Afin de décrire autrement leur banlieues, des femmes du quartier Le Bouchet-La-Riomière près de Saint-Etienne s'improvisent journalistes avec l'aide de l'écrivain Jean-Yves Loude. Elles mènent des enquêtes, explorent le richesse humaine de leurs entourages.
"C'est ainsi quand on a peur ; les hommes méprisent ceux qu'ils craignent sans chercher à les comprendre."
"_Quand on est trop préoccupé de soi, on perd le sens du bien commun !"
"Toutes les deux me stimulent, m'enchantent par leur courage, leur force intérieure. Il faut bien se donner une raison d'avancer vers un lendemain."
Ce que je vais te dire maintenant, mon fils, te surprendra sans doute, te choquera peut-être, car ta religion, ta culture, tes croyances diffèrent de celles des Kalash. Garde ton cœur aussi ouvert que tes oreilles. Si ton voisin ne vit pas comme toi, c'est qu'il regarde la terre et le ciel autrement, de plus haut ou de plus bas, d'une vallée cachée ou du bord d'un océan, du fond de la forêt ou à la lisière du désert. Et c'est bien ainsi. Ce qu'il a compris du monde et de la vie ne peut que t'intéresser. Ce que tu as découvert de ton côté lui fera grand profit. Fais tout pour le rencontrer, enrichis-toi à son contact, ne cherche jamais à le transformer. Votre échange suffira à modifier son jugement et le tien, à élargir ta perception et la sienne. Si je voyage vers ceux que certains d'entre nous traitent d'infidèles, c'est pour rapporter dans mes bagages d'autres vérités que la nôtre.
Nous sommes prévenus : la langue est un outil dangereux.
Un jour, nous dit-on, un roi commanda à son griot d'aller au marché et d'y acheter le meilleur morceau de viande. Le griot obéit et rapporta à son roi une langue. Le lendemain, le roi demanda au même griot de retourner au marché et d'y acquérir le pire des morceaux de viande. Le griot s'exécuta et rapporta à son roi une langue. (page 41)
Je constate aujourd'hui que la réalité est conforme aux prévisions esthétiques. Les arbres ont plus de quarante ans et assurent la quiétude édénique espérée. Le monde des "quadras", préservé des turbulences par une entrée automobile unique et étroite, est favorables aux oiseaux et aux manguiers, propice à l'éducation des enfants. Les voitures sont rangées, les gosses peuvent jouer et les coureurs ahaner dans les allées ombrées. Les immeubles ont correctement vieillis.
-Ceux qui lisent apprennent à penser, à douter, à rêver, et ils trouvent dans les livres la force de réaliser leurs rêves. Ceux qui lisent, pour sûr, ouvrent les yeux sur les actes des dirigeants et parviennent à comprendre le monde dans lequel ils vivent. Les puissants les craignent, car ceux qui lisent ne se privent pas les critiquer.
Les esprits critiques vis-à-vis de la prolifération d'éclats du bois de la croix, des cheveux de Marie, d'épines du Christ ou de fragments d'os de martyrs, dénoncèrent ces excès comme des pratiques païennes. Argument rejeté quand on sait combien les non-chrétiens abhorraient cette habitude de collecter les restes des défunts. Les habitants de l'Antiquité préféraient célébrer la beauté du vivant, plutôt que les effets de la mort, même censés être vaincus par la résurrection.
Duquesne et bien d'autres admettent que l'Incarnation demeure "l'originalité absolue du christianisme". Aucune autre religion n'osa lancer un pareil pont entre les rives du visible et de l'invisible. En contrepartie, ce désir de Dieu fait homme exigea une gymnastique théologique incomparable, puisqu'à chaque ruade de la raison, les tenants du discours officiel, durent dans l'urgence, forger un nouveau maillon pour enchaîner l'incohérence à leur cohérence.
Les rivières ne dorment jamais. Chez nous, c'est vrai plus qu'ailleurs. La pluie équatoriale alimente leur fureur. Notre pays est petit et volcanique. Son relief, plissé, abrupt et contrarié. Les cours d'eau ont un espace bref pour s'exprimer. A peine nés dans la brume des sommets, ils dévalent vers l'océan avec rage et fracas, irrités par l'arrogante immobilité de roches noires qui encombrent le passage et les obligent à cascader. A l'approche du littoral, il reste peu de temps aux torrents pour devenir rivières ; ils repoussent les berges, étalent leurs eaux sombres, écartent les arbres, passent sous des tunnels de branches. Les femmes profitent du répit de petites plages pour laver le linge qu'elles étalent sur le sable. Chaque enfant de notre peuple a appris la magie des couleurs à force de contempler ces damiers de draps, de voiles, de blouses, de jupes, de culottes déposés au sol par les mères qui frottent et pépient des commérages tout en surveillant les bébés.