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Citations de Jean-Marie Rouart (229)


Le mystère de la lecture, c’est que de toutes les passions, c’est une de celles qui ne s’épuisent pas. On pourrait imaginer qu’avec le temps vient la lassitude. C’est tout le contraire. L’appétit reste vif. On mesure tout ce qu’on n’a pas lu et nous restera à jamais ignoré. On va mourir sur sa faim. Des continents entiers demeureront ignorés qui contenaient de petits paradis et des sortilèges qui garderont leurs secrets. Pour moi, je n’ai jamais envisagé la lecture que comme un décryptage de ma propre vie. Aussi, quand viendra l’heure, ce ne sera pas seulement au dernier mot d’un livre mais à mon dernier souffle qu’il faudra ajouter le mot « fin »

(…) A ces amis qui ont enchanté ma vie, je devais bien dire ma reconnaissance : c’est ce livre.
p 22-23 
Préface
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Il est dans la nature [de l’artiste] de douter, de croire parfois puis de sombrer à nouveau dans l’angoisse de l’à-quoi-bon. C’est le paradoxe de l’artiste, il cherche la reconnaissance des autres, mais heureusement il n’y croit pas.

(p. 215)
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Les coeurs en écharpe
Apollinaire : le troubadour des dames galantes
"Avec son crâne carré, son allure de portefaix, il n’a pas la gueule de l’emploi : pourtant la poésie l’habite et l’amour le transporte. Il y brûle délicieusement ses ailes car cet amoureux éperdu et volage est un grand masochiste. Peut-être a-t-il compris que pour un poète les souffrances amoureuses font partie des accidents professionnels.
Dans sa vie, les amantes vont se succéder, déchirant son cœur d’où ne coule pas du sang mais des poèmes. Plus elles le flagellent, le trompent, l’humilient, plus il leur dédie des poèmes reconnaissants. Lou de ce point de vue détient le pompon : cette belle aristocrate va le torturer avec une science digne du marquis de Sade. Loin de se plaindre, il en redemande. Les lettres qu’il lui adresse du front où il voit autour de lui pleuvoir les obus et la mitraille sont d’une beauté pathétique. Comment un chant si pur peut-il naître de la boue des tranchées, de l’odeur fétide des amputations et de la mort ? C’est le miracle de la poésie qui abolit l’horreur du monde et métamorphose en beauté un monde que l’espoir a fui." p 205-206
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Bruslart, quand il ressort des locaux du ministère de la Guerre, n’a reçu que des consignes vagues : le ministre, qui n’est pas un aigle, a préféré être prudent. On commet moins d’erreurs en ne décidant rien. Cette question du traitement réservé au proscrit mérite réflexion : elle n’est d’ailleurs pas du ressort du ministre de la Guerre, ni même du roi seul – bien qu’il soit sans états d’âme sur le sujet – mais il est, en ce moment même, en pleine négociation, par l’intermédiaire de Talleyrand, à Vienne avec les puissances alliées. Bruslart n’a donc en arrivant à Bastia d’autre conseil à prendre que de sa conscience. Et sa conscience est tout entière absorbée par la haine.
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Les bourlingueurs de l'infini
Cendrars : la poésie des mauvais garçons
Une dégaine de mauvais garçon, la lippe dédaigneuse où pend un mégot, la casquette de marlou, des tricots rayés, on voit tout de suite que cet écrivain a fréquenté plus volontiers les malfrats de la bande à Bonnot que les cocktails de la duchesse de La Rochefoucauld. Il ne faut pas compter sur lui pour faire des ronds de jambe littéraires ou pour cultiver sagement le paisible jardin à la française des lettres. C’est un hors-la-loi, un révolté, un pirate qui fait son butin de tous les mots précieux, toujours prêt à occire les phrases trop convenables et à violenter la syntaxe au coin d’un bois.
Bizarrement, la littérature, qui en a vu de toutes les couleurs, a un faible pour les mauvais garçons qui la bousculent.
(...) De Rhum à L’Homme foudroyé, cet aventurier, qui a voulu fuir tout ce qui risquait de l’enchaîner, à commencer par la littérature, a fini par rendre les armes. Il a compris que, loin de l’asservir, elle était pour lui l’instrument de conquête d’une véritable liberté intérieure : « Toute vie n’est qu’un poème. Je ne suis qu’un mot, un verbe, une profondeur dans le sens le plus sauvage, le plus mystique, le plus vivant. » p 414-415
