"Le chemin des vierges enceintes" est un récit de
Jean-Yves Loude édité par les Editions Chandeigne en partenariat avec la Librairie Portugaise et Brésilienne.
Deux ethnologues,
Jean-Yves Loude pour la partie rédaction et Viviane Lièvre, pour la partie photos, se sont lancés sur la trace des vierges enceintes.
La figure de Marie semble, dans le premier christianisme, issue de l'association du culte de la déesse mère Cybèle, (à laquelle était souvent attachée l'exigence de virginité issue des mentalités méditerranéennes), et de l'image de Marie, mère du Christ.
C'est en détrônant les grandes déesses mères Isis et Cybèle que se serait instauré le monothéisme en faveur d'un Dieu normalement asexué (le sexe étant une limitation), mais de fait exclusivement représenté par une figure masculine.
Nous serions ainsi progressivement passés d'un monde sur lequel régnaient à égalité des divinités masculines et féminines à un monde exclusivement masculin et patriarcal.
En 431, le concile d'Ephèse a défini le rôle de Marie, mère de Jésus et mère de Dieu (sans être pour autant son égale, on reconnaît bien la figure de Cybèle dé-légitimée).
À partir de cette époque s'est développé en Occident le culte marial qui n'était pas encore nécessairement associé à l'idée de virginité, voire pas du tout ( toutes les coutumes locales n'y accordant pas une égale importance et les mentalités populaires étant par ailleurs rétives à l'idée de virginité pour une mère).
Marie pouvait donc être représentée enceinte, et le fut très souvent notamment dans le Cantal (la quête des auteurs commence en effet à Puy-en-Velay), dans le sud de la France, en Espagne et surtout au Portugal.
Peu à peu le culte marial se renforça et les figures représentant des "vierges" allaitantes, enceintes ou couchées en gésine furent ôtées de la vue des fidèles, détruites ou cachées. A partir de la Renaissance, l'idée de la virginité de Marie s'imposa et la représentation d'une mère de Dieu non vierge fut tout bonnement interdite par une hiérarchie religieuse devenue toute-puissante.
Jean-Yves Loude et Viviane Lièvre se sont donc lancés à la recherche des statues et des tableaux qui furent épargnés dans cette "chasse aux sorcières". Leur périple les a menés, en 2020 après le confinement, de Saint-Flour, Brioude et Puy-en-Velay dans le Cantal, à Belpech, Prades, Cucugnan, Perpignan, Ceret (pour la France), puis dans de nombreuses villes de l'ouest de l'Espagne et du Portugal (La Curuna, Saint-Jacques-de-Compostelle, Chaves, Coimbra, Evora, Lisbonne, Porte Alegre... non limitatif)
Leur recherche s'appuie notamment, dans son souci de rendre aux femmes leur rôle historique, sur la redécouverte en 1945 à Nag Hamadi (Egypte) des Evangiles apocryphes de Thomas, Philippe et
Marie-Madeleine, écrits au 2ème siècle et écartés au 4ème du canon chrétien.
Les évangiles apocryphes réhabilitent le rôle de
Marie-Madeleine, qui n'était certainement pas une prostituée, comme l'ont affabulé les pères de l'Église, mais, selon les textes que nous avons à notre disposition, un témoin du Christ et une disciple à part entière.
Le déplacement des auteurs est indiqué sur une carte placée en début d'ouvrage, et il est possible de voir les photos des monuments et des objets religieux grâce au QR-code (www.le-chemin-des-vierges-enceintes.org).
Des sculptures de ces petites jeunes filles enceintes figurent également dans la partie centrale de l'ouvrage et ont l'aspect touchant et naïf de l'art populaire du Moyen-Âge.
Ce livre constitue une formidable ouverture sur l'évolution de la pensée et des représentations religieuses dans la lignée de
Jean-Yves Leloup, écrivain, philosophe, théologien et prêtre orthodoxe français contemporain.
Il est en effet nécessaire de restituer au féminin sa place dans le monde des croyances et dans l'histoire des religions : la limitation des pratiques cultuelles et des mentalités à un univers exclusivement masculin introduit un déséquilibre de nature ontologique en réduisant, décentrant et délégitimant le principe féminin et donc en altérant la nature humaine et en faussant son rapport à la spiritualité ; ce déséquilibre est rendu plus visible et inacceptable encore du fait de l'évolution des sociétés.
Pour devenir véritablement humain, l'Homme doit se réconcilier avec la dualité en lui qui en fait un être soumis à la naissance et à la mort. La sexualité est là pour le lui rappeler et son appartenance à un sexe porte en creux son appartenance à l'autre.