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Citations de Jean Echenoz (753)


"Et à nos pieds, déroulé sur la terrasse, gît un tuyau d'arrosage orange, comme un serpent laissé pour mort et le long duquel un peuple de fourmis circule abondamment en deux sens, chacune tenant la plupart du temps sa droite comme sur une route classique. Le trafic de ces fourmis est fort dense, qui doit relier leurs dortoirs proches du chantier de construction à leurs divers ateliers, silos de grain, champignonnières, laboratoires de ponte ou étables à pucerons. S'arrêtant brièvement en se croisant, les ouvrières procèdent alors à un rapide contact frontal, histoire d'échanger un baiser subreptice ou se rappeler le mot de passe du jour, à moins que ce ne soit pour ricaner en douce du dernier caprice de la reine."
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Cela fait, Tausk quitte son bureau, ouvre une fenêtre du salon par laquelle entre une mouche massive au thorax bleu scintillant qui effectue d’abord quelques tours circonspects, doit trouver l’appartement à son goût car y volète pièce par pièce en s’attardant tel un huissier sur chaque meuble, chaque œuvre accrochée aux murs sans paraître envisager de sortir, passant à la bibliothèque dont, volume par volume, elle inventorie en vrombissant le contenu [...].
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Mais à ce propos, Pélestor aimerait qu’on lui explique pourquoi, lorsqu’il ouvre une boîte neuve de médicaments, c’est toujours du mauvais côté : celui de la notice d’utilisation pliée sur les pilules, comprimés ou gélules et qui fait barrage à ceux-ci, de sorte que Pélestor doit chaque fois refermer la boîte pour la rouvrir de l’autre côté, où la dose est en libre accès. Ce phénomène paraît inévitable, comme une tartine chue tombe toujours du côté confiture, sous l’effet d’une malédiction qui se poursuit même après la première ouverture de la boîte : chaque fois qu’il y a recours ensuite c’est toujours la notice qui se présente, la notice et la notice encore.
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Et pas un mot à qui que ce soit, bien sûr, scande le commanditaire. Je ne dis jamais rien à personne, prétend Lessertisseur. Une tombe, à côté de moi, c’est une pochette-surprise.
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Pianotant sur le plateau du bureau comme quand on s’impatiente, ses ongles, rien qu’au son, lui ont paru trop longs. Enfin une décision prise, à effet immédiat : extrayant un coupe-ongles du tiroir, il a entrepris de les raccourcir, passe-temps utile qui peut vous prendre un bon moment en s’appliquant. Il s’y est mis, il les a coupés.
Trop courts. De sorte que, pendant les heures suivantes, il a senti les bouts de ses doigts fragilisés, comme démunis ou nouveau-nés, leur chair tendre retrouvant l’air libre et le respirant, presque gênée de le respirer – c’est un peu la même sensation que lorsqu’on vous enlève un plâtre. Cet effet post-opératoire ne dure jamais longtemps, très vite on n’y pense plus mais, les jours suivants, on est content de ses ongles courts, nets, délivrés d’angles où la poussière pourrait s’insinuer. On attend de les recouper, sachant que le cycle entier de repousse des ongles, côté mains, dure trois mois – côté pieds, compter neuf car ceux-ci, passant leur vie dans le noir, sont plus lents.
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"Il ne lui est arrivé qu'une fois d'examiner le gros tableau de commandes occupant toute une paroi de l'habitacle. Constance l'a étudié en espérant, sans trop y croire, comprendre quelque chose au système électrique, a vite abandonné cet espoir mais, par jeu, a pressé un bouton juste pour voir, ce qui a paru ne rien changer à l'état des choses. Sauf que, sans qu'elle s'en aperçut, les pales de l'éolienne ont très progressivement ralenti le mouvement, se sont arrêtées un moment puis ont repris leur rotation, mais cette fois dans le sens inverse et Constance, sans prendre conscience que l'hélice tournait à présent comme le font les aiguilles d'une montre est retournée s'allonger, a rouvert son encyclopédie : lettre T, entrée Trahison."
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On ne saurait donc se mouvoir qu'avec un but, un axe, un cap, une idée fixe en tête, sinon mieux vaut rester derrière ses fenêtres.

(Génie civil)
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Et ce cimetière, au fond, ne présentait guère d'intérêt sinon, celui, qui n'est pas le moindre, d'être ingénieusement situé rue de l'Egalité prolongée.