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L'expédition d'Egypte est peut-être le projet de conquête le plus caractéristique de Napoléon : à la fois inutile et essentiel... Elle montre qu'à l'évidence il n'est ni un chef de guerre, ni un homme d'état comme les autres. Là où les politiques travaillent dans la matière de la réalité, il sculpte dans le rêve. Mais ce rêve par une étrange transmutation, devient réalité. Le faux devient vérité.
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Une mystérieuse fraternité relie les Français comme si, aussi séparés qu’ils fussent, ils avaient conscience de s’être trop abreuvés à une source commune pour ne pouvoir être totalement différents. J’aime Voltaire plus complexe qu’on ne l’imagine dans son agnosticisme ; je comprends l’athée Stendhal, jacobin toujours en pétard contre la calotte ; Rimbaud, le mystique à l’état sauvage ; le bouffe-curés Mirbeau ; le mécréant Flaubert ; le païen Maupassant ; le communiste Aragon ; l’agnostique Malraux obsédé par les spiritualités. Je suis bien évidemment du côté de l’épicurien Gauguin dans son combat à Tahiti contre les pasteurs rigoristes qui veulent faire fermer sa « Maison du Jouir ».
Je les respecte infiniment même si leur éloignement du christianisme me semble souvent superficiel et lié aux circonstances.
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J'aime l'écrivain dont le talent et la voile sont gonflés par l'air du grand large; celui qui a cherché son chemin dans les étoiles, qui s'est perdu dans les forêts, qui s'est baigné dans les lacs glacés et dans la vie élémentaire, qui a tenu dans sa main des épis de blé mûr, qui a vu fumer devant un feu ses chaussures boueuses, qui s'est enivré dans les bordels, qui a connu la vérole, la guerre, la prison, la peur, la faim, qui a éprouvé la trahison des femmes du monde et la fidélité des putains, que ses rêves ont vivifié et stimulé autant que l'oxygène : Brantôme, Knut Hamsun, Malraux, Tolstoï, le colonel Lawrence, Jan Potocki, Chateaubriand, Conrad n'étaient ni des brutes ni des barbares. Mais quand on les lit et les regarde vivre, on s'aperçoit que la bonne littérature ne s'attarde pas forcément dans les bibliothèques, qu'elle tira sa force ailleurs, des tempêtes, des orages et des amples mouvements de la terre. Les grands amoureux de la vie ne font pas le détail. Ils aiment tout d'elle : la rêver, la transformer, la pétrir, la caresser, la fouetter, en tirer toutes les extases, immanquablement suivies de toutes les déceptions et de toutes les tristesses.
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A propos de Barrès à Venise :
Ce qu'il aime dans l'Orient, c'est le soleil et le feu. Il a trouvé sur le Grand Canal un tremplin à ses rêves de coupoles et de minarets et aussi quelques puissants ferments de désespoir. Entre les palais délités, dans les eaux vertes qui réfléchissent des dorures fanées et des grandeurs abîmées, il joue avec l'idée de la mort. Elle fascine ce ténébreux comme le grand instrument musical de l'infini, l'orgue sur lequel les souffles de la vie animent une partition fatale composée par le néant.(Chapitre II, La destruction par l'amour)
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Elle est sans exemple, cette folie amoureuse, dans l'histoire des héros et des conquérants. Nul, au plus fort de ses projets et de ses ambitions, n'a été à ce point dominé par le désespoir amoureux. Napoléon révèle un gouffre. Un gouffre que nul ne peut soupçonner et qui, parfois, laisse incrédule ses admirateurs. La tentation est grande de dissimuler une telle faiblesse chez un héros construit à force de volonté et que gouverne l'esprit le plus rationnel qui soit. Il faut avoir recours à la légende pour trouver un guerrier à ce point blessé : Achille pleurant Briséis. Mais, dans l'histoire moderne, nul autre ne s'est laissé dominer comme lui par les désordres de la passion.
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«  La Provence s’empara de moi comme un coup de foudre. L’intense lumière blanche, le soleil triomphant faisaient paraître pâles et chlorotiques les ciels que j’avais connus .
La chaleur sèche rendait l’ombre désirable et douce.
Quelque chose de pimpant dansait dans l’air. Le parler chantant des habitants , la flèche sombre des cyprès , le parfum doucereux de la lavande , l’haleine poivrée de la garrigue bruissante de criquets et de cigales , tout m’enchantait » ..
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Il faut vouloir vivre et savoir mourir.
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Un professeur en pétard contre Le Clézio

