Citations de Jean Dutourd (209)
J’habite mon âge comme un appartement où je suis de plus en plus mal et où je n’oserai bientôt plus inviter personne.
Ils condamnent la vulgarité au nom du charabia. Ou plutôt, ils décrètent vulgaire ce qui n’est pas du charabia.
Tout est racisme en ce monde, tout est question de peau. À commencer par l’amour.
Il est à la pointe du progrès, comme tous les ignorants.
Clémenceau disait que la Révolution était un bloc. Oui : un bloc compact de cruauté, de vulgarité et de vandalisme. C’est la plus grande explosion de bêtise de l’Histoire de France.
Etre bon, c’est être libre. Etre méchant, c’est être esclave. Esclave de soi, de sa passion, de son caractère, de son avarice, de son égoïsme, etc. Voilà une réponse à faire aux gens qui vous demandent « quel intérêt » ils retireraient à se montrer bienfaisants.
Le terrain cancéreux de maintenant, c’est l'Europe entière, c’est l’Occident, c’est peut-être la planète. Il y règne trop de mensonges contraires à la vie humaine, trop d’impostures, trop de bureaucratie, trop d’idéologies, trop de désespoir (ou plus exactement d’absence d’espoir). Les âmes ne peuvent pas s’épanouir au milieu de ces contraintes. Et, comme elles ne peuvent pas s’épanouir, elles contaminent les corps, qui meurent en trois ans ou en six mois pour les libérer.
Je crains que notre gauche ne soit pas tout à fait assez à gauche pour s’offrir le luxe d’être malhonnête avec l’étranger. Elle a tout juste le pouvoir de l’être avec les Français. Il faut dire que là elle n’y va pas de main morte.
Le bien et le mal n'existe pas. Le bien et le mal sont les deux faces inversées d'un même principe. Au fond, ce n'est que des mots. On s'en sert pour qualifier les forces qui façonnent le monde. Elles ne sont pas antagonistes mais complémentaires. La seule différence et que ce qu'on appelle le mal est plus avantageux que le bien, ou mieux rémunéré. Le maître du mal à une plus grande influence sur le monde que le maître du bien, et cela se comprend sans peine : c'est qu'il récompense fastueusement ceux qui le servent. Il l'ordonne la longévité, la puissance, la richesse, la réussite dans leurs entreprises, le luxe, la séduction, l'amour, et ce qui vaut encore plus que tout cela, la tranquillité de la conscience. Ils s'absolvent eux-mêmes à chaque minute de leur vie. Le maître du bien est tout le contraire. Il demande sans arrêt l'impossible à ses zélateurs, jusqu'au martyre. La pauvreté et la chasteté sont ses moindres exigences. On ne parvient à lui plaire qu'on s'accusant des pire noirceurs, même si on ne les a pas commises. Il y a des fous qui se fouettaient jusqu'au sang pour lui faire plaisir. Enfin, lorsque tu as besoin d'une petite aide surnaturelle pour sortir d'une situation désespérée et que tu la sollicites humblement, le maître du bien devient subitement sourd et te laisse te débrouiller tout seul, sous prétexte que c'est ta foi qui est ainsi mis à l'épreuve.
Je devrais utiliser plus souvent la franchise, voire la brutalité. C'est bien joli la civilité, la litote, le sous-entendu, l'allusion, la délicatesse, le tact, mais les gens feignent de prendre tout cela à la lettre au lieu de le traduire et cela fait bien leur affaire.
En soixante-cinq ans de vie, j'ai appris à jauger les hommes, et j'ose dire que je me suis rarement laissé abuser. Il n'y a pas de raison que je m'en laisse plus conter par les morts que par les vivants. L'éternité change l'optique, elle ne change pas les âmes.
La notion de bonheur m'agaçait beaucoup autrefois. C'était la blague à la mode dans les démocraties occidentales ou ; tout le monde "avait droit" au bonheur, comme au remboursement des frais de pharmacie par la sécurité sociale.
Le goût de la cache tri, le genre mystérieux sont caractéristiques des imbéciles. C'est leur élégance (c'est-à-dire leur cache-misère).
[...] je rétorquai assez sèchement à Hadamas que nous avions beau être des amis inséparables,[...] il n'était pas d'amitié si étroite qu'elle ne se tempérât par-ci par-la de quelque solitude.
Cette soudaine blondeur des femmes lorsqu'elles atteignent la cinquantaine est précisément l'aveu de ce qu'elles tentent de masquer : c'est comme si elles se promenaient en agitant leur extrême naissance.
Je sais bien qu'on est toujours déçu (ou dépité) lorsqu'on voit le successeur que vous a donné une femme dont on a été aimé, qu'on ne peut s'empêcher de penser qu'elle eut soudain bien mauvais goût et qu'elle aurait pu choisir quelque chose de mieux.
Être un pur esprit, tout voir, tout entendre, jouer dans la réalité le rôle d'Assmodée le diable boiteux, ne rencontré aucune limite à l'indiscrétion, m'amuse parce que c'est nouveau est aussi parce qu'il est très piquant de voir l'envers des gens ainsi que la vérité qui, n'étant pas épié, se montre dans toute son obscénité.
Tout à coup, je suis passé de l'état de jeune homme à qui son corps n'apporte que des satisfactions ou des jouissances, à celui de l'homme mûr qui s'aperçoit avec étonnement qu'il n'est pas immortel, qu'il y a en lui deux ou trois endroit imprévus où la mort commence à forer son tunnel.
Les tombeaux reflètent l'âme des gens qui sont dedans;
[…] Imaginerait-on qu'il y a des bonshommes qui font mentionner sur leur caveau qu'ils ont eu la Légion d'honneur ou les Palmes académiques ?
Mais à un vide que je sentis à côté de moi, je compris qu'il n'était plus là. Il m'avait quitté à sa manière brusque, sans prendre congé, et je sus par une fugitive bouffée de néant à l'intérieur de mon être volatil qu'il m'avait quitté pour toujours, que je ne le verrais plus ( langage terrestre ), et que nous ne nous chamaillerions plus jamais.