Jean Dufaux

À ceux qui veulent mettre leurs pas dans le pas des dieux, à ceux qui avancent vers le temple, l’âme impure et el visage fardé, il est demandé une livre de souffrance et de chair. Et ce que les humains voient alors leur glace le sang à tout jamais.

L’esprit peut dominer la matière, Mister Fox ! Ce que l’on croit peut effacer ce que l’on voit.

- Sénèque : Ma réputation ?... Qu’est-ce qu’une réputation ? Sinon un souhait perdu dans l’oubli.

Mr. Fox, dans notre mythologie, le dieu Bès protège les hommes contre les influences malignes, les êtres malfaisants. Il assiste aussi les femmes en couche. Avez-vous rencontré un dieu, Mister Fox ?? […] Effectivement Mr Fox, même les dieux se doivent d’être de crais professionnels. Mais revenons au Livre, si vous le voulez bien. Et permettez-moi de faire un peu d’Histoire, d’en revenir aux temps anciens. Accompagnez-moi dans mon bureau. Alors que l’univers n’était pas encore sorti du chaos, que l’homme connaissait à peine le feu, le dieu Osiris, accompagné de son épouse Isis, vint sur la terre de Kemi et lui fit don du Nil. Le premier pharaon, dieu vivant enseigna à l’homme la culture des terres en bordure du fleuve, la connaissance de soi, de l’univers. Mais le succès de son entreprise suscita la jalousie de son frère Seth qui le tua, le dépeça et jeta les morceaux de son corps dans le Nil. Seth, le dieu rouge, image de la violence, de la brutalité, du mal. Isis entreprit la reconstitution du corps de son époux et enfanta Horus. Osiris, redevenu dieu, allait désormais présider à la balance des âmes défuntes. Isis avait triomphé de la mort, apportant du même coup à tous les humains l’assurance d’une survie éternelle. Mais les dieux firent plus pour l’homme. Ils lui dépêchèrent Toth, leur envoyé en quelque sorte.

Ressaisissez-vous ! Ce n’est pas le moment de faiblir. Vous voulez sortir d’ici, n’est-ce pas ? Alors, il faudra m’obéir ! Lorsque, par trois fois, vous entendre à nouveau ce cri Raïs, vous frapperez à mort l’homme qui se trouvera à vos côtés ! Quel qu’il soit ! Vous m’avez bien comprise ?

Voilà que ça me reprend. Ce goût de sang à nouveau, dans la bouche. J’ai l’impression que mes ongles vont se détacher de mes doigts. Il ne me reste plus beaucoup de temps si je veux leur échapper. Tout comme elle, d’ailleurs. Je me demande si elle se souvient de la clé. Bah ! Nous verrons bien ! Le frère a tué le frère. L’épouse peut tuer l’époux.

Regardez… Il… Il semble qu’il ait voulu nous laisser un message : Khmounou. C’est le nom égyptien de Hermopolis.

Attention !! Vous marchez trop vite, Mister Fox… Il ne faut pas : vous alliez écraser ces malheureux scarabées. […] Mais vous vous dîtes : S’il fallait éviter tous les insectes qui courent au sol, on n’avancerait plus ! Ce qui est assez juste en soi, Mister Fox. Évitez cependant les scarabées dans ma mesure du possible. À Héliopolis, ils furent tenus pour a manifestation du dieu Khépri, le soleil levant en personne. Autant ne pas froisser la susceptibilité des divinités qui nous gouvernent, vous ne trouvez pas ?

Une foule n'est qu'une tête vide que l'on tourne à sa guise.

- Son cœur ? ... Tu parles de cœur, Agrippine ? ... Sais-tu donc ce que c'est ?...
- Rassure-toi ! Le mien bat aussi ! Mais au rythme que je lui impose. Et il n'a pas le droit à la parole.


(page 119)

- Le monde n'est qu'une scène prête à t'entendre, cela ne tient qu'à toi.
- Et que dois-je faire pour cela ?
- Mesure ton ambition à celle des divinités. Ne recule pas devant tes possibilités, la crainte, la pusillanimité des hommes... Toi aussi, tu seras un dieu ... Si tu le désires vraiment...

(page 6)

Il y a deux moyens de nous chasser : nous tuer ou nous accuser de tuer ... Il paraît qu'il devient plus difficile de nous exterminer directement ...

(page 16)

...Il est inévitable qu'il y est des causes de chute, mais malheur à celui par qui la chute arrive ...Qu'on l jette à la mer avant qu'il ne fasse tomber les autres ...

(page 14)

Deux silhouettes blanches se sont inscrites au fronton de nos vieilles légendes. Les dieux, alors, pour la première fois de leur existence, tournèrent leur tête. Et ce qu’ils virent leur glaça le sang...

Nous roulâmes toute la nuit, sans plus prononcer un mot. Edith tenait le livre contre elle. Ce livre dont nous ne pouvions plus nous séparer. Ce livre qui, en quelque sorte, nous avait inclus de force dans sa tragique destinée…

Le Pénitent ? Vous savez que c’est ainsi que l’on appelait les repris de justice, chargés d’enflammer le grisou avant l’arrivée des mineurs ? Curieuse coïncidence, non ?

Ce n’était pas le moment de venir me provoquer, camarade. Il y a des jours comme ça où je suis de très mauvaise humeur.

Allan, je glisse ce petit mot dans ton livre afin de ne pas perdre de temps. Et puis sait-on jamais ? Ce que tu m’as donné ne devrait pas exister. Il est des histoires qu’il vaut mieux éviter si on ne veut pas s’y perdre corps et âme. Les heures passent. Je ne peux t’expliquer… mais je ne suis plus seul. Des ombres se glissent à mes côtés, se penchent sur mon épaule. Des chuchotements s’échangent au-dessus de ma tête. Je ne peux plus m’arrêter. Le vin a goût de sang. J’ai l’impression que mes ongles vont se détacher de mes doigts. À chaque mot déchiffré, une aiguille de feu s’enfonce dans mon cœur. Un pas lourd se fait entendre soudain dans mon dos. C’est lui… Il vient me chercher… À moins que je ne trouve la clé… dans ma tête… Oui… la clé… dans ma tête… Elle est dans ma tête. Je me suis redressé. Le jour se levait et je ne m’en étais même pas rendu compte. Une puanteur atroce régnait dans l’atelier. La clé était dans ma tête. Quelques mots qui me permettraient de lui échapper… comme si, perdu dans un labyrinthe, j’allais en retrouver le fil… Les voix me pressaient d’agir au plus vite… Sortir les mots de ma tête… pouvoir enfin les prononcer… et me faire pardonner ma coupable imprudence. Adieu Allan… N’oublie pas… La clé !! La clé !

Oui… C’était une de ces journées où tout peut arriver, le pire comme le meilleur. Le retour fut lugubre. Mais ce n’était rien encore à côté de ce qui devait se dérouler pendant la nuit.

Dans les semaines qui suivirent, je compris que Daudier était amoureux… et qu’il devait l’exprimer plutôt mal.