[…] L’article d’un professeur critiquant dans le journal Le Monde, le prix Nobel attribué à Le Clézio a provoqué un petit séisme dans le monde des lettres. Même si je ne suis pas d’accord avec ce professeur, je lui suis reconnaissant d’ouvrir un débat. Rien n’est plus opposé à la vie intellectuelle que le ronron et le conformisme. On critique tout. Les Français, ce peuple ultraquerelleur, sont passés maîtres dans l’art de soulever les polémiques. Alors pourquoi ne critiquerait-on pas le jury Nobel ? Pourquoi Le Clézio échapperait-il à des éreintements qu’ont connus avant lui Hugo, Flaubert ou Mauriac ? Malraux considérait qu’il n’y a pas de « contre » en littérature. Toute opposition enrichit le débat en le créant. Néanmoins ce professeur justifie sa critique en écrivant : « Le Nobel de Le Clézio fait rétrograder la littérature française de plusieurs décennies. » Il me semble que ce professeur, je le lui dis humblement, se met le doigt dans l’œil. La littérature n’avance pas, n’a jamais avancé comme la science en progressant. À ce compte-là Chateaubriand serait de la bibine, Voltaire une vieille lune, Rousseau un scrogneugneu. Je veux bien admettre que le bateau à vapeur est un progrès par rapport à la marine à voile. La voiture par rapport à la carriole. La machine à laver par rapport au lavoir de nos grands-mères. Mais il ne vient à l’idée de personne de comparer Le Clézio à une machine à laver.

(pp. 239-240)
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Quand le nom de sa bru apparaissait dans la conversation, son œil d’un bleu profond se fronçait comme la mer sous l’orage. On y voyait passer des lueurs de crime , de vengeance .Des sentiments de vindicte cuits et recuits filtraient dans dans l’alambic de son âme dépourvue de compassion , l’assaillaient , la hantaient , l’obsédaient . C’était une haine pure, totale , absolue , comme l’était son amour pour sa petite - fille, tout aussi primaire, aveugle , irréfléchi .
Le reste, loin de lui être indifférent ,n’était qu’intérêts , calculs, tractations manœuvres pour étendre son empire dans le bocage » ....
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Le secours, je le cherchais dans l'amour. C'était l'erreur à ne pas commettre. Comme la psychanalyse, il n'est bénéfique qu'à ceux qui n'en ont pas vraiment besoin. J'imaginais – le plus bête est que je le crois encore – qu'il me dédommagerait de tout; qu'il serait ma famille, mon baccalauréat, mes études supérieures. De fait il a été un peu tout cela – et je lui pardonne d'avoir bien failli être aussi mon bouillon de onze heures. Je n'ai appris vraiment que des femmes. Je leur dois, en plus de cette intelligence particulière qui naît comme une ultime lumière d'espérance au cœur des souffrances qu'elles infligent, ce sentiment de la fragilité douloureuse de toutes choses. J'ai toujours considéré les bonheurs de la vie, ses dérisoires conquêtes, à l'image de l'amour : fou de joie de les découvrir, certain qu'ils ne m'appartenaient pas, triste de les voir me quitter, ne désespérant jamais de les retrouver.
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Mais un asile bourgeois et confortable en Amérique lui répugne. Que lui importe de devenir un objet de curiosité dans un pays à peine effleuré par la civilisation, au sein d’une société mercantile qu’il méprise ? Il a toujours choisi le risque. Il sent que ce destin-là, si fou, si aventureux soit-il, est mystérieusement le seul en accord avec l’idée qu’il se fait de sa gloire.
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Ecrire avec son sang