(Trois sandwiches au Bourget)
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Le premier samedi du mois de février, m'étant couché très tard la veille, je me suis aussi levé très tard et j'ai décidé d'aller manger un sandwich au Bourget. Cette résolution, je la méditais depuis un certain temps. En marchant vers la gare du Nord, j'ai failli être détourné de mon but, notamment en longeant les devantures d'un marchand de pizza en tranches rue de Maubeuge puis d'un vendeur de kebbabs rue de Dunkerque, mais je n'ai pas cédé. J'ai tenu bon. Rien ne devait, malgré ma faim, s'opposer à mon projet.

(Trois sandwiches au Bourget)
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ce livre a lui seul est une citation
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Hélas pour eux, Objat a surgi sur ce quai six minutes avant l'Intercités puis les a rabattus vers le buffet de cette gare où il les admonestait qui se taisaient, miteux. Lorsqu'il a commandé un nouveau sandwich, leur demandant s'ils prenaient quelque chose, ils ont assuré n'avoir plus faim. Non, merci bien, Victor, a décliné Jean-Pierre, merci beaucoup. On a pris un croque-monsieur tout à l'heure.
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Tout est en place et chacun joue sa partie. Ils n'ont aucune idée de ce qu'ils font, mais ils font tout comme je l'avais prévu. Parfait, a soupiré le général, c'est bien, c'est bien. Ça me rappelle le titre d'un roman de Balzac, s'est-il laissé aller, Les Comédiens sans le savoir, je ne sais pas si vous connaissez. Ah non, pas du tout, a dit Objat, je ne l'ai pas lu. Moi non plus je ne l'ai jamais lu, bien sûr, s'est exclamé le général, mais enfin le titre est vraiment bien, non ?
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C'est à son ombre que Victor, s'étant préparé un kir dans un verre à moutarde qu'ornait une décalcomanie écaillée d'Albator, était assis devant la table en attendant le retour de ses subordonnés.
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Pensivement il tend l'élastique au point de le casser puis détord le trombone, tente de le retordre en forme de profil humain sans résultat cependant que, jeté sur le bureau, l'élastique s'improvise en esperluette : une pichenette et hop, l'esperluette se transforme en arobase avant de s'immobiliser en clé de sol.
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Existe aussi un coin cuisine dans lequel Lou Tausk, après avoir allumé les lampes et mis l'ordinateur principal en route, se prépare en même temps un jus d'orange et une théière, ce dans un ordre immuable et parallèle, sachant que le temps de presser deux oranges est égal à celui de l'ébullition puis que la phase de rinçage du presse-agrumes équivaut à celle de l'infusion.
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Quelques jours ou quelques nuits car une fois, pendant son sommeil, se produisit un incident physiologique : toutes ses fonctions vitales épuisées s'endormirent en même temps que lui. Cela ne dura que deux ou trois heures au plus, pendant lesquelles ses rythmes biologiques se mirent en grève. Les battements de son cœur, l'aller-retour de l'air dans ses poumons, peut-être même son renouvellement cellulaire n’assurèrent qu'un strict minimum à peine perceptible, une manière de coma, presque impossible à distinguer de la mort clinique pour un profane.
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Mais les paroles, une fois émises, sonnaient trop brièvement avant de se solidifier : comme elles restaient un instant gelées au milieu de l 'air, il suffisait de tendre ensuite une main pour qu'y retombent, en vrac, des mots qui venaient doucement fondre entre vos doigts avant de s'éteindre en chuchotant.
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[...] rien n'est ennuyeux comme les récits de rêve. Même s'ils ont l'air à première vue drôles, inventifs ou prémonitoires, leur prétention de film à grand spectacle est illusoire, leurs scénarios ne tiennent pas debout ; voudrait-on les tourner que leur production coûterait une fortune en casting, figurants, construction de décors, déplacements d'équipes et location de matériel - quand bien même de nos jours, grâce aux effets spéciaux, on peut faire beaucoup de choses en réduisant les coûts -, tout cela pour une audience à coup sûr nulle, sans retour sur investissement. Mauvaise idée. A de nombreux égard, le rêve est une anarque.
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Qu'elles soient de douleur, d'émotion, de joie voire de deuil, les larmes ont en effet du bon. Peu importe au fond ce dont elles témoignent, tant elles soulagent et tant, s'écoulant de nos yeux, c'est tout le corps qu'elles apaisent.
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Enigmatique et théâtral, ménageant ses éclairages et ses effets, Gregor joint à ses dons d'orateur ceux de comédien et de prestidigitateur asymptote du magicien.
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