Citations de Jean Viard (65)
J'aime penser que nous passons dans le temps, et que ce n'est pas le temps qui passe.
Aujourd'hui, dans notre société de l'art de vivre, c'est la qualité du commun qui attire l'habitant, et l'entreprise suit sa main d'œuvre rare.
Nos archaïsmes nous préparent de la pire manière à une civilisation du travail robotique et numérique dont nous ignorons tout mais dont l'avénement est certain.
J'aime bien le système de Marseille, où il y a des "quartiers" totémiques par communauté, sans que jamais la majorité de la communauté n'y réside, ni que la majorité de la population n'y soit de même origine. C'est une organisation intelligente de notre plus grande ville migrante, que l'on refuse cependant encore aux derniers arrivés.
Mais il faut que, vous aussi, vous compreniez ce nouvel espace politique et productif qui vous est ouvert. Non pour dire : "On vous l'avait bien dit", mais pour vous en saisir et proposer l'agriculture d'un monde durable auquel nous aspirons tous. La balle est dans votre camp. La société ne peut décider sans vous, sans votre volonté, sans votre expertise, sans votre participation aux débats et aux expérimentations. Il vous faut construire de nouveaux discours, de nouvelles perspectives, pour qu'il devienne possible de sceller un nouveau pacte politique agriculture/société; pour construire une alliance autour de l'agriculture aux fins de lutter contre les risques de mutation climatique et de pénurie d'aliments et d'énergie. Pour ce faire, il faut faire front, tous, gens de la terre ou non, tournés vers demain.
Les paysans doivent être des acteurs politiques, techniques et scientifiques de cette solution. Il ne s'agit pas de vouloir revenir "au bon vieux temps d'hier", qui est largement un mythe moderne, urbain et arfois "néobaba". Non : l'enjeu est de proposer un nouveau contrat à la société sur les questions agricoles, les ressources énergétiques, le développement durable, la lutte contre le réchauffement climatique, l'usage des territoires... Vous pouvez en devenir un des acteurs majeurs. Car vous êtes au coeur d'une économie de la production de ressources renouvelables, avec le soleil, le vent, la force des fleuves et des marées...
Ceux qu'hier on disait mineurs, marginaux ou archaïques, les femmes, les Noirs, les paysans, les minorités culturelles ou sexuelles, les peuples premiers... sont peu à peu introduits ou réintroduits dans la diversité nécessaire du monde. Les cultures de la rareté, les savoir-faire locaux, les originalités alimentaires redeviennent des stocks de savoirs et d'expérience à protéger et à considérer. Il y a là des richesses hier délaissées, interdites voire méprisées, qui peuvent devenir des atouts de vie et de développement, à l'égal des découvertes les plus savantes et des technologies les plus pointues.
La gauche est l’alliance de ceux qui ne possèdent que leurs bras et leur cerveau. Ni capital, ni terre, ni ordre religieux ou militaire. Des femmes et des hommes voulant porter leur vie, des travailleurs et des intellectuels, donc, cherchant ensemble un chemin, un sens un destin et un avenir. Or, durant ces quarante dernières années, les ventes moyennes d’un essai sur les questions de société sont passées de 1600 à 700 exemplaires. L’aura de la pensée a reculé. Le désir de connaître et de comprendre a cédé.
Les restos du cœur sont le dernier bouclier des pauvres. Un bouclier tenu par 58 000 bénévoles. Un bouclier créé en 1985, comme on le sait, par Coluche, qui, on le sait moins, avait obtenu de Jacques Delors l’ouverture des frigos de stockage européens. Une Europe qui était alors une espérance. Et une protection. Et rappelons que les pauvres de ce pays sont d’abord des femmes seules avec enfants. Elles représentent 53% des 830 000 personnes aidées par les Restos.
Cette société tri polaire - classe nomade créatrice, anciennes classes dominantes, « quartiers populaires » - n'a pas encore de mot et de récit. Pas assez, en tout cas. Mais rien ne sert de vouloir revenir en arrière. L'enjeu est de penser la place des nomades créatifs émergents et, en même temps, les liens et les lieux respectueux des anciens groupes sociaux et qui leur ouvrent un chemin vers le futur.
Nous passons donc, certes, dans le temps, mais de plus en plus longtemps, ce qui bouleverse les équilibres de nos sociétés et de nos vies privées. D'où la nécessité d'inventer des mots nouveaux, des récits nouveaux pour le dire. Le temps est donc venu d'inventer ceux du monde qui vient.
La civilisation industrielle est derrière nous. Elle laisse un monde qui sera entre 0,6 et 1,3 °C plus chaud en 2050, et auquel nous devons nous préparer. Localement, chacun doit regarder le climat 500 kilomètres au sud et commencer de grands travaux d'adaptation. Ombre et lumière, isolation, nouvelles plantations, changement des espèces d'arbres et de vignes... Mais la civilisation qui s'achève dans cette tragédie fut grandiose et innovante. La vie s'y est allongée comme jamais. Les guerres mondiales y ont été contenues, le monde numérique, scientifique et technologique a changé le quotidien, a permis la réunification d'une humanité éparse. De considérables créations artistiques, intellectuelles, scientifiques, ont été faites. Immenses avancées. Mais le point de rupture qui s'annonçait vient d'être atteint. Le Covid-19 est l'avant-garde d'un combat plus large. Il prolonge la COP 21. La bouscule et la légitime. La popularise.
Les vrais exclus du monde monder sont les exclus du temps libre riche, et ils sont nombreux.
Il faut généraliser les quatre apprentissages du monde. Les gens les plus employables sont ceux qui ont mélangé voyages, études et travail.
Acceptons que les jeunes qui travaillent pour ces trafics sont dans une forme d' "apprentissage" à intégrer dans une projet global pour la jeunesse.
Dans la contemplation des nuages d’automne, l’esprit prend son vol. Que vienne le vent d’automne et les pensées déferlent à l’infini. Disposerait-on même de la musique, du métal et des pierres, comme des insignes de jade aux caractères précieux, qu’on ne parviendrait pas à suggérer semblables merveilles.
Wang Wei (415-443)
L'affaiblissement des classes sociales et des corps intermédiaires a laissé la voie libre à des réseaux sociaux incontrôlables rassemblant des individus isolés, et à des alliances de voisinage sans unité sociologique.
Nous vivions dans un monde de sédentaires avec des déplacements ; nous sommes dorénavant dans un monde de mobilités où l'enjeu est de chercher à associer liberté, mobilité et individus.
Et c'est justement la question qui nous est aujourd'hui posée : comment réinventer un troisième contrat en partant à la fois de ce qu'attend la société et de la vie que vous attendez, vous, pour vous ? Tel est l'enjeu des prochaines années, tel est l'enjeu de votre avenir et de vos métiers. Mais pour y arriver, il faut que chacun comprenne et accepte le changement qui est en vérité déjà là et que, à partir de lui, chacun travaille à son projet et le propose à l'autre.
Un passé mythifié, que nos ancêtres se sont battus pour quitter, paraît bien souvent plus désirable qu'un futur difficile à imaginer.