Les tourments de ses amitiés blessées apparaissent chez Drieu plus pathétiques encore que ses amours déçues: Aragon, Emmanuel Berl demeureront des échardes douloureuses. Seule subsistera une amitié forte, indestructible, avec Malraux, faite d'admiration et d'estime réciproques. Si son amitié avec Malraux n'a pas connu d'orage c'est peut-être parce qu'elle était elle-même l'orage constitué de ces deux natures violentes venant des deux pôles de la vie politique. Rien de plus romantique, de plus noble que ces rencontres passionnées entre deux hommes qui pendant des nuits entières se raccompagnaient l'un chez l'autre dans Paris, tentant de rester lucides dans une époque où le dialogue n'existait plus, à l'ombre des étendards où fascistes et communistes aiguisaient leurs longs couteaux. Prévoyant la tourmente qui les emporterait, les séparerait , ils l'admettaient par le même amour fasciné de l'histoire, convaincus qu'à travers toutes les péripéties, la mort même, leur amitié survivrait. Ils étaient des chevaliers qui communiaient dans une même admiration pour leurs héros. (p. 64, Grasset, 1984)
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Berberova : une rescapée du silence

Cette femme frêle, presque fluette; que le moindre tourbillon semble suffire à emporter, aura affronté sans brocher la tourmente la plus violente de l'histoire moderne. Exilée, ayant perdu la plupart de ses amis, détenant ce passeport Nansen que connaissent tous les apatrides, elle s'est battue avec un courage, une obstination qui forcent l'admiration. Si quelqu'un a résisté dans ce siècle, c'est bien elle. Face à l'idéologie communiste, face à la coalition des intellectuels soviétiques et de leurs soutiens en Occident, elle a bravé le destin qui voulait la rejeter non seulement hors de l'histoire, hors de son pays, mais aussi hors de sa passion: la littérature. car ce qui distingue Nina Berberova des exilés ou des dissidents, c'est qu'elle n'a trouvé un éditeur pour publier ses livres qu'au soir de sa vie, à plus de quatre-vingt ans. Hubert Nyssen a découvert cette oeuvre magnifique qui n'avait intéressé personne. La grande injustice qui a si lourdement frappé Nina Berberova, c'est ce silence dans lequel on a voulu, jusqu'en Occident, l'enfermer.
Cette oeuvre est un cri de protestation contre l'histoire. Tous les personnages de Nina Berberova sont, à leur manière, les réprouvés d'une société indifférente au malheur, à la pauvreté, à la vérité intime des êtres. (p. 773)
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Chamfort, chapitre V : Les noyés de l'histoire
Quand la Révolution éclate, il la croit faite pour lui. Il la courtise et la caresse. Elle le nomme conservateur de la Bibliothèque nationale. Mais il y a dans sa nature une infidélité et une ingratitude qui le poussent toujours à mordre ses bienfaiteurs. Oubliant que le monde a changé, il continue à décocher ses épigrammes : venu d'une époque où les mots faisaient rire, il ne peut concevoir qu'ils puissent aussi vous faire tuer. Il est emprisonné, relâché. La menace d'une nouvelle arrestation est insupportable à cet homme qui a chéri plus que tout la liberté, même s'il l'a aimée à sa manière en amant volage et dissipé. Il décide de se supprimer. Il y met tout l'acharnement qu'il avait mis à vivre : il charge un pistolet, veut tirer sur son front, se fracasse le haut du nez et s'enfonce l'œil droit. Il saisit un rasoir et se taille la gorge. Il se porte sans plus de succès plusieurs coups vers le cœur. Enfin il se coupe les deux jarrets et s'ouvre plusieurs veines. « Le sang coulait à flots sous la porte », dira son ami Ginguené. Il expirera, après de terribles souffrances, six mois plus tard. Les blessures de Chamfort sont toujours ouvertes : le sang qui s'en échappe, c'est celui de tous ces écrivains, épris d'idéal, qui ont été broyés par le nouveau monde qu'ils avaient appelé de leurs vœux.
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Le bonheur que Berthe Morisot a peint dans son œuvre, elle ne l’a pas puisé dans sa vie : « Il y a longtemps que je n’espère plus rien, même chez les autres, que le désir de glorification après ma mort me paraît une ambition démesurée. La mienne se bornerait à vouloir fixer quelque chose de ce qui passe : oh, quelque chose, la moindre des choses. Eh bien, cette ambition-là est encore démesurée. Une attitude de Julie, un sourire, une fleur, un fruit, une branche d’arbre, et quelquefois un souvenir plus spirituel des miens, une seule de ces choses me suffirait. »

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