort frappe un foyer ? Pourquoi aussi voile-t‑on le
corps des femmes pour les rendre désirables, les soies, les
voilettes, les guipures, les jarretelles, les bas ? Comme s’il
fallait les endeuiller avant de pénétrer. La perte : Marie,
mère, et toujours vierge. Et pourquoi pas le gain de la
virilité ? Le don de l’autre. De quelle absence le désir de
l’autre prétend-il apporter le salut ? Désirer l’autre voilé
de noir, comme on voile de noir le miroir des maisons
endeuillées. Il me faut être absent à moi-même pour désirer
me recomposer dans un corps qui n’est pas le mien.
...

p.24-25
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I L'INTRUS


Extrait 18

Après le dentiste, la moitié de mon visage avait disparu.
Elle n’était pas insensible, elle n’existait plus. Un
trou. Il me faudrait aller vérifier dans un miroir que la
partie est toujours là, alors même que ma main rencontre
une absence.
La première frayeur, la plus forte, à découvrir le fauteuil
hérissé de canules, de tuyaux, de fraiseuses, et le miroir
par-dessus, aveuglant, les sons aigus dans les oreilles, les
chuintements, les crissements, les souffles : une machine
de science-fiction. Tout cela pour une pauvre dent ? La
première dent sous l’oreiller, pour la souris, qui déposerait
à sa place un sou, un chocolat, un bonbon… Cette
fable, ces contes autour des dents, la dent de lait, la dent
de sagesse, la vie pavée de petites dents, la dent contre
ceux qu’on n’aime pas… La dent, à l’évidence, pour un
enfant, avait à faire a de grandes choses. Pour les gens
simples, une dent qui tombe en rêve annonce la mort
d’un proche. La Chute de la maison Usher… Le dentiste,
cet homme étrange, habillé de blanc, sous les apparences
d’un sculpteur sur ivoire, d’un graveur sur émail, ou d’un
simple modeleur, avait en vérité à traiter avec les fins
dernières, qui décidait du destin et prolongeait la dent qui
aurait du tomber ou qui précipitait sa chute.
Les trente-deux petites choses blanches, semblables
à de l’ivoire, qui brillent dans l’obscurité, et qui s’épar-
pillent sur le plancher, dont parle Poe dans Bérénice…
Les dents sont les seules choses qui se laissent voir de
notre squelette, et même elles s’exhibent, elles éclatent,
quand on rit, de tout leur éclat.
Entre-temps, l’anesthésique avait perdu de son pouvoir
et peu a peu repoussait la moitié de la mâchoire que
je croyais perdue.
...

p.23-24
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Au delà même des tons du spectre, ces deux non couleurs: le blanc et le noir. Il semble que tout le travail de bonnard ait tendu à les annexer, a faire d'eux des couleurs à l'égal des autres.
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Mais parce que la couleur est chez bonnard cette irradiation qui confond en une seule et même réalité ce qui est ton et ce qui est lumière, elle est aussi ce principe de rayonnement qui, continument, tend à déborder les limites de l'objet local.
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Ce n'est pas un hasard peut être que le coloriste le plus aigu de notre temps ait colonisé ce ton, comme si, prenant possession de ce territoire vierge, il avait avec lui achevé l'entreprise menée par l'art occidental.
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Violet. Couleur proprement métaphysique qui clôt le monde visible et qui lance un pont sur le monde obscur.
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Le violet. on se souviendra que se sont les impressionnistes, fidèles sans doute à la leçon reçue des estampes japonaises, et en particulier d'Outamaro qui l'on fait entrer dans le spectre occidental.
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C'est son corps surtout qui devient le siège des plus étonnantes métamorphoses. Ecran sur lequel joue la lumière, il est la pellicule parfaite où viennent se mêler et s'impressionner les tons du spectre solaire, substitue de la toile plus parfaite que la toile elle même.
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Son domaine est la salle de bain, cette conquête de l'hygiène moderne. mais ce lieu fonctionnel, Bonnard le transfigure en un lieu de culte très ancien.
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Elles furent sa seule, son unique passion. C'est pour elles que le monde existe; c'est leur présence qui donne à celui ci sa valeur et sa réalité. (les femmes)
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Alors que le miroir ramenait la profondeur du monde à la superficie de son reflet, la porte fenêtre la condense dans l'épaisseur infinitésimale de sa vitre. Un milieu parfaitement translucide se comporte ainsi comme un milieu parfaitement réfléchissant: il restitue le réel dans uns transparence telle qu'il n'a plus ni avancée ni lointain qu'il n'est plus qu'une seule et même surface lumineuse.